La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/02/2003 | FRANCE | N°01-20359

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 février 2003, 01-20359


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que la société Laboratoires Boiron, fabriquant des médicaments homéopathiques, a réclamé à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) le remboursement, au titre de l'année 1998, de la contribution de 2,5 % instaurée par l'article 12 de la loi n 97-1167 du 19 décembre 1997 relative au financement de la sécurité sociale, devenu l'article L. 245-6-1 du Code de la sécurité sociale, et assise sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé par elle en Fr

ance auprès des pharmacies d'officine au titre des ventes directes de spéciali...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que la société Laboratoires Boiron, fabriquant des médicaments homéopathiques, a réclamé à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) le remboursement, au titre de l'année 1998, de la contribution de 2,5 % instaurée par l'article 12 de la loi n 97-1167 du 19 décembre 1997 relative au financement de la sécurité sociale, devenu l'article L. 245-6-1 du Code de la sécurité sociale, et assise sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé par elle en France auprès des pharmacies d'officine au titre des ventes directes de spécialités ; que sur refus de l'ACOSS, la cour d'appel a dit que les médicaments homéopathiques étaient soumis à cette contribution, dit que l'ACOSS n'avait pas pris en faveur des laboratoires Boiron une décision implicite excluant les ventes directes via les grossistes répartiteurs et a sursis à statuer sur la demande de conformité de cette taxe au droit communautaire dans l'attente de la réponse de la Cour de justice des communautés européennes saisie par ailleurs ;

Sur le premier moyen, pris en ses huit branches :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen :

1 / qu'aux termes de l'article L. 245-6-1 du Code de la sécurité sociale, "une contribution assise sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France auprès des pharmacies ... au titre des ventes en gros de spécialités inscrites sur la liste mentionnée à l'article L. 162-17, à l'exception des spécialités génériques définies à l'article L. 601-6 du Code de la santé publique, est due par les entreprises assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques au sens de l'article L. 596 du Code de la santé publique" ; que constitue donc une condition nécessaire d'assujettissement à la taxe instituée par cet article L. 245-6-1 du Code de la sécurité sociale l'exploitation par l'entreprise de spécialités pharmaceutiques au sens de l'article L. 596 (devenu L 5124-1) du Code de la santé publique ; que pour décider que les médicaments homéopathiques rentraient dans l'assiette de la taxe, la Cour, qui a fait totalement abstraction de cette condition nécessaire dont la société BOIRON soutenait -ainsi, au demeurant, que le rappelle l'arrêt attaqué (p. 9)- qu'elle n'était pas remplie, a violé l'article L. 245-6-1 du Code de la sécurité sociale, ainsi que l'article L. 596 ( 5124-1) du Code de la santé publique ;

2 / qu'en ne répondant pas aux conclusions en réponse et récapitulatives de la société BOIRON soutenant que les médicaments au titre desquels l'ACOSS entend assujettir les laboratoires homéopathiques à la taxe ne sont pas des spécialités pharmaceutiques au sens de l'article L. 596 du Code de la santé publique, la cour d'appel a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que le Code de la santé publique, qui définit les différentes catégories de médicaments, définit de façon distincte la spécialité pharmaceutique (art. 5111-2) et les autres médicaments (art. 5121-1) parmi lesquels le médicament homéopathique ; que ce dernier est ainsi défini : "tout médicament obtenu à partir de produits, substances ou compositions appelés souches homéopathiques, selon un procédé de fabrication homéopathique décrit par la pharmacopée européenne, la pharmacopée française ou, à défaut, les pharmacopées utilisées de façon officielle dans un autre Etat membre de la Communauté Européenne. Un médicament homéopathique peut contenir plusieurs principes" ; qu'en affirmant que les médicaments homéopathiques répondent au régime des spécialités pharmaceutiques définies à l'article L. 511-1 du Code de la santé publique, sous prétexte que les rubriques ne sont pas exclusives les unes des autres, sans aucunement justifier que les médicaments homéopathiques fabriqués par la société Boiron que l'ACOSS prétend être soumis à la taxe constituent des spécialités pharmaceutiques telles que définies par cet article L. 511-1, la cour d'appel a violé l'article L. 511-1 du Code de la santé publique (c'est-à-dire les articles 5111-2 et 5121-1 du nouveau Code) ;

4 / qu'il résulte de l'article L. 601-3 du Code de la santé publique que les dispositions de l'article L. 601 du même Code ne s'appliquent pas à tous les médicaments homéopathiques ; que tout en retenant que l'article L. 162-17 du Code de la sécurité sociale, auquel se réfère l'article L. 245-6-1 du même Code pour déterminer l'assiette de la taxe, fait référence aux médicaments spécialisés mentionnés à l'article L. 601 du Code de la santé publique, lequel vise les spécialités pharmaceutiques et les autres médicaments, la cour, qui a décidé que les médicaments homéopathiques rentraient dans l'assiette de la taxe, n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences qui en résultaient et a ainsi violé les articles L. 601 et L. 601-3 (devenus articles L. 5121-5 et L. 5121-8) du Code de la santé publique et, partant, de plus fort l'article L. 245-6 du Code de la sécurité sociale ;

5 / qu'en affirmant, sans aucunement le justifier, que les médicaments homéopathiques étaient, et sont toujours, des spécialités pharmaceutiques, la cour d'appel a violé l'article L. 511-1 (art. 5112-1 et 5121-1) du Code de la santé publique ;

6 / qu'aux termes de l'article R. 5115-13 du Code de la santé publique, issu du décret du 17 février 1998, "toute entreprise exerçant l'activité de grossiste répartiteur ... est tenue aux obligations de service public suivantes : il doit disposer d'un assortiment de médicaments comportant au moins les neuf dixièmes des présentations effectivement exploitées en France ... " ; que tout en relevant elle-même que l'arrêté du 3 octobre 1962 ne visait que les médicaments spécialisés et les spécialités, la cour d'appel, qui a retenu que le décret du 11 février 1998 n'a fait que confirmer la situation de droit créée par l'arrêté du 3 octobre 1962, a violé l'article R. 5115-13 du Code de la santé publique issu du décret du 17 février 1998 ;

7 / que tout en rappelant, en se référant à la décision du Conseil constitutionnel du 18 décembre 1997, que la taxe instituée par l'article L. 245-6-1 du Code de la sécurité sociale avait "pour objet le rééquilibre des conditions de concurrence entre circuits de distribution de médicaments, les grossistes répartiteurs étant soumis à une obligation de service public qui ne s'impose pas aux laboratoires pharmaceutiques" et en reconnaissant que les grossistes répartiteurs ne respectaient pas la réglementation leur imposant des obligations de service public et également le caractère spécifique de la distribution de nombreuses spécialités homéopathiques, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, ainsi que la société Boiron l'y invitait dans ses conclusions en réponse et récapitulatives, si, compte tenu précisément de l'objet de la taxe, l'exécution par les laboratoires fabriquant des médicaments homéopathiques des obligations de service public incombant aux grossistes répartiteurs n'impliquait pas que ces médicaments soient de plus fort exclus de l'assiette de la taxe, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 245-6-1 du Code de la sécurité sociale ;

8 / qu'en ne répondant pas aux conclusions en réponse et récapitulatives de la société Boiron, soutenant, en le justifiant, que l'objectif que le législateur s'était fixé excluait également que les médicaments homéopathiques soient compris dans l'assiette de la taxe instituée par l'article L. 245-6-1 du Code de la sécurité sociale, la cour a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, selon les dispositions de l'article L. 245-6-1 du Code de la sécurité sociale, une contribution de 2,5 % assise sur le chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France auprès des pharmacies d'officine, des pharmacies mutualistes et des pharmacies de sociétés de secours minières, au titre des ventes en gros de spécialités inscrites sur la liste mentionnée à l'article L. 162-17, à l'exception des spécialités génériques définies à l'article L. 5121-1, est due par les entreprises assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques au sens de l'article L. 596, devenu L. 5124-1 du Code de la santé publique ; qu'après avoir justement énoncé que le terme "spécialités" englobe tous les médicaments remboursables dont font partie les médicaments homéopathiques, la cour d'appel a énoncé à bon droit que les conditions de distribution des médicaments homéopathiques n'étaient pas de nature à les retirer de l'assiette de la contribution, dès lors que sont visées par l'article L. 245-6-1 du Code de la sécurité sociale les ventes directes en gros de médicaments par un laboratoire exploitant et une officine ; qu'elle a ainsi, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'agence centrale des organismes de sécurité sociale n'a pas pris en faveur des laboratoires Boiron une décision implicite excluant les ventes directes via les grossistes répartiteurs , alors, selon le moyen :

1 / que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ;

qu'en n'indiquant pas sur quel élément de preuve elle se fondait pour affirmer que l'ACOSS avait immédiatement procédé à la régularisation du compte de la société BOIRON suite aux explications de celle-ci, la cour d'appel a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que pour justifier l'existence d'une décision implicite de l'ACOSS sur l'assiette de la taxe, la société Boiron produisait aux débats non seulement ses premières déclarations des 22 février 1998 et 22 mai 1998 et les décomptes des contributions effectuées par l'ACOSS excluant les ventes via grossistes en date des 6 mars et 3 juin 1998 ainsi que la télécopie adressée par la société Boiron le 2 juillet 1998 en réponse à ses demandes d'explication par téléphone le même jour, mais également la déclaration par elle souscrite le 21 août 1998, rédigée selon les mêmes modalités que les précédentes, et le décompte par l'ACOSS en date du 3 septembre 1998 de la contribution pour le troisième trimestre, toujours calculée comme auparavant, c'est-à-dire en excluant les ventes via grossistes et ne comportant pas la moindre réserve ; qu'en affirmant que l'ACOSS avait immédiatement procédé à la régularisation du compte suite aux explications de la société Boiron, sans aucunement se prononcer sur la déclaration souscrite par la société Boiron le 21 août 1998 et le décompte par l'ACOSS en date du 3 septembre 1998 de la contribution pour le troisième trimestre 1998, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 455 du nouveau Code de procédure civile et 1353 du Code civil ;

Mais attendu que sous couvert d'un grief tiré d'une insuffisance de motivation, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Laboratoires Boiron aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 01-20359
Date de la décision : 27/02/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

SECURITE SOCIALE - Financement - Contribution à la charge des entreprises assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques - Spécialités pharmaceutiques - Domaine d'application - Médicaments homéopathiques .

Selon les dispositions de l'article L. 245-6-1 du Code de la sécurité sociale, une contribution de 2,5 %, assise sur le chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France auprès des pharmacies d'officine, des pharmacies mutualistes et des pharmacies de secours minière au titre des ventes en gros de spécialités inscrites sur la liste mentionnée à l'article L. 162-17, à l'exception des spécialités génériques définies à l'article L. 5121-1 du Code de la santé publique, est due par les entreprises assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques au sens de l'article L. 596 devenue L. 5124-1 du Code de la santé publique.. Le terme spécialités englobant tous les médicaments remboursables dont font partie les médicaments homéopathiques les conditions de distribution des médicaments homéopathiques ne sont pas de nature à les retirer de l'assiette de la contribution, dès lors que sont visées par l'article L. 245-6-1 du Code de la sécurité sociale les ventes directes en gros de médicaments par un laboratoire exploitant et une officine.


Références :

Code de la sécurité sociale L245-6-1, L162-17
Code de la sécurité publique L5121-1, L5124-1 (ancien L596)

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 30 janvier 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 fév. 2003, pourvoi n°01-20359, Bull. civ. 2003 V N° 75 p. 70
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2003 V N° 75 p. 70

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Sargos .
Avocat général : Avocat général : M. Duplat.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Trédez.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, la SCP Parmentier et Didier.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:01.20359
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award