AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 21 juin 2000, n° 51), que les époux Pierre X...
Y... sont preneurs à bail d'une parcelle cadastrée section ZI n° 22, à Monceau-le-Neuf, mise à disposition du Groupement agricole d'exploitation en commun X... frères (le GAEC) ; que M. Z... , propriétaire de la parcelle, a assigné les preneurs en résiliation du bail pour cession prohibée à la suite de la modification, par acte du 22 mai 1995, des statuts du GAEC, devenu une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) ;
Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1 / que la mise à disposition par le preneur des terres données à bail au profit d'une société civile d'exploitation agricole constitue en l'absence d'avis préalable régulièrement notifié au bailleur, une cession du bail prohibée par l'article L. 411-35 du Code rural ; que l'opération de mise à disposition des biens loués au profit d'une EARL, alors qu'auparavant les terres ont été mises à disposition d'un GAEC, requiert également l'avis préalable donné au bailleur ; que dès lors, en déboutant M. Z... de sa demande tout en constatant que le preneur avait le 3 juillet 1995 porté à la connaissance du bailleur la mise à disposition des biens donnés à bail au profit de l'EARL, laquelle prenait la suite du GAEC, constituée le 22 mai précédant, la cour d'appel a procédé d'une violation des articles L. 411-35 et L. 411-37 du Code rural, ce dernier dans sa rédaction alors applicable ;
2 / que lorsqu'un bail est consenti à deux époux copreneurs conjoints et solidaires, il appartient à ces derniers d'aviser le bailleur de la mise à disposition, au profit de la Société dont ils sont associés, des biens donnés à bail ; qu'au surplus, les copreneurs doivent continuer à se consacrer à l'exploitation des biens loués mis à disposition, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, tout en constatant que Mme Michel X... , titulaire du bail n'avait pas été associée à la mise à disposition, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 411-37 du Code rural ;
3 / qu'en toute hypothèse, en statuant comme elle l'a fait, tout en relevant que la mise à disposition des terres était intervenue dès le 22 mai 1995, date de la transformation du GAEC en EARL, ce qui constituait donc, en l'absence d'avis préalable, une cession prohibée, la cour d'appel, qui n'avait pas à se prononcer sur la question du préjudice, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et n'a donc pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 411-37 du Code rural dans sa rédaction alors en vigueur ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que le mandataire des preneurs avait écrit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 3 juillet 1995 à M. Z... qu'il l'avisait que M. Michel X... mettait à disposition de l'EARL X... frères, à compter de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés les biens donnés à bail, que cette société résultait d'une modification des statuts du GAEC X... frères, sans création d'une personne morale nouvelle, la cour d'appel, qui a constaté qu'il avait été procédé à une inscription modificative le 11 juillet 1995, postérieurement à la lettre susvisée, la date du début d'activité portée sur l'extrait (13 mars 1985) étant celle du début d'activité du GAEC dont l'EARL était la suite, en a déduit qu'il avait été procédé à l'information préalable du bailleur prévue à l'article L. 411-37 du Code rural ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que le bailleur avait été avisé de la constitution du GAEC et que si l'épouse de M. Michel X... , bien que titulaire du bail, n'avait pas été associée à cette mise à disposition, cette irrégularité n'avait causé aucun préjudice au bailleur, puisque chacun des époux restait tenu à son égard des obligations nées du bail, peu important la création d'une société, et que l'irrégularité commise n'avait pas été de nature à induire M. Z... en erreur, la cour d'appel a, abstraction faite d'un motif surabondant, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les consorts Z... à payer aux époux X... la somme de 700 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille trois.