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19/02/2003 | FRANCE | N°02-83196

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 février 2003, 02-83196


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf février deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de Me BOUTHORS, de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, et de Me LUC-THALER, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Alain,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 3 avr

il 2002, qui, pour abus de biens sociaux, l'a condamné à 15 mois d'emprisonnement avec ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf février deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de Me BOUTHORS, de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, et de Me LUC-THALER, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Alain,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 3 avril 2002, qui, pour abus de biens sociaux, l'a condamné à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, à l'interdiction d'exercer les fonctions de dirigeant d'une société d'office d'HLM, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 242-6 (3 ) du Code de commerce, (437-3 de la loi du 24 juillet 1966), 8, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a omis de constater la prescription au moins partielle des faits objet de la poursuite ;

"aux motifs, repris des premiers juges, que la SA Le Breau Habitat est un organisme privé d'habitation à loyer modéré ; qu'à la suite de dysfonctionnements de cette société, le ministre délégué au logement prononçait, par décision du 19 décembre 1996, la suspension du conseil d'administration et nommait administrateur provisoire Bernard Seligmann ; que le 30 juin 1997, Bernard Seligmann en qualité d'administrateur provisoire déposait plainte auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Fontainebleau en signalant des faits imputés à Alain X... et considérés comme contraires à l'intérêt de la Société Le Breau Habitat ; que le 4 juillet 1997, le procureur de la République confiait aux services de police judiciaire de Melun une enquête sur les faits exposés par l'administrateur provisoire ; qu'en droit, en matière d'abus de biens sociaux, le délai de prescription de l'action publique court à compter du jour où ce délit est apparu et a pu être constaté ; qu'en l'espèce, il y a lieu de reprendre ici les conclusions susvisées du rapport établi en 1996 et par lesquelles la mission interministérielle de l'inspection du logement social (MIILOS) soulignait l'absence de contrôle interne et indiquait que le conseil d'administration de la SA HLM Le Breau Habitat fonctionnait comme une chambre d'enregistrement ; qu'en conséquence, dans le contexte de gestion de fait ci-dessus établi, les faits, objet de la prévention, n'ont pu être connu de la SA Le Breau Habitat que du jour où après désignation d'un administrateur provisoire, celui-ci puis les services enquêteurs ont été en mesure de les constater ;

"1 - alors qu'en matière d'abus de biens sociaux la prescription de l'action publique court, sauf dissimulation, à compter de la présentation des comptes annuels par lesquels les dépenses litigieuses sont mises à la charge de la société et que la cour d'appel qui n'a pas constaté que les comptes annuels de la société d'HLM n'aient pas été présentés et que les dépenses reprochées à Alain X... aient été dissimulées lors de cette présentation, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"2 - alors qu'en tout état de cause, la cour d'appel qui constatait que les éventuels abus de biens sociaux reprochés à Alain X... avaient pu être constatés dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique dès le 19 décembre 1996, date de la désignation de l'administrateur provisoire de la société d'HLM et a plus tard le 4 juillet 1997, date à laquelle le procureur de la République avait confié l'enquête aux services de police, ne pouvait, sans se contredire et méconnaître ce faisant les dispositions de l'article 8 du Code de procédure pénale, omettre de constater la prescription des faits antérieurs au 4 juillet 1994 et d'en tirer toutes conséquences de droit" ;

Attendu que, pour déclarer non prescrits les faits d'abus de biens sociaux reprochés à Alain X..., l'arrêt relève, par motifs adoptés des premiers juges, l'absence de contrôle interne de la société par le conseil d'administration qui fonctionnait comme une chambre d'enregistrement et énonce que les faits, objet de la prévention, sont apparus et n'ont pu être constatés qu'après la désignation d'un administrateur provisoire le 19 décembre 1996 ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs procédant de son pouvoir souverain d'appréciation quant au point de départ du délai de prescription, et dès lors qu'il n'était pas allégué que les dépenses litigieuses mises indûment à la charge de la société figuraient dans les comptes annuels, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 242-6 et L. 245-16 du Code de commerce, (437 et 448 de la loi du 24 juillet 1966), 485, 591, et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Alain X... coupable d'abus de biens sociaux ;

"aux motifs que les premiers juges ont à juste titre relevé les déclarations de Paul Esterre, président du conseil d'administration, faites devant les enquêteurs et à l'audience du tribunal, les déclarations de MM. Y... et Mauge, commissaires aux comptes, de Bernard Seligmann, administrateur provisoire ; qu'il ressort des éléments de la procédure qu'Alain X... passait et signait les marchés en toute indépendance et disposait de la signature bancaire ; qu'il disposait du pouvoir d'embaucher le personnel et de signer les contrats de travail, de décider des hausses de rémunérations, (y compris de son propre salaire), de souscrire au nom de la société des contrats de retraite à son seul bénéfice ; qu'il résulte de l'ensemble de ces faits, établis par la procédure, qu'il assurait sans restriction la direction de la société ;

que, pour sa défense, Alain X..., qui ne conteste pas la réalité des faits et de ses pouvoirs, se borne à affirmer qu'il agissait sur délégation du président de la société ; que l'ensemble des témoignages recueillis démontrent qu'en fait il agissait sans aucun contrôle, le président ne signant pratiquement aucun acte et le conseil d'administration fonctionnant comme une chambre d'enregistrement selon les termes du rapport de la mission interministérielle de l'inspection du logement social ;

"alors que le directeur salarié d'une société d'HLM, qui agit sur délégation du président de cette société, ne saurait en aucun cas être considéré comme un dirigeant de fait au sens de l'article L. 245-16 du Code de commerce, en tant que tel susceptible d'être retenu dans les liens de la prévention du chef d'abus de biens sociaux sur le fondement de l'article L. 242-16 du même Code et que l'arrêt attaqué, qui n'a pas contesté qu'Alain X..., comme il le soutenait dans ses conclusions régulièrement déposées, ait agi sur délégation de son président ce qui ressort à l'évidence des procès-verbaux des conseils d'administration et autres délégations signées par le président, ne pouvait, sans se contredire et méconnaître les textes susvisés, entrer en voie de condamnation à l'encontre de celui-ci" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 242-6 et L. 245-16 du Code de commerce, (437 et 448 de la loi du 24 juillet 1966), 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Alain X... coupable d'abus de biens sociaux pour avoir souscrit à son profit des contrats d'épargne retraite ;

"aux motifs qu'en ce qui concerne les contrats d'épargne retraite ayant entraîné pour la société un coût de 813 843 francs, Alain X... ne conteste pas en avoir été le signataire et seul dans l'entreprise à bénéficier de cet avantage ;

qu'il se borne à affirmer qu'il en avait informé le président, Paul Esterre ; que ce dernier le conteste et affirme n'en avoir eu connaissance qu'à la suite du contrôle de la MIILOS en 1996 ; qu'il n'existe aucune autorisation écrite du président ou délibération du conseil d'administration permettant cette opération ;

"alors que ne constitue pas une dépense contraire à l'intérêt d'une société, une dépense qui a pour objet de conférer à un salarié un avantage normal, fut-il unique dans l'entreprise ; que dans ses conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, Alain X... faisait valoir que lors de son audit, l'URSSAF de Seine et Marne n'avait fait aucune observation en ce qui concerne les contrats d'épargne retraite souscrits par lui et régulièrement comptabilisés et que dès lors en ne s'expliquant pas sur le caractère normal en soi de cette dépense et en se bornant à faire état de considérations de pure procédure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 242-6 du Code de commerce" ;

Les moyens étant réunis,

Attendu que, pour déclarer Alain X... , directeur salarié de la société d'HLM Le Breau Habitat, coupable d'abus de biens sociaux, les juges relèvent qu'il passait les marchés en toute indépendance et disposait de la signature sociale ainsi que du pouvoir de décider de l'embauche et de la rémunération du personnel ; qu'ils retiennent qu'il a été le signataire et le seul bénéficiaire de deux contrats d'épargne retraite, conclus sans autorisation du président du conseil d'administration, qui ont entraîné pour la société un coût de 813 843 francs ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, qui caractérisent la direction de fait de la société par le prévenu et l'usage des biens sociaux à des fins personnelles, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Que, dès lors, les moyens ne peuvent être admis ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, et 8 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a alloué à la société d'HLM Le Breau Habitat, partie civile, une indemnité de 1 128 157,63 francs comprenant l'indemnisation de faits d'abus de biens sociaux de toute évidence, sinon en totalité, du moins en partie, prescrits, en sorte que la cassation est encourue" ;

Attendu que le moyen est devenu sans objet par suite du rejet du premier moyen ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile de la Fédération Nationale des Sociétés Anonymes et Fondations d'HLM ;

"alors que seul un préjudice direct résultant des infractions poursuivies peut donner lieu à indemnisation par le juge répressif et que l'arrêt attaqué n'ayant relevé aucune circonstance d'où résulterait pour la Fédération Nationale des Sociétés Anonymes et Fondations d'HLM un préjudice résultant directement des infractions poursuivies à l'encontre d'Alain X..., elle aurait dû, même d'office, déclarer irrecevable la constitution de cette partie civile" ;

Attendu que, faute d'avoir été proposé devant les juges du fond, le moyen, mélangé de fait, est nouveau et, comme tel, irrecevable ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Challe conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-83196
Date de la décision : 19/02/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le premier moyen) PRESCRIPTION - Action publique - Délai - Point de départ - Abus de biens sociaux.


Références :

Code de commerce L242-6
Code de procédure pénale 7, 8

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 9ème chambre, 03 avril 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 fév. 2003, pourvoi n°02-83196


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.83196
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