AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que MM. X... et Y..., membres élus du Comité d'entreprise de la société Vernier, ont été licenciés le 10 avril 1989 par l'administrateur judiciaire de cette société, après qu'un plan de cession ait été arrêté le 6 mars 1989, prenant effet au 1er avril 1989 ; que les autorisations de licenciement ayant été annulées par la juridiction administrative, ces salariés ont vainement demandé leur réintégration au cessionnaire, dans le délai prévu à cette fin ; qu'ils ont ensuite demandé réparation des préjudices subis à la suite de leurs licenciements ;
Attendu que la société nouvelle Vernier fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 janvier 2001) de l'avoir condamnée au paiement d'indemnités aux salariés, au titre de la protection légale et en réparation du préjudice subi du fait de leurs licenciements, alors, selon le moyen :
1 / que le licenciement prononcé en exécution d'un plan de cession décidé par le tribunal de commerce est le fait du cédant ; que, ne pouvant se voir imposer aucune autre obligation que celles prévues dans le plan de cession, le cessionnaire ne peut, à la suite de l'annulation de l'autorisation de licenciement, être tenu de réintégrer le salarié licencié en exécution du plan de cession ; qu'afin de condamner la nouvelle société Vernier, le juge d'appel a relevé que celle-ci a commencé son exploitation avant même que n'intervienne les licenciements ; qu'en motivant ainsi le droit à réintégration par le cessionnaire, le juge d'appel a violé les articles 31, 62 alinéa 3, 63 et 81 de la loi du 25 janvier 1985 (L. 621-22, L. 621-63, L. 621-64 et L. 621-83 du Code de commerce), L. 122-12 et L. 436-3 du Code du travail ;
2 / que dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, le nouvel employeur, repreneur en vertu du plan de cession, n'est pas tenu des obligations incombant au cédant ; que, trouvant son origine dans le licenciement, l'indemnisation à laquelle peut prétendre le salarié protégé à la suite de l'annulation de l'autorisation de licenciement est due par celui ayant la qualité d'employeur au moment du licenciement ; que, prononcé en exécution du plan de cession adopté, le licenciement de MM. X... et Y... est imputable à la société Georges Vernier, cédante, agissant par le biais de son administrateur judiciaire ; qu'en condamnant la nouvelle société Vernier au paiement de l'indemnisation due pour annulation de l'autorisation de licenciement et censée réparer le préjudice subi au cours de la période s'étant écoulée entre le licenciement et la fin du délai prévu pour demander la réintégration, sans caractériser une collusion frauduleuse entre cédant et cessionnaire, peu important qu'une demande de réintégration ait été formulée auprès du repreneur, la cour d'appel a violé les articles 32, 62 alinéa 3, 63 et 81 de la loi du 25 janvier 1985 (L. 621-22, L. 621-63, L. 621-64 et L. 621-83 du Code de commerce), L. 122-12-1 et L. 436-3 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'en cas d'annulation de l'autorisation administrative de licenciement, le licenciement est sans effet, lorsque le salarié demande sa réintégration dans le délai de deux mois qui suit la notification de la décision d'annulation ; qu'il en résulte que le contrat de travail se poursuit avec le cessionnaire à qui la demande de réintégration est opposable par l'effet de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail, et que ce dernier est tenu de réintégrer le salarié ; que s'il ne le fait pas, le salarié protégé peut lui imputer la rupture du contrat de travail ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a constaté que les salariés avaient vainement demandé leur réintégration au repreneur moins de deux mois après la notification de la décision annulant les autorisations de licenciement ; qu'elle en a déduit à bon droit que cette société, qui n'avait pas poursuivi l'exécution des contrats de travail alors qu'elle y était tenue en application de l'article L. 122-12 du Code du travail, devait supporter les conséquences des licenciements intervenus en violation de ce texte ;
Attendu, enfin, qu'ayant constaté que le changement d'employeur était intervenu dès le 1er avril 1989 et avant la notification des licenciements, la cour d'appel en a exactement déduit que le cessionnaire était tenu au paiement des indemnités dues en réparation du préjudice subi entre les licenciements et l'expiration du délai dans lequel doit être formée la demande de réintégration ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Vernier aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille trois.