La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/02/2003 | FRANCE | N°02-82332

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 février 2003, 02-82332


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf février deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE-BRIARD et TRICHET, et de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Eric,

- La société CARIBEENNE DES TRANS

PORTS AERIENS AIR CARAIBES , civilement responsable,

contre l'arrêt de la cour d'appel de ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf février deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE-BRIARD et TRICHET, et de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Eric,

- La société CARIBEENNE DES TRANSPORTS AERIENS AIR CARAIBES , civilement responsable,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BASSE-TERRE, chambre correctionnelle, en date du 19 février 2002, qui, pour importations sans déclaration de marchandises prohibées, a condamné le premier à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et les deux, solidairement, à des pénalités douanières et au paiement des droits éludés ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 351, 399, 414 et 426 4 du Code des douanes, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 2, 3, 6, 8, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de prescription de l'action publique, invoquée par Eric X... ;

"aux motifs que selon l'article 351 du Code des douanes, l'action de l'administration des Douanes en répression des infractions douanières se prescrit dans les mêmes délais et dans les mêmes conditions que l'action publique en matière de délits de droit commun ; le délai de prescription étant de 3 ans, les procès-verbaux des douanes - servant de base aux poursuites - sont au sens de l'article 8 du Code de procédure pénale des actes interruptifs de la prescription ; qu'en l'espèce, les premiers juges ont estimé justement que l'action publique n'est pas éteinte par la prescription ; en effet, s'agissant de faits poursuivis sur une période allant d'août 1994 à novembre 1995, la prescription a été régulièrement interrompue par les procès-verbaux de constat de l'administration des Douanes établis entre le 11 juillet 1997 et le 10 mars 1999, qui ont pour objet la communication et la saisie de documents ainsi que l'audition des personnes, et visent ainsi à établir l'existence du délit poursuivi et à asseoir l'assiette des droits à recouvrer, ainsi que par les procès-verbaux de notification d'infraction des 22 mars 1999 et 26 avril 1999 (arrêt, page 6) ;

"1 / alors que le juge pénal ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui ;

qu'en l'espèce, il résulte de l'examen des pièces de la procédure que les procès-verbaux prétendument établis entre le 11 juillet 1997 et le 10 mars 1999 et qui, comme tels, auraient valablement interrompu la prescription de l'action publique, ne sont ni visés ni produits à l'appui de la citation directe du 10 août 2000, ne sont pas mentionnés à l'inventaire du dossier de la cour d'appel transmis à la Cour de Cassation et, partant, ne figurent pas au dossier officiel de la Cour de Cassation ;

qu'en outre, il ne résulte ni des motifs de l'arrêt attaqué, ni du jugement du 13 décembre 2000 que ces six procès-verbaux aient été régulièrement produits au débat, en première instance ou en appel ;

que, dès lors, en se fondant sur l'existence de ces procès-verbaux dont le demandeur, faute de production au débat, n'a pu apprécier ni discuter la portée au regard de la prescription de l'action publique, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 427 du Code de procédure pénale ;

"2 / alors que dans ses conclusions d'appel régulièrement déposées et visées le 15 janvier 2002, conformément aux prescriptions de l'article 459 du Code de procédure pénale, Eric X... a expressément fait valoir (page 4, in fine) qu'ont seuls été versés au débat les deux procès-verbaux d'infractions visés dans la citation directe, et établis les 22 mars 1999 et 26 avril 1999, soit plus de trois années après l'infraction poursuivie, qui aurait été commise entre août 1994 et le 30 novembre 1995, de sorte qu'en cet état, la prescription de l'action publique était nécessairement acquise ;

que, dès lors, en se déterminant par la circonstance que la prescription a été régulièrement interrompue par des procès-verbaux de constat de l'administration des Douanes établis entre le 11 juillet 1997 et le 10 mars 1999, sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions d'appel du prévenu, qui démontrait que les procès-verbaux litigieux n'ont, à aucun stade de la procédure, été soumis au débat contradictoire et n'ont pu, dans ces conditions, valablement interrompre la prescription triennale, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale ;

"3 / alors, subsidiairement, que seuls les actes ayant pour objet de constater les infractions, d'en découvrir ou d'en convaincre les auteurs constituent des actes d'instruction ou de poursuite pouvant, aux termes de l'article 8 du Code de procédure pénale, interrompre la prescription de l'action publique ;

que tel n'est pas l'objet des procès-verbaux établis sur le fondement de l'article 65 du Code des douanes, dès lors que le droit de communication prévu par ce texte, dont la finalité n'est ni la constatation ni la poursuite des infractions, ne tend qu'à assurer le respect de l'ordre public économique et la prévention des infractions (Crim. 5 février 1998, Bull. Crim. n° 47) ;

que, dès lors, en estimant que les procès-verbaux établis entre le 11 juillet 1997 et le 10 mars 1999 - à les supposer soumis au débat contradictoire - ont valablement interrompu la prescription de l'action publique, tout en relevant que ceux-ci ont été établis dans le cadre du droit de communication prévu à l'article 65 précité, la cour d'appel a omis dé tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé les textes susvisés" ;

Attendu que, pour écarter la prescription invoquée par Eric X... et la société Caribéenne des Transports Aériens Air Caraïbes , la cour d'appel relève que, s'agissant de faits poursuivis sur une période allant d'août 1994 à novembre 1995, la prescription a été interrompue par les procès-verbaux de constat de l'administration des Douanes établis entre le 11 juillet 1997 et le 10 mars 1999, qui ont pour objet la communication et la saisie de documents ainsi que l'audition des personnes et qui visent ainsi à établir l'existence du délit poursuivi et à asseoir l'assiette des droits à recouvrer ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, nouveau, mélangé de fait et, comme tel, irrecevable en ses deux premières branches, doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 351, 399, 414 et 426 4 du Code des douanes, 8, 9, 12, 13, 95, 177 du traité de Rome de 1957, 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, 2, 3, 6, 8, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le moyen tiré de la non conformité de la perception de l'octroi de mer et de sa taxe additionnelle aux normes communautaires édictées par le traité de Rome ;

"aux motifs qu'Eric X... et la CTAAC ne peuvent valablement soutenir que les poursuites manquent encore de base légale ou sont irrecevables en ce que la perception de l'octroi de mer et sa taxe additionnelle n'est pas conforme aux normes communautaires édictées par le Traité de Rome (et non "la Trinité de Rome", comme indiqué par erreur dans l'arrêt attaqué) ; en effet, en vertu de la loi n° 92-276 du 17 juillet 1992 rétablissant l'octroi de mer sur la base d'un nouveau régime et en vertu de l'arrêt du 19 février 1998 de la CJCE (arrêt Chevassus-Marche) validant la décision du conseil des ministres des communautés du 22 décembre 1989 en ce qu'elle permettait un système d'exonération totale ou partielle en faveur des départements d'outre-mer (DOM), a été judiciairement consacré un système permettant de déroger à l'article 95 du Traité de Rome sur la prohibition des droits de douane, pourvu que soient respectées les exigences de l'article 286 du même Traité sur les prescriptions applicables aux DOM ; la Cour de Cassation, chambre commerciale, en son arrêt Société Automobiles Réunion en date du 18 décembre 2001 a d'ailleurs approuvé une cour d'appel d'avoir retenu, en matière de taxe sur le chiffre d'affaires, que les DOM ne font pas partie du territoire fiscal communautaire et que les lois sur l'octroi de mer renvoient au Code des douanes français ; il résulte de ce qui précède que l'octroi de mer et sa taxe additionnelle constituent une fiscalité propre aux DOM dont la perception et le contrôle comme en matière de douanes dérogent aux principes communautaires ; il n'existe dès lors pas d'éléments pouvant justifier la saisine de la CJCE des questions préjudicielles soulevées par le prévenu (arrêt, page 7) ;

"1 / alors que dans ses conclusions d'appel, après avoir énoncé que dans le cadre de la procédure Chevassus-Marche, qui a donné lieu à son arrêt du 19 février 1998, la Cour de Justice des Communautés Européennes a été invitée à répondre à deux questions portant, d'une part, sur le caractère de taxe d'effet équivalent à un droit de douane ou de taxe intérieure discriminatoire du nouveau régime de l'octroi de mer, d'autre part, sur la validité du régime d'exonérations temporaires de l'octroi de mer au profit des productions locales des DOM, le demandeur a expressément fait valoir que la Cour de Justice, conformément à sa jurisprudence, a limité son examen aux moyens présentés et, partant, ne s'est pas prononcée sur la compétence institutionnelle du Conseil, au regard des dispositions des articles 4-1, 226 et 227 du Traité de Rome, pour autoriser les autorités françaises, par sa décision 89-688/CEE du 22 décembre 1989 qui constitue le fondement légal de la loi n° 92-676 du 17 juillet 1992, à maintenir la perception de l'octroi de mer à compter du 1er janvier 1993 ;

que, dès lors, en se bornant à énoncer que la décision Chevassus-Marche du 19 février 1998 a validé la décision du conseil des ministres des communautés du 22 décembre 1989 en ce qu'elle permettait un système d'exonération totale ou partielle de l'octroi de mer en faveur des départements d'outre-mer, pour en déduire que la perception de cette taxe a été judiciairement consacrée par la Cour de Justice des communautés européennes, sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions d'appel du prévenu, qui démontrait que l'examen, par la CJCE, de la décision du 22 décembre 1989 avait été limité aux seuls moyens qui lui étaient présentés, lesquels n'invoquaient pas l'incompétence institutionnelle du Conseil, passé le délai de deux ans prévu en 1957 par l'article 227 du Traité de Rome, à autoriser la dérogation à l'article 95 que constitue la décision du 22 décembre 1989, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale ;

"2 / alors qu'un droit de douane ou une taxe d'effet équivalent à un droit de douane, de même qu'une taxe intérieure discriminatoire, prohibés par le traité CEE ne peuvent servir de base à des poursuites douanières ;

que dans ses conclusions d'appel, le demandeur a expressément fait valoir, que dans son arrêt Cadi Surgelés du 7 novembre 1996, la Cour de Justice des Communautés Européennes, invitée à statuer sur la conformité au traité de Rome de la loi n° 84-747 du 2 août 1984 ayant institué la taxe additionnelle à l'octroi de mer, a décidé que ce droit additionnel est incompatible avec le Traité, comme constituant une nouvelle taxe douanière instituée postérieurement à l'entrée en vigueur, en juillet 1968, du Tarif douanier commun ;

que le prévenu a précisé dans ces mêmes écritures que si cette décision concernait le régime de taxe en vigueur avant le 1er janvier 1993, la solution devait être maintenue à l'égard de la taxe additionnelle perçue après cette date, sur le fondement de l'article 13 de la loi n° 92-976 du 17 juillet 1992, dès que celle-ci, quelle que fut sa date de perception, constituait une nouvelle taxe douanière instituée postérieurement à l'entrée en vigueur du Tarif douanier commun, comme telle incompatible avec le Traité de Rome ;

qu'ainsi, en se bornant à invoquer l'arrêt Chevassus-Marche du 19 février 1998, aux termes duquel la Cour de Justice des Communautés Européennes a dit que la décision du Conseil du 22 décembre 1989 n'était pas invalide en ce qu'elle prévoyait, pour l'octroi de mer, un régime d'exonération, pour en déduire que le prévenu se prévaut à tort de la non conformité de l'octroi de mer et de sa taxe additionnelle aux normes communautaires, sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions d'appel d'Eric X... , qui démontrait qu'indépendamment de la procédure Chevassus-Marche, dans le cadre de laquelle la CJCE n'avait pas été invitée à statuer sur la conformité, au droit communautaire, de la taxe additionnelle, cette dernière devait être tenue pour non conforme au Traité en vertu de l'arrêt Cadi Surgelés rendu par la même Cour, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 593 du Code de procédure pénale" ;

Attendu que, pour écarter les conclusions par lesquelles Eric X... et la société Caribéenne des Transports Aériens Air Caraïbes faisaient valoir que, dans son arrêt Chevassus-Marche, du 19 février 1998, la Cour de justice des Communautés européennes n'a pas statué sur la compétence du Conseil pour adopter la décision du 22 décembre 1989 relative au régime de l'octroi de mer et que la taxe additionnelle à l'octroi de mer est incompatible avec les dispositions du traité CE, la cour d'appel prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors, d'une part, que, devant les juges du second degré, les demandeurs n'ont invoqué aucun grief susceptible de mettre en cause la compétence du Conseil pour adopter la décision du 22 décembre 1989, autres que ceux que la Cour de justice a écartés dans l'arrêt précité et, d'autre part, qu'il n'est pas contesté que l'instauration, par la loi du 17 juillet 1992, de la taxe additionnelle à l'octroi de mer, est conforme à ladite décision du Conseil ;

Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 84, 85, 414, 426 4 du Code des douanes, 121-3 et 122-3 du Code pénal, 2, 3, 388, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Eric X... coupable du délit réputé importation sans déclaration de marchandises prohibées ;

"aux motifs que, sur le fond, l'enquête douanière révèle que l'importation par la Société Nouvelle Air Guadeloupe (SNAG) dont Eric X... était PDG, de pièces détachées d'avion entreposées au magasin sous douane de la Chambre de Commerce et d'Industrie à l'aéroport du Raizet, a donné lieu, du 11 juillet 1994 au 30 novembre 1995, au dépôt de 67 déclarations en détail correspondant à 65 lettres de transports aérien (LTA), alors que les listages de CCI faisaient état de 807 LTA, celles-ci ayant valeur de déclarations sommaires qui doivent être impérativement régularisée par le dépôt d'une déclaration en détail ; que sur la période considérée, le montant total de la base taxable des 67 déclarations en détail était de 1 733 657 francs, le montant des droits acquittés au titre de l'octroi de mer et de la taxe (et non "base" comme indiqué par erreur dans l'arrêt) additionnelle étant de 157 104 francs au total, alors qu'il résulte des investigations douanières que la valeur totale des marchandises sorties de l'entrepôt sous douane était en réalité de 26 974 844 francs ; cette base taxable ouvrait droit à la perception de 2 427 734 francs de taxes (octroi de mer et taxe additionnelle), d'où un montant total de droits éludés s'élevant à 2 427 734 - 157 104 = 2 270 630 francs ou 346 155,31 euros ; les premiers juges ont estimé que les manoeuvres ou fausses déclarations prévues par l'article 426-4 du Code des douanes ne sont pas établies en l'espèce puisque des "bons à enlever" ont été délivrés au vu des LTA établies par la SNAG ; mais ces "bons à enlever" apposés sur les déclarations sommaires n'équivalent nullement à un "quitus douanier" et ne dispensaient pas l'importateur de déposer des déclarations en douane conformément à l'article 84 du Code des douanes ; selon la loi du 17 juillet 1992, les taux de l'octroi de mer et du droit additionnel sont fixés par les conseils régionaux qui peuvent, dans des cas limités, exonérer certaines marchandises de cette fiscalité ; en l'espèce, le jugement entrepris a également écarté les manoeuvres ou fausses déclarations au motif que le prévenu avait fait preuve d'un souci constant, matérialisé par différents courriers, de s'assurer que l'exonération précédemment en vigueur et accordée pour les mêmes marchandises à la société reprise par la SNAG allait être accordée à nouveau, et qu'il avait reçu en ce sens des assurances de la part du Conseil Régional ; ceci étant, il n'en demeure pas moins que cette exonération qui a finalement été accordée par délibération du Conseil Régional de la Guadeloupe en date du 28 novembre 1995 n'avait aucun caractère rétroactif, et ce quand bien même Eric X... aurait reçu des assurances contraire de la part de la présidente du Conseil Régional ; Eric X... ne peut donc valablement soutenir qu'il n'y a pas eu d'intention délictueuse de sa part ; s'il avait en effet été de bonne foi, il n'aurait pas

manqué, tout en effectuant des démarches auprès du Conseil Régional, de régulariser les importations irrégulières en s'acquittant des taxes dues jusqu'à l'obtention d'une exonération fixée dans les formes requises par la loi ; or, il résulte des déclarations de M. Y... , déclarant en douane de la SNAG au moment des faits, recueillies au cours de l'enquête douanière, que pendant la période considérée, Eric X... lui a donné des instructions et consignes précises pour ne pas déposer de déclarations en détail en suite des LTA qu'il utilisait pour faire sortir les marchandises du magasin sous douane ;

M. Y... a, par ailleurs, reconnu le caractère irrégulier de cette procédure expliquant qu'il avait néanmoins déposé 67 déclarations en détail correspondant à 65 LTA mais qu'ensuite il suivait de nouveau les consignes reçues ; il est dès lors établi que le souci constant d'Eric X... a été de faire en sorte de ne pas acquitter les droit et taxes dont il savait être redevable ; cette attitude caractérise, au sens de l'article 626-4 du Code des douanes, les manoeuvres ayant pour but ou pour effet d'obtenir, en tout ou partie, une exonération attachée à l'importation (arrêt, pages 8 et 9) ;

"1 / alors que les juridictions correctionnelles ne peuvent ajouter aux faits de la prévention, lesquels doivent rester tels qu'ils ont été retenus dans l'acte de saisine, à moins que le prévenu ait accepté d'être jugé sur des faits nouveaux ;

qu'en l'espèce, il résulte des pièces de la procédure, et notamment de la citation du 10 août 2000, qu'il est reproché à Eric X... d'avoir fait sortir des pièces détachées d'avion stockées dans un magasin sous douane de l'aéroport du Raizet, sans acquitter les droits et taxes exigibles ;

qu'ainsi, il était reproché au prévenu d'avoir omis de régler l'octroi de mer et la taxe additionnelle à l'octroi de mer, calculés sur la base de la valeur en douane des marchandises importées, et non d'avoir volontairement omis de déposer en temps utile les déclarations en détail exigées par l'article 84 du Code des douanes ;

que dès lors, en estimant, pour déclarer le demandeur coupable des faits visés à la prévention, que les LTA valant déclarations sommaires devaient impérativement être régularisées par le dépôt d'une déclaration en détail, et qu'en l'espèce, le fait que les marchandises aient été sorties au vu de "bons à enlever" délivrés par les services des Douanes ne dispensait pas l'importateur de l'obligation de déposer les déclarations en détail exigées par l'article 84 du Code des douanes, la cour d'appel, qui retient à la charge du prévenu des faits non compris dans l'acte de saisine, a violé l'article 388 du Code de procédure pénale ;

"2 / alors que conformément à l'article 85 du Code des douanes, il appartient au directeur général des douanes et droits indirects d'impartir à l'importateur un délai avant l'expiration duquel la déclaration en détail visée à l'article 84 du même Code doit impérativement être déposée ;

que, dès lors, en se déterminant par la circonstance qu'Eric X... n'a pas fait déposer de déclarations en détail en suite des Lettres de Transport Aérien (LTA) qu'il utilisait pour faire sortir les marchandises du magasin sous douane, et ce afin de ne pas acquitter les droits et taxes dont il savait être redevable, pour en déduire que le prévenu a commis le délit prévu à l'article 426-4 du Code des douanes, sans rechercher si un délai avait été imparti à l'intéressé pour le dépôt des déclarations en détail ni, partant, si le fait de ne pas avoir déposé certaines déclarations en détail constituait une méconnaissance des prescriptions de l'article 84 du Code des douanes et, le cas échéant, une manoeuvre au sens de l'article 426-4 du Code des douanes, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;

"3 / alors que l'omission de déposer les déclarations en détail visées à l'article 84 du Code des douanes ne caractérise pas une manoeuvre qui, au sens de l'article 426-4 du même code, suppose l'exécution d'un acte positif ;

qu'en l'espèce, pour déclarer Eric X... coupable du délit visé à la prévention, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que le prévenu a omis de déposer les déclarations en détail qu'il devait effectuer sur le fondement de l'article 84 du Code des douanes, afin de ne pas acquitter les droits et taxes dont il savait être redevable ;

qu'en l'état de ces seules énonciations, qui ne caractérisent aucun acte positif susceptible de constituer des manoeuvres au sens de l'article 426-4 du Code des douanes, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;

"4 / alors que seules tombent sous le coup de l'article 426-4 du Code des douanes les manoeuvres ayant pour but ou pour effet d'obtenir une exonération attachée à l'importation ;

que les lettres de transports aériens, valant déclarations sommaires, ne préjugent en rien du régime douanier des marchandises importées ni, par conséquent, de l'obligation pour l'importateur de régler les droits et taxes liées à l'importation ;

qu'ainsi, en se bornant à énoncer que les LTA ayant valeur de déclarations sommaires devaient impérativement être régularisées par le dépôt d'une déclaration en détail, pour en déduire que le fait, pour le prévenu, d'avoir omis de déposer certaines déclarations en détail exigées par l'article 84 du Code des douanes caractérise le délit de l'article 426-4 du même code, sans préciser en quoi les LTA - sur la base desquelles les services des douanes ont autorisé l'enlèvement des marchandises - étaient censées, à elles seules, convaincre les services des Douanes de l'existence, au profit du demandeur, d'une exonération attachée à l'importation et, partant, caractérisaient une manoeuvre ayant pour but ou pour effet d'obtenir une exonération attachée à l'importation, au sens du texte susvisé, alors surtout que selon l'article 84, alinéa 2, du Code des douanes, l'exemption des droits et taxes ne dispense pas de l'obligation, pour l'importateur, de déposer des déclarations en détail de la marchandise importée, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;

"5 / alors que, tant en première instance qu'en appel, le demandeur a régulièrement produit aux débats une lettre en date du 4 mai 1998, adressée au Directeur régional des douanes de Basse-Terre par le président du Conseil Régional, indiquant que si la délibération du Conseil Régional du 28 novembre 1995, accordant à la SNAG l'exonération de l'octroi de mer, n'avait pas fixé de date d'effet, c'était en raison du fait que cette décision se bornait à confirmer la situation fiscale dont avait toujours bénéficié la société SATA aux droits desquels vient la SNAG, ce dont il résulte que la décision ainsi prise devait nécessairement rétroagir à la date de la demande d'exonération, présentée dès le mois d'août 1994, et qu'ainsi la société dirigée par Eric X... n'était pas redevable des droits et taxes réclamés par les Douanes pour la période visée à la prévention ;

que, dès lors, en affirmant péremptoirement que l'exonération accordée à la société dirigée par le prévenu n'avait aucun caractère rétroactif, quand bien même Eric X... aurait reçu des assurances contraires de la part de la présidente du Conseil Régional, sans rechercher si le courrier susvisé ne démontrait pas le caractère nécessairement rétroactif de la délibération litigieuse, la cour d'appel qui procède par pure affirmation, a privé sa décision de toute base légale ;

"6 / alors que n'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte ;

qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué d'une part que par délibération du Conseil Régional de la Guadeloupe du 28 novembre 1995, la société SNAG, dirigée par Eric X... , a bénéficié d'une exonération de l'octroi de mer et de la taxe additionnelle, concernant les pièces détachées d'avion importées, d'autre part, que le président du Conseil Régional avait assuré le prévenu de ce que cette décision avait un effet rétroactif à la date de la demande d'exonération, soit au mois d'août 1994 ;

que, dès lors, en se bornant à énoncer qu'en réalité, cette délibération n'avait pas de caractère rétroactif, pour en déduire que le demandeur est coupable du délit visé à l'article 426-4 du Code des douanes, sans rechercher si la croyance du prévenu en l'effet rétroactif de la délibération, au vu des assurances reçues du président du Conseil Régional, n'était pas à tout de le moins de nature à caractériser une erreur sur le droit au sens de l'article 122-3 du Code pénal, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"7 / alors qu'il n'y a point de délit sans intention de le commettre ;

qu'ainsi, en se déterminant par la circonstance que la délibération du Conseil Régional de la Guadeloupe, en date du 28 novembre 1995, accordant à la société SNAG l'exonération de l'octroi de mer et de la taxe additionnelle pour les pièces détachées d'avion importées, n'avait pas de caractère rétroactif, pour en déduire que le prévenu ne peut valablement soutenir qu'il n y a pas d'intention délictueuse de sa part, sans rechercher si les assurances reçues du président du Conseil Régional quant au caractère rétroactif de la délibération susvisée, à défaut d'autoriser les agissements litigieux, n'étaient pas à tout le moins de nature à convaincre le demandeur de la légitimité de sa démarche et, par conséquent, ne démontraient pas sa bonne foi, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;

"8 / alors que le juge pénal ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui" ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 426.4 du Code des douanes ;

Attendu que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'Eric X... est poursuivi, sur le fondement de l'article 426.4 du Code des douanes, pour avoir, en sa qualité de dirigeant de la société SNAG, devenue la société Caribéenne des Transports Aériens Air Caraïbes , fait sortir des marchandises stockées dans un magasin sous douane, sans acquitter l'octroi de mer ;

Attendu que, pour le déclarer coupable de ces faits, la cour d'appel relève que le prévenu "a donné des instructions et consignes précises pour ne pas déposer de déclarations en détail en suite des lettres de transport aérien qu'il utilisait pour faire sortir les marchandises du magasin sous douane" et qu'il est dès lors établi que son souci constant a été de faire en sorte de ne pas acquitter les droits et taxes dont il savait être redevable ; que cette attitude caractérise des manoeuvres au sens de l'article 426.4 du Code des douanes ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'omission de déclarer des marchandises en douane ne constitue pas, à elle seule, une manoeuvre au sens de l'article précité, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Basse-Terre, en date du 19 février 2002, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de FORT-DE-FRANCE, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Basse-Terre et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Soulard conseiller rapporteur, MM. Pibouleau, Challe, Dulin, Mme Desgrange, MM. Rognon, Chanut conseillers de la chambre, Mme de la Lance, M. Samuel conseillers référendaires ;

Avocat général : Mme Commaret ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-82332
Date de la décision : 19/02/2003
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

DOUANES - Importation sans déclaration - Marchandises - Fausses déclarations ou manoeuvres - Manoeuvres - Notion.

L'omission de déclarer des marchandises en douane ne constitue pas des manoeuvres au sens de l'article 426.4° du Code des douanes (1). Encourt la censure la cour d'appel qui, pour déclarer le prévenu coupable sur le fondement de ce texte, se borne à relever que ce dernier a donné des instructions et consignes précises pour que ne soient pas déposées de déclarations en détail à la suite des lettres de transport aérien qu'il utilisait pour faire sortir les marchandises d'un magasin sous douane.


Références :

Code des douanes 426-4°

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre (chambre correctionnelle), 19 février 2002

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1966-10-04, Bulletin criminel 1966, n° 218, p. 500 (rejet) ; Chambre criminelle, 1997-06-19, Bulletin criminel 1997, n° 249, p. 822 (rejet) ; Chambre criminelle, 1999-03-31, Bulletin criminel 1999, n° 67 (1°), p. 170 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 fév. 2003, pourvoi n°02-82332, Bull. crim. criminel 2003 N° 42 p. 158
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2003 N° 42 p. 158

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : Mme Commaret
Rapporteur ?: M. Soulard
Avocat(s) : la SCP Delaporte, Briard et Trichet, la SCP Boré, Xavier et Boré.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.82332
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award