AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 28 juin 2001) que Mme X..., propriétaire de terres données à bail à Mme Y..., a fait connaître à cette dernière son intention de vendre par lettre du 27 août 1996 ; que la preneuse a déclaré qu'elle exerçait son droit de préemption par lettre du 23 octobre 1996 ; qu'elle n'a pas demandé la réalisation de l'acte de vente ; que Mme X... a, par acte du 5 juillet 1997 publié à la conservation des hypothèques le 19 août 1997, fait donation des terres aux époux Z... ; qu'ils ont alors assigné Mme Y... en résiliation du bail pour défaut d'exploitation personnelle ; qu'elle a demandé l'annulation de l'acte de donation ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande et de prononcer la résiliation du bail, alors, selon le moyen :
1 / que seuls sont inopposables aux tiers les actes et décisions judiciaires soumis à publicité par application des dispositions de l'article 28 du décret du 4 janvier 1955 ; qu'en l'absence de vente, régulièrement constatée, et en l'état d'une simple notification de la décision du preneur d'exercer son droit de préemption qui n'était pas soumise à publicité, aucune inopposabilité ne pouvait être invoquée par les époux Z..., donataires qui, au demeurant, ne pouvaient ignorer la situation locative de la parcelle donnée ; que de ce chef, la cour d'appel a violé les articles 28 et 30 du décret du 4 juillet 1955 ;
2 / que la communication faite par le bailleur au preneur vaut offre de vente aux prix et conditions qui y sont contenus et que la vente est parfaite entre les parties et la propriété acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée, ni le prix payé ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, tout en constatant que Mme Y... preneuse et titulaire d'un bail sur la parcelle mise en vente avait régulièrement accepté l'offre de vente, notifiée par Mme X... le 27 août 1996, de sorte que la vente était parfaite entre les parties, la cour d'appel a violé les articles L. 412-8 du Code rural, 1583 et 1589, alinéa 1er, du Code civil ;
3 / que seul le propriétaire bailleur est recevable à solliciter la résiliation du bail à l'encontre du preneur; qu'en la cause, M. et Mme Z..., acquéreurs évincés par l'exercice du droit de préemption de Mme Y..., n'avaient pas qualité pour solliciter la résiliation du bail consenti à cette dernière ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 411-35 et L. 411-36 du Code rural ;
4 / qu'en toute hypothèse, qu'en l'absence d'action en résiliation introduite par le propriétaire avant la mutation de propriété, le cessionnaire -acquéreur ou donataire- ne peut se plaindre personnellement de l'inexécution des clauses du contrat ou du manquement ou des dispositions du statut du fermage, à l'égard du cédant ; qu'ainsi, en se fondant pour résilier le bail à la requête des époux Z..., donataires, sur une situation intervenue en 1990, plusieurs années avant la donation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 411-31, L. 411-35 et L. 411-36 du Code rural ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a, abstraction faite d'un motif surabondant, exactement relevé que l'article 30 du décret du 4 janvier 1955 sur la publicité foncière avait bien vocation à s'appliquer en l'espèce dans la mesure où les époux Z... comme Mme Y... revendiquaient tous deux des droits de propriété concurrents sur le même immeuble, les premiers en vertu d'une donation, la seconde en vertu de l'exercice du droit de préemption et que les tiers par rapport à la vente alléguée, en l'espèce les époux Z..., étaient bien fondés à invoquer l'inopposabilité de cette vente antérieure revendiquée par Mme Y... qui n'avait pas fait publier de titre de propriété à cet égard ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que depuis 1990 Mme Y... n'exploitait plus les lieux loués et qu'elle était remplacée dans cette exploitation par son fils Christian sans avoir été auparavant autorisée pour pratiquer une telle cession, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les consorts Y... à payer aux époux Z... la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille trois.