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26/02/2003 | FRANCE | N°02-88217

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 février 2003, 02-88217


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six février deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller FARGE, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE et de la société civile professionnelle PARMENTIER et DIDIER, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Robert,

- Y.

.. Brigitte, épouse Z..., partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la c...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six février deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller FARGE, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE et de la société civile professionnelle PARMENTIER et DIDIER, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Robert,

- Y... Brigitte, épouse Z..., partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de NIMES, en date du 15 octobre 2002, qui a renvoyé le premier devant la cour d'assises du GARD, sous l'accusation de tentative de meurtre aggravé, violences mortelles aggravées et violences aggravées ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

I - Sur le pourvoi de Brigitte Z... :

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 122-5 du Code pénal, 80-1, 204, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation de la loi, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, confirmant l'ordonnance du 21 juin 2002, a dit n'y avoir lieu à supplément d'information et n'a pas procédé à la mise en examen de Didier A... ;

"aux motifs que Stéphane Z... n'avait pu être atteint que par le premier tir ; qu'en effet, suite à celui-ci, Robert X... avait démarré brutalement ; que la progression du véhicule avait alors fait pivoter Stéphane Z... avant de l'éjecter ; que, dans ces conditions, dès que le véhicule avait avancé, Stéphane Z... ne se trouvait plus en position permettant au projectile de l'atteindre au niveau de la partie gauche du crâne ; qu'il fallait donc un tir transfixiant le pare-brise et orienté de la droite vers la gauche de la voiture, imposant un tireur légèrement à droite de l'axe médian de la 605 ; que Didier A... n'avait été en position d'atteindre son camarade que lors du premier tir alors qu'il était encore debout en train d'être soulevé par la voiture ; qu'en outre, Didier A... a présenté les blessures suivantes : une contusion bénigne de la cheville gauche, un traumatisme du membre inférieur droit associant une fracture de la rotule droite, une contusion de la cuisse droite et une fracture arrachement de l'extrémité supérieure de la tête, une fracture avec enfoncement du corps vertébral de la première lombaire ; que ces lésions correspondaient à un impact direct des structures de carrosserie au niveau du membre inférieur droit et démontraient que ce policier n'avait pas sauté mais avait été chargé sur le capot de celui-ci ; que la version de Didier

A... légèrement corrigée par les autres fonctionnaires de police, était parfaitement compatible avec les éléments objectifs rassemblés ;

"et aux motifs que l'affirmation de la partie civile, Brigitte Z..., selon laquelle "le juge d'instruction a orienté le travail d'analyse de tous les enquêteurs et le sien propre au motif que c'est au chauffeur du véhicule litigieux qu'il convient d'imputer la réaction immédiate de Didier A... ayant entraîné la mort de son collègue", relève de l'assertion gratuite ; qu'en effet, on été entendues, réentendues et confrontées toutes les personnes présentes sur les lieux et qu'une reconstitution a été réalisée en présence de toutes les parties et de divers experts ; que, d'ailleurs, la partie civile, dans son mémoire, n'invoque que des considérations générales et n'indique pas le ou les actes supplémentaires qui auraient dû être diligentés ou dont l'accomplissement est sollicitée ;

qu'en l'espèce, Didier A..., en danger de mort, n'avait d'autre moyen pour arrêter le démarrage de la 605 que d'ouvrir le feu et a donc agi dans les conditions prévues par l'article 122-5 du Code pénal ; que c'est donc à juste titre et en l'absence d'indices au sens de l'article 80-1 du Code de procédure pénale que le juge d'instruction n'a pas procédé à sa mise en examen ;

1 ) "alors que le juge d'instruction doit mettre en examen les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblables qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que Didier A... a tiré la balle qui a mortellement blessé son collègue, Stéphane Z..., ce qu'il a d'ailleurs lui- même reconnu ; qu'en ne recherchant pas si l'aveu de Didier A... ne devait pas conduire à sa mise en examen, la chambre de l'instruction n'a pas suffisamment motivé sa décision ;

2 ) "alors que la légitime défense exonère pénalement celui qui a commis une infraction afin de se défendre contre une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui ; que l'admission de la légitime défense postule l'existence d'une infraction pénalement répréhensible ; qu'en reconnaissant à Didier A... le bénéfice de la légitime défense tout en considérant qu'il n'avait pas participé à la commission des infractions dont était saisie la juridiction d'instruction, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'un défaut de motifs certains ;

3 ) "alors que la légitime défense implique que l'agression soit réelle ; que ne constitue pas une menace réelle, justifiant une riposte, celui qui fuit pour échapper à la police ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué qu'au moment où Didier A... a tiré le coup de feu qui a mortellement blessé son collègue, Stéphane Z..., Robert X... tentait de s'enfuir ; qu'en jugeant néanmoins que Didier A... s'était trouvé "en danger de mort" et avait agi en état de légitime défense, sans expliquer en quoi le fuyard représentait une réelle menace, la chambre de l'instruction n'a pas donné de motifs suffisants à sa décision ;

4 ) "alors que la contradiction entre les motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'en rejetant la demande d'annulation de l'ordonnance de renvoi formée par la partie civile en estimant que Didier A..., qui était en danger de mort, n'avait pas eu d'autre choix que d'ouvrir le feu et avait agi dans les conditions prévues par l'article 122-5 du Code pénal, tout en constatant que Didier A... avait tiré avant que le véhicule conduit par Robert X... ne démarre, la chambre de l'instruction a statué par des motifs contradictoires ;

5 ) "alors que les juges doivent répondre aux articulations essentielles des mémoires qui leur sont présentés par les parties ; qu'en l'espèce, Brigitte Z... sollicitait, dans son mémoire devant la chambre de l'instruction, l'annulation de l'ordonnance déférée et le renvoi du dossier devant le juge d'instruction aux fins d'étudier la mise en examen de Didier A... ; qu'en se contentant d'affirmer qu'il n'y avait pas lieu à supplément d'information sans répondre à la demande de la partie civile tendant à l'annulation de l'ordonnance du juge d'instruction, la chambre de l'instruction a violé l'article 593 du Code de procédure pénale" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'y avait pas lieu de mettre Didier A... en examen, ni d'ordonner un supplément d'information ;

Que la demanderesse se borne à critiquer ces motifs, sans justifier d'aucun des griefs que l'article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre de l'instruction, en l'absence de recours du ministère public ;

Que, dès lors, le moyen est irrecevable, et qu'il en est de même du pourvoi, par application du texte précité ;

II - Sur le pourvoi de Robert X... :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 121-5, 122-5, 221-1 et 221-4 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la mise en accusation de Robert X... du chef de tentative d'homicide volontaire sur un fonctionnaire de la police nationale dans l'exercice de ses fonctions ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ;

1 ) "alors que, l'intention homicide est par définition exclue lorsque l'auteur prétendu du crime d'homicide volontaire a agi en état de légitime défense et que les motifs de l'arrêt d'où il résulte tantôt qu'en l'absence de toute violence préalable envers lui de la part de Robert X..., Didier A... a tiré avec son arme de poing en direction de celui-ci, n'atteignant que par accident son collègue policier à la suite de quoi seulement, Robert X... a fait démarrer en première son véhicule dans la direction de son agresseur - ce qui constituait une défense nécessairement proportionnée à l'attaque dont il était l'objet - tantôt que la manoeuvre effectuée avec son véhicule par Robert X... en direction du policier qui se trouvait à l'avant de celui-ci a précédé et non suivi le coup de feu de ce dernier, repose sur une contradiction de motifs ne permettant pas de caractériser l'existence de l'élément intentionnel du crime de tentative d'homicide volontaire en sorte que la cassation est encourue ;

2 ) "alors que la circonstance aggravante du crime d'homicide volontaire visée à l'article 222-8-4 du Code pénal et tirée de la qualité de la victime suppose, pour être retenue, que cette qualité ait été apparente ou connue de l'auteur ; que, s'il résulte clairement des énonciations de l'arrêt que les policiers, qui sont intervenus au péage de Roquemaure en civil et dans une voiture banalisée, n'étaient pas porteurs de leur brassard professionnel, il résulte en revanche des pièces de la procédure, expressément invoquées par Robert X..., dans son mémoire régulièrement déposé devant la chambre de l'instruction, que les déclarations des policiers confirmant celles de Didier A..., selon lesquelles ce dernier aurait fait précéder ces injonctions adressées à Robert X... du mot "police" en hurlant, étaient démenties, d'une part, par la péagère, Monique B..., se trouvant environ à trois mètres du véhicule de Robert X..., d'après laquelle il n'y avait eu aucune déclaration des policiers en ce sens (D. 10), d'autre part, par Bernard C..., conducteur du fourgon Mercedes, véhicule précédant celui de Robert X... arrêté au péage qui n'a pas réalisé que l'individu qui était devant lui était un policier (D. 696), enfin par Christian C..., conducteur du véhicule suivant immédiatement celui de Robert X..., qui a seulement entendu "bouge pas, fais pas le con" (D. 8) à l'exclusion du mot "police" et qu'en omettant de s'expliquer sur ces importantes contradictions et en affirmant, d'une part, que de manière générale les déclarations des policiers étaient "à peu près" corroborées par les autres témoins de la scène et, d'autre part, que sur ce point particulier, les déclarations des policiers étaient confirmées par Monique B..., contredisant les déclarations de cette dernière, l'arrêt attaqué a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 222-7 et 222-8-4 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;

"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la mise en accusation de Robert X... du chef de coups mortels sur un fonctionnaire de la police nationale dans ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ;

1 ) "alors que le crime de coups mortels suppose nécessairement pour être constitué que l'auteur ait commis des violences volontaires à l'encontre de la victime et que la chambre de l'instruction, qui a constaté que la victime, Stéphane D... avait été atteint par un coup de feu tiré, non par l'auteur prétendu des coups mortels, Robert X..., mais par un policier, Didier A..., ayant très précisément tiré en direction du demandeur et n'ayant atteint que par accident la victime ne pouvait, sans priver sa décision de base légale au regard des articles 121-3 et 222-7 du Code pénal, mettre en accusation Robert X... pour coups mortels ;

2 ) "alors que les chambres de l'instruction ne peuvent fonder une décision de mise en accusation sur des motifs contradictoires ou ne répondant pas aux chefs des conclusions dont elles sont régulièrement saisies ; que l'arrêt ne pouvait, sans se contredire ou mieux s'expliquer, bâtir sa décision sur la thèse selon laquelle l'action de Robert X... aurait joué un rôle causal dans la mort de Stéphane D..., dès lors que le coup de feu du policier, Didier A..., l'avait atteint, trouvait sa justification dans la réaction de ce dernier à la manoeuvre - elle-même constitutive de tentative d'homicide volontaire sur sa personne - effectuée avec son véhicule par Robert X... et ayant consisté, selon le policier, à avoir passé la première et à l'avoir percuté de face le projetant sur le capot de la 605 ; qu'en effet, cette thèse, abstraction même du fait qu'elle permet, en violation des articles 121-3 et 222-7 du Code pénal, de retenir la responsabilité pénale d'une personne qui n'a exercé aucune violence volontaire à l'encontre de la victime, est formellement démentie, d'une part, par les constatations de l'arrêt d'où il résulte que Robert X... n'a démarré brutalement qu'après que Didier A... ait tiré, atteignant mortellement Stéphane D... au lieu de l'atteindre, d'autre part, par les déclarations claires et précises de Bernard C... (D. 696) invoquées par le demandeur dans ses conclusions, de ce chef délaissées, d'où il résulte que le coup de feu du policier a précédé et non suivi la manoeuvre prétendument constitutive de tentative d'homicide volontaire sur sa personne effectuée par Robert X... avec son véhicule" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-12 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la mise en accusation de Robert X... du chef de violences ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours sur la personne de Bernard C... avec cette circonstance que les faits ont été commis avec usage ou menace d'une arme ;

"alors que, faute de relater les circonstances dans lesquelles Bernard C... a été blessé, l'arrêt ne permet pas de savoir si les blessures de celui-ci résultent de l'action délictueuse de Robert X... ou de l'action des policiers en sorte que la cassation est encourue pour insuffisance de motifs" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction, après avoir exposé les faits et répondu comme elle le devait aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a relevé l'existence de charges qu'elle a estimées suffisantes contre Robert X... pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises sous l'accusation de tentative de meurtre aggravé, violences mortelles aggravées et violences aggravées ;

Qu'en effet, les chambres de l'instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, la Cour de Cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;

Que, dès lors, les moyens ne peuvent qu'être écartés ;

Attendu que la procédure est régulière et que les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;

Et attendu que, la condamnation prévue par l'article 618-1 du Code de procédure pénale ne pouvant être prononcée que contre l'auteur de l'infraction, les demandes faites à ce titre par Brigitte Z... contre Robert X..., personne mise en examen, ainsi que contre Didier A..., partie intervenante, et par Didier A... contre Robert X..., ne sont pas recevables ;

Par ces motifs,

I - Sur le pourvoi de Brigitte Y..., épouse Z... :

Le DECLARE IRRECEVABLE ;

II - Sur le pourvoi de Robert X... :

Le REJETTE ;

DECLARE IRRECEVABLES les demandes de Brigitte Z... et de Didier A... au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Farge conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-88217
Date de la décision : 26/02/2003
Sens de l'arrêt : Rejet irrecevabilité
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de NIMES, 15 octobre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 fév. 2003, pourvoi n°02-88217


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.88217
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