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05/03/2003 | FRANCE | N°02-83980

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 mars 2003, 02-83980


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq mars deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, et les observations de la société civile professionnelle DEFRENOIS et LEVIS, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Arsim,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 4ème chambre, en date du 7 mars 2002, qui, pour infractions à la

législation sur les stupéfiants, l'a condamné à 3 ans d'emprisonnement, à 20 000 euros d'amend...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq mars deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, et les observations de la société civile professionnelle DEFRENOIS et LEVIS, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Arsim,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 4ème chambre, en date du 7 mars 2002, qui, pour infractions à la législation sur les stupéfiants, l'a condamné à 3 ans d'emprisonnement, à 20 000 euros d'amende, et à l'interdiction définitive du territoire français, a prononcé une mesure de confiscation et a décerné mandat d'arrêt ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-1, 222-37, 222-39, 222-41 et 222-48 du Code pénal, 427, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a confirmé le jugement ayant déclaré un prévenu, Arsim X..., coupable d'acquisition, détention, transport, offre et cession illicites de substances stupéfiantes, et lui a infligé une peine d'emprisonnement sans sursis et d'amende et une interdiction définitive du territoire national ;

"aux motifs que si Arsim X... niait toute activité délictueuse, il avait été mis en cause par de très nombreuses personnes ; que Mohamed Y... avait entendu dire qu'il vendait de la drogue en compagnie de Z... ; que plus intéressantes étaient les déclarations de Rachid A..., arrêté en gare de Chessy, qui avait exposé qu'étant débiteur de B... ou C... (identifié comme étant Arsim X...), son fournisseur d'héroïne, celui-ci l'avait envoyé à Bruxelles à charge de rapporter de l'héroïne et d'apurer ainsi sa dette ; que Rachid A... avait précisé que B... marchait les pieds écartés, ce qui s'était vérifié s'agissant d'Arsim X... ; que Pascale D... avait indiqué que C... lui avait présenté Z... qui vendait de l'héroïne, et que C... lui-même ne manquait jamais d'héroïne ; que Nassim E..., dont le sérieux des déclarations s'était manifesté s'agissant d'un autre prévenu, avait précisé que C..., identifié comme étant Arsim X..., lui avait vendu en 1998, 300 grammes d'héroïne pour un prix de 60 000 francs ; que Christophe F... avait soutenu que Arsim X... lui avait vendu au moins 25 grammes d'héroïne à la fin de l'année 1999 ; que Khemal G... avait prétendu qu'il trafiquait avec H... et I... ; que Christophe J... avait dit lui avoir acheté cinq grammes d'héroïne par semaine d'octobre 1999 à mai 2000 ; que Mamar K... avait affirmé lui avoir acheté à trois reprises cinq grammes d'héroïne et avait ajouté que Arsim X... était l'associé de Z... ; que si Pascale D..., Nassim E..., Mamar K..., Christophe F... et Rachid A... étaient revenus sur leurs accusations lors de confrontations réalisées après la remise en liberté d'Arsim X..., il convient de constater que Pascale D..., Nassim E... et Christophe F... avaient maintenu que leur fournisseur d'héroïne était bien l'homme correspondant au cliché n 13, lequel n'était autre que Arsim X... ;

que Christophe J... avait maintenu, même lors d'une confrontation, que Arsim X... lui avait fourni de l'héroïne ; que Christophe F..., Nassim E... et Pascale D... prétendant ne pas identifier en confrontation Arsim X... comme étant leur fournisseur d'héroïne tout en maintenant avoir été servis par l'homme figurant sur la photographie représentant le même Arsim X..., leur revirement tardif apparaissait de pure complaisance ;

que le revirement de Rachid A... tentant de disculper Arsim X... tout en maintenant que l'homme l'ayant envoyé à Bruxelles était bien B... ou C..., s'inspirait de la même complaisance, une enveloppe et une lettre découvertes dans les dépendances de son domicile ayant établi que Arsim X... était bien surnommé C..., ce que l'intéressé s'était acharné à nier ; que Arsim X... n'avait pas davantage expliqué pour quelle raison 1 250 deutsche Marks étaient dissimulés dans le faux plafond de son logement ; que cet ensemble d'éléments établissait la culpabilité de Arsim X... (arrêt pp. 10 et 11) ;

"1 / alors que Arsim X... ayant, tant dans ses conclusions de relaxe que lors des débats, notamment devant le tribunal correctionnel (cf. notes d'audience), exprimé son désaccord avec les déclarations de témoins recueillies pendant l'instruction et le mettant en cause et notamment avec celles de Christophe J..., seul témoin à avoir prétendu reconnaître le prévenu après confrontation (D 597), la cour d'appel ne pouvait valablement retenir la culpabilité du prévenu sans faire interroger les témoins à charge en audience publique ;

"2 / alors qu'en ne recherchant pas si la circonstance que de nombreux témoins aient, lors des confrontations, à la fois disculpé le prévenu et continué de reconnaître dans sa photographie un fournisseur d'héroïne n'établissait pas la sincérité de leurs déclarations à décharge et l'absence de tout revirement de complaisance, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"3 / alors que le co-prévenu Rachid A... avait déclaré, lors de ses auditions par la police (D 35/2, D 230), appeler le fournisseur d'héroïne connu sous les surnoms de B... ou de C... sur un téléphone mobile dont il avait précisément indiqué le numéro ; que Arsim X..., sur interrogation des policiers (D 430), avait fidèlement rendu compte des divers numéros de téléphones utilisés par lui au fil des années, parmi lesquels ne figurait pas celui indiqué par Rachid A..., et avait indiqué ne pas connaître ce dernier numéro ; qu'en ne s'expliquant pas sur cet élément essentiel d'identification du fournisseur de la drogue, et en ne recherchant pas si l'enquête puis l'instruction avaient fait apparaître que Arsim X... aurait utilisé ce numéro de téléphone, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'ordonner des auditions de témoins non sollicitées par le prévenu a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 131-30, 132-19, et 222-48 du Code pénal, 465, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a infligé à un prévenu (Arsim X...), déclaré coupable d'acquisition, détention, transport, offre et cession illicites de substances stupéfiantes, une peine d'emprisonnement sans sursis et d'amende et une interdiction définitive du territoire national, et a décerné mandat d'arrêt contre lui ;

"1 / aux motifs propres et adoptés qu'Arsim X..., de nationalité yougoslave, sans condamnation au casier judiciaire, avait été présent à la barre lors des débats comme prévenu libre (arrêt p. 2) ; que le trafic d'héroïne commandait une répression sévère ; que fondé sur la détresse et la dépendance des toxicomanes, il engendrait d'importants profits illicites, des phénomènes de délinquance induits qui portaient atteinte de façon gravissime à l'ordre public ; que les pénalités devaient être appréciées en fonction du degré d'implication de chacun dans le trafic et des éléments individuels de personnalité figurant au dossier (jugement pp. 27 et 28) ; que selon un co-prévenu, Arsim X... avait pu actionner depuis la région lyonnaise et grâce à son téléphone portable un fournisseur bruxellois d'héroïne qui était intervenu dans les deux heures ; que les faits examinés présentaient une extrême gravité, puisque cette filière de trafiquants albanais originaires du Kosovo ou de Macédoine avait écoulé environ une dizaine de kilogrammes d'héroïne dans la région lyonnaise au cours de la période visée à la prévention ; que l'héroïne étant vendue à 200 francs le gramme, le chiffre d'affaires réalisé pouvait être évalué à 2 000 000 francs ; qu'il était significatif que les sommes saisies n'aient eu aucune commune mesure avec ce chiffre d'affaires, ce qui permettait de conclure que le produit du trafic était aussitôt exporté, Arben I... se présentant par exemple comme un résistant, ce qui ouvrait la voie à toutes les supputations sur les finalités de ce trafic ; que de telles pratiques hautement préjudiciables pour la santé publique commandaient une application ferme de la loi pénale et le prononcé de peines d'emprisonnement dissuasives ; qu'il convenait alors d'infliger notamment à Arsim X..., paraissant de tous les trafiquants étrangers le moins lourdement impliqué, la peine de trois ans d'emprisonnement et 20 000 euros d'amende (arrêt pp. 11 et 12) ;

"alors qu'il résultait du dossier de la procédure et de l'arrêt attaqué, en premier lieu que la chambre de l'instruction avait mis fin à la détention provisoire d'Arsim X... par décision du 5 janvier 2001, en relevant ses garanties de domicile fixe et de profession stable, en deuxième lieu que le prévenu, étranger remis en liberté et mis en cause pour trafic de stupéfiants, avait volontairement assisté aux débats au fond devant le tribunal puis la cour d'appel, et en troisième lieu que son casier judiciaire ne comportait aucune condamnation ; que dès lors, en se bornant à des motifs généraux sur la gravité du trafic de stupéfiants et l'ampleur des profits réalisés par le supposé réseau auquel aurait appartenu ce prévenu, en ne faisant pas apparaître la gravité effective du comportement individuel de ce dernier, et en n'expliquant pas en quoi sa personnalité rendait inopérante une peine d'emprisonnement avec sursis, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"2 / aux motifs propres qu'afin d'assurer l'exécution de la peine d'Arsim X..., de nationalité étrangère et risquant de se soustraire à l'action de la justice, il convenait de décerner mandat d'arrêt à son encontre, l'intéressé ne s'étant pas présenté à l'audience de lecture de l'arrêt (arrêt p. 12 5) ;

"alors qu'ayant préalablement constaté (pp. 1 et 2) qu'Arsim X... était présent à la barre lors de l'audience de lecture du 7 mars 2002, la cour d'appel s'est contredite en fait ;

"3 / aux motifs propres qu'Arsim X... était marié (arrêt p.2) ; que, de nationalité étrangère, il ne résidait pas en France depuis plus de quinze ans, n'était pas arrivé en France avant l'âge de dix ans, n'était pas père d'un enfant français, n'était pas marié avec un conjoint de nationalité française et n'entrait pas dans une des catégories d'étrangers énumérés à l'article 131-30 du Code pénal ;

que lui et ses co-prévenus, récemment arrivés en France, dont aucun n'était consommateur d'héroïne, avaient mis sur pied un réseau de vente de grandes quantités d'héroïne ; que les nécessités de la protection de la santé publique et de la prévention des infractions pénales rendaient nécessaire leur interdiction du territoire français à titre définitif, sans que soit portée une atteinte disproportionnée aux droits tirés de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, chaque Etat pouvant, dans les cas prévus par la loi, interdire l'accès ou le maintien sur son territoire aux étrangers dont la présence constituait une menace grave pour la sûreté publique, comme tel était le cas s'agissant de trafiquants professionnels d'héroïne (arrêt p. 12 6 et 7) ;

"alors qu'en affirmant abstraitement l'absence d'atteinte disproportionnée aux droits garantis par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, et en ne s'expliquant pas concrètement sur l'atteinte portée au respect de la vie familiale de l'intéressé, dont il était pourtant constaté qu'il était marié, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu que, pour condamner Arsim X... à une peine d'emprisonnement sans sursis et à l'interdiction définitive du territoire français et décerner un mandat d'arrêt à son encontre, la cour d'appel prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état et abstraction faite d'une contradiction sans incidence relativement à la présence du prévenu à l'audience au cours de laquelle l'arrêt a été rendu, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des articles 132-19 du Code pénal et 465 du Code de procédure pénale, sans méconnaître les exigences de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Soulard conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-83980
Date de la décision : 05/03/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 4ème chambre, 07 mars 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 mar. 2003, pourvoi n°02-83980


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.83980
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