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26/02/2003 | FRANCE | N°02-84568

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 février 2003, 02-84568


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six février deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller FARGE, les observations de Me LE PRADO, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Messaoud,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 3 avril 2002, qui, pour conduite d'un véhicule en état d'ivresse manifeste,

refus de se soumettre aux vérifications tendant à établir l'état alcoolique, violences aggr...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six février deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller FARGE, les observations de Me LE PRADO, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Messaoud,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 3 avril 2002, qui, pour conduite d'un véhicule en état d'ivresse manifeste, refus de se soumettre aux vérifications tendant à établir l'état alcoolique, violences aggravées, outrage à personne dépositaire de l'autorité publique et filouterie, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et 1 000 euros d'amende ainsi qu'à l'annulation de son permis de conduire, et qui a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6.3.b de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles L. 234-1, L. 234-8 du Code de la route, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité soulevée par Messaoud X... démontrant qu'il n'avait pu utilement préparer sa défense du fait de la non-communication de toutes les pièces de la procédure ;

"aux motifs que le conseil de Messaoud X... disposait d'un temps de préparation suffisant avant que le dossier ne soit examiné par le tribunal, que seules lui manquaient les pièces 4 et 5 de la procédure dont il pouvait prendre connaissance, 10 minutes étant nécessaires pour s'imprégner de ces deux pièces ;

qu'il ne démontre aucunement que cela lui a fait grief dans l'organisation de sa défense ; que, par ailleurs, entre l'appel interjeté et la date d'audience de la Cour, il avait largement le temps de demander copie de ces deux pièces, ce qu'il n'a pas fait ;

"alors qu'en vertu de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, les parties à une instance pénale doivent bénéficier d'une parfaite égalité de traitement et de moyens dans la préparation et le développement de leur argumentation ;

qu'en ce sens, Messaoud X... se prévalait (conclusions page 3) de ce qu'il n'avait pu valablement consulter les pièces fondant sa culpabilité du chef de conduite en état d'ivresse, dès lors que le procès-verbal de gendarmerie était incomplet comme ne comportant pas les pièces 4 et 5 sur lesquelles la partie adverse avait fondé cette accusation ; qu'en écartant cette exception, motif pris de ce que Messaoud X... n'aurait pas sollicité de copies de ces deux pièces entre la date d'appel et la date d'audience de la cour d'appel, cependant qu'une demande en ce sens, faite en première instance, n'avait pas abouti, de sorte qu'il n'avait pu, dès l'origine, exercer son droit de réponse vis-à-vis des arguments développés par l'accusation et s'est ainsi trouvé désavantagé par rapport à cette dernière, la cour d'appel a violé le principe susvisé" ;

Attendu qu'il résulte des pièces de procédure que, devant la cour d'appel, Messaoud X... a réclamé l'annulation du jugement du tribunal correctionnel en faisant valoir qu'en raison d'un envoi tardif, par le procureur de la République, de la copie des pièces, il n'avait pas disposé d'un temps suffisant à la préparation de sa défense, alors que sa demande de renvoi de l'affaire, formulée par conclusions, n'avait pas été satisfaite, et qu'au surplus, il n'avait pas reçu communication de l'intégralité des pièces ;

Attendu que, pour refuser d'annuler le jugement, l'arrêt attaqué retient que le délai de deux jours, dont le prévenu reconnaît avoir disposé avant sa comparution, a été suffisant et que celui-ci ne démontre pas en quoi l'absence de deux seules pièces, dont il n'a pas réclamé la copie avant l'audience de la cour d'appel, aurait pu lui causer grief dans l'organisation de sa défense ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que l'avocat du prévenu pouvait consulter l'ensemble des pièces de la procédure, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6.2 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles L. 234-1, L. 234-3, L. 234-6 et L. 234-8 du Code de la route, des articles 121-3, 222-13, 313-5, 433-5 et 433-6 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a retenu le demandeur dans les liens de la prévention relativement aux délits lui étant reprochés, et l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, et à 1 000 euros d'amende, a ordonné l'annulation de son permis de conduire et l'a condamné à indemniser la partie civile ;

"aux motifs que les déclarations de MM. Y..., Z... et A..., les constatations des militaires de la gendarmerie B... et C... établissent que Messaoud X... était en état d'ivresse manifeste et qu'il conduisait son véhicule automobile Renault en état d'ivresse manifeste ; que les déclarations des militaires de la gendarmerie démontrent que Messaoud X... l'a outragé en le traitant de "connards, imbéciles, trous du cul", s'est rebellé au moment où il le faisait pénétrer dans le fourgon de dotation de la gendarmerie et qu'il a porté un coup de poing sur le gendarme A..., que ces déclarations ne sont contredites par aucune pièce contraire avancée par Messaoud X... ; qu'enfin, le délit de filouterie est établi par les déclarations de M. D..., que Messaoud X... s'est volontairement soustrait à son obligation de payer les consommations dues ;

"alors, d'une part, que le principe de la présomption d'innocence selon lequel le doute doit profiter au prévenu, nécessite que la culpabilité de ce dernier repose sur des éléments de preuves tangibles, démontrant avec certitude son implication dans les faits reprochés ; qu'à ce titre, Messaoud X... démontrait (conclusions page 8) qu'il n'est pas établi qu'il était le conducteur du véhicule lors de l'interpellation, les gendarmes, ainsi que M. Z..., n'ayant fait aucune constatation directe en ce sens ; qu'ainsi, en entrant en voie de condamnation à l'encontre de Messaoud X... du chef de conduite en état d'ivresse, en se bornant à se fonder sur des témoignages se limitant à constater l'état d'ivresse dans lequel il se serait trouvé, cependant qu'elle a elle-même relevé (arrêt page 3) que les gendarmes n'ont pu constater que Messaoud X... était bien le conducteur du véhicule, ce dernier étant descendu du véhicule avant leur arrivée en compagnie de M. Y..., de sorte que demeurait un doute quant à l'identité réelle du conducteur, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

"alors, d'autre part, qu'il résulte des articles L. 234-3 et suivants du Code de la route que les officiers et agents de police judiciaire ne peuvent soumettre directement à des épreuves de dépistage et de vérification de l'imprégnation alcoolique que les seuls conducteurs de véhicule, ces textes ayant, en effet, pour objectif de constater des infractions routières ; qu'ainsi, en l'absence de preuve directe établissant que Messaoud X... aurait conduit un véhicule, ce dernier ayant été appréhendé sur la chaussée, il n'avait légalement pas à être soumis à un test de dépistage, de sorte que la cour d'appel ne pouvait le condamner pour avoir refusé de s'y prêter, sans violer le texte susvisé ;

"alors, de troisième part, que les arrêts et jugements en dernier ressort sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas de motifs ou si leurs motifs sont insuffisants ; qu'à ce titre, le juge correctionnel doit énoncer les faits dont le prévenu est jugé coupable et constater l'existence de tous les éléments constitutifs de l'infraction retenue ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué ne contient aucun motif relativement au délit de refus de se soumettre aux vérifications tendant à établir l'état alcoolique, de sorte que la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision, en violation des textes susvisés ;

"alors, de quatrième part, que, subsidiairement, la présomption d'innocence implique qu'aucun doute ne subsiste quant à la culpabilité du prévenu ; qu'à ce titre, le fait de conduire après avoir ingéré des boissons alcoolisées n'est pénalement réprimé qu'au-delà d'un certain seuil d'imprégnation strictement délimité par les textes, supposant une consommation importante ;

qu'en l'espèce, il ressort des constatations des juges du fond que l'état d'ivresse dans lequel se serait trouvé Messaoud X... lors de son interpellation n'a pas pu être établi avec certitude, la cour d'appel relevant à cet égard (arrêt page 3) que le médecin s'est borné à conclure à "une alcoolémie probable", démontrant par là-même les hésitations de ce dernier ; qu'en affirmant néanmoins que Messaoud X... aurait conduit sous l'emprise d'un état d'ivresse manifeste, cependant que cet état n'a pu être démontré, la cour d'appel a une fois encore violé le principe susvisé ;

"alors, de cinquième part, qu'à ce titre, c'est à tort que les juges d'appel ont cru pouvoir relever (arrêt page 3) que Messaoud X... aurait reconnu avoir conduit son véhicule sous l'empire d'un état alcoolique ; qu'en effet, il ressort clairement du procès-verbal d'audition de Messaoud X..., auquel la cour d'appel s'est ainsi référée (procès-verbal n° 412/2001 du 17 mai 2001 à 9 heures, page 3), que ce dernier n'a jamais reconnu avoir conduit un véhicule en état d'ivresse ; que, dès lors, en affirmant le contraire pour fonder l'accusation, les juges du fond ont entaché leur décision d'une contradiction de motifs, en violation des textes susvisés ;

"alors, de sixième part, qu'il résulte du principe de la présomption d'innocence que c'est à l'accusation que revient la charge de rapporter des éléments de preuve sérieux et objectifs quant à la culpabilité de la personne poursuivie ; que, dès lors, en fondant la déclaration de culpabilité de Messaoud X... des chefs d'outrage, rébellion et violences sur le fait que ce dernier n'apporterait aucune preuve contraire face aux déclarations des policiers se prétendant victimes de tels agissements, la cour d'appel a procédé à un renversement de la charge de la preuve, en violation du principe susvisé ;

"alors, enfin, que le délit de filouterie d'aliments suppose pour être constitué, lorsqu'il n'a pas été démontré que la personne se trouvait dans l'impossibilité absolue de payer, qu'elle ait été déterminée à ne pas payer ; qu'en l'espèce, Messaoud X... démontrait (conclusions, page 7) qu'il avait les moyens de régler l'addition litigieuse dont il s'est acquittée par la suite, et qu'il s'agissait là d'un simple oubli de sa part, s'expliquant par la discussion animée qu'il entretenait au moment de sortir de l'établissement ; qu'en entrant, néanmoins, en voie de condamnation du chef de filouterie, à son encontre, en se bornant à affirmer, par une motivation abstraite, que Messaoud X... se serait volontairement soustrait à son obligation de payer, sans rechercher s'il ne s'agissait pas là d'un simple oubli non préjudiciable, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Farge conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-84568
Date de la décision : 26/02/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, 03 avril 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 fév. 2003, pourvoi n°02-84568


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.84568
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