AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Willy,
- Y... Gustave,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 19 octobre 2001, qui, dans la procédure suivie contre eux du chef d'escroquerie, a déclaré non avenue l'opposition qu'ils ont formée à l'arrêt rendu par la même Cour le 12 novembre 1999, ayant dit leurs appels irrecevables ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 22 janvier 2003 où étaient présents : M. Cotte président, M. Dulin conseiller rapporteur, MM. Pibouleau, Challe, Roger, Mme Desgrange, MM. Rognon, Chanut conseillers de la chambre, Mme de la Lance, MM. Soulard, Samuel conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Frechede ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
Sur le rapport de M. le conseiller DULIN, les observations de Me RICARD et de Me SPINOSI, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;
Les avocats des demandeurs ayant eu la parole en dernier ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé pour Gustave Y..., pris de la violation des articles 6.1, 6.3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et 494 du Code de procédure pénale, par fausse application, 410, 416, 417, 489 et 494-1 du même Code, par refus d'application, violation du droit au procès équitable et du droit de tout accusé à l'assistance d'un défenseur de son choix ;
"en ce que l'arrêt a déclaré l'opposition de Gustave Y... à l'arrêt de défaut de la cour d'appel de Paris du 12 novembre 1999 non avenue et dit que l'arrêt par défaut du 12 novembre 1999 frappé d'opposition produira son plein effet ;
"aux motifs que Gustave Y... ne se présente pas, ni personne pour lui ; toutefois par Telefax en date du 13 septembre 2001, reçu le même jour, son conseil, Me de Pril, avocat en Belgique, demande à la Cour le renvoi de l'affaire à une date ultérieure, au motif que son état de santé ne lui permet pas de se déplacer et qu'il ne peut demander à un confrère-collaborateur de plaider le dossier de Gustave Y... qu'il a instruit depuis des années ; Gustave Y... ne s'explique pas sur son absence et ne soumet à l'appréciation de la Cour aucune excuse, ni directement, ni par le truchement de leurs conseils ; que le Telefax de Me de Pril, conseil de Gustave Y... ne permet pas d'écarter les dispositions de l'article 494 alinéa 1 du Code de procédure pénale ; Gustave Y..., faisant défaut à son opposition, il y a lieu de déclarer cette dernière non avenue et de dire que l'arrêt par défaut de cette Cour du 12 novembre 1999 sortira son plein et entier effet ;
"alors que le droit au procès équitable et le droit de tout accusé à l'assistance d'un défenseur de son choix s'opposaient à ce que la cour d'appel déclare d'office non avenue l'opposition de Gustave Y..., le prévenu, en raison de son absence non justifiée à l'audience et lui refuse, par voie de conséquence, le droit de faire assurer sa défense par l'avocat qu'il avait désigné" ;
Attendu que Gustave Y..., résidant en Belgique, a été condamné par le tribunal correctionnel du chef d'escroquerie à trois ans d'emprisonnement, mandat d'arrêt ayant été décerné à son encontre ;
qu'il a interjeté appel de cette décision par avocat et que la cour d'appel, statuant par défaut, a déclaré cet appel irrecevable ;
Attendu qu'ayant formé opposition à cet arrêt, le prévenu n'a pas comparu à l'audience, bien que régulièrement cité, et n'a fourni aucune excuse ; que son conseil, également absent, a, par télécopie reçue la veille de l'audience, sollicité le renvoi de l'affaire en arguant de son propre état de santé qui l'empêcherait de plaider et en soutenant qu'il ne pouvait se faire substituer par l'un de ses collaborateurs ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, la cour d'appel énonce que Gustave Y... ne s'explique sur son absence, ni directement ni par son conseil, et constate en conséquence que l'opposition est non avenue ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors qu'aucun avocat n'était présent à l'audience pour assurer la défense du prévenu qui ne conteste pas avoir eu personnellement connaissance de la citation, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Mais sur le moyen unique de cassation, proposé pour Willy X..., pris de la violation des articles 6.1, 6.3 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 410, 411, 489, 494, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble les droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré au seul motif de son absence non avenue l'opposition formée par Willy X... et dit que l'arrêt par défaut frappé d'opposition produira son plein et entier effet ;
"aux motifs que "Willy X... ne se présente pas ;
"que par conclusions soutenues et déposées à la barre par Me François Deby, avocat à la Cour, Willy X... demande toutefois à la Cour de le juger en son absence, de déclarer son opposition recevable, de mettre en conséquence à néant l'arrêt de cette chambre rendu par défaut à son encontre le 12 novembre 1999, de déclarer recevable son appel contre le jugement en date du 25 novembre 1998 de la 11ème chambre du tribunal de grande instance de Paris, d'ordonner le renvoi de l'affaire pour examen et sa jonction avec la procédure poursuivie contre Christophe Z..., à défaut de lui donner acte de ce qu'il est prêt à conclure et faire plaider au fond ;
"qu'aux termes des dispositions de l'article 494 alinéa 1 du Code de procédure pénale : " L'opposition est non-avenue si l'opposant ne comparaît pas à la date qui lui est fixée soit par la notification à lui faite verbalement et constaté par procès-verbal au moment où l'opposition a été formée, soit, par une nouvelle citation, délivrée à la personne de l'intéressé, conformément aux dispositions des articles 550 et suivants" ;
"que Willy X... et Gustave Y... ne s'expliquent pas sur leurs absences et ne soumettent à l'appréciation de la Cour aucune excuse, ni directement, ni par le truchement de leurs conseils ;
"que ni la présence à l'audience de Me François Deby, conseil de Willy X..., ni les écritures qu'il a déposées à la barre, non plus que le "Telefax" de Me de Pril, conseil de Gustave Y..., ne permettent d'écarter les dispositions de l'article 494 alinéa 1 du Code de procédure pénale ;
"que, dès lors, Gustave Y... et Willy X... faisaient défaut à leurs oppositions, qu'il y a lieu de déclarer ces dernières non-avenues et de dire que l'arrêt par défaut de cette Cour du 12 novembre 1999 sortira son plein et entier effet" ;
"alors que le droit de tout accusé à être effectivement défendu par un avocat figure parmi les éléments fondamentaux du procès équitable et un accusé n'en perd pas le bénéfice du seul fait de son absence aux débats ; qu'en déclarant non avenue l'opposition formée par le prévenu au seul fondement de son absence à l'audience en dépit de la présence de son conseil dûment mandaté pour le représenter, la Cour a fait application d'une sanction manifestement disproportionnée" ;
Vu l'article 6, paragraphes 1 et 3c, de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les articles 410, 411, 417 et 494 du Code de procédure pénale ;
Attendu que le droit au procès équitable et le droit de tout accusé à l'assistance d'un défenseur s'opposent à ce qu'un prévenu non comparant et non excusé soit jugé sans entendre l'avocat présent à l'audience pour assurer sa défense ;
Attendu que Willy X..., résidant en Belgique, a été condamné par le tribunal correctionnel du chef d'escroquerie à deux ans d'emprisonnement, mandat d'arrêt ayant été décerné à son encontre ;
qu'il a interjeté appel de cette décision par avocat et que la cour d'appel, statuant par défaut, a déclaré cet appel irrecevable ;
Attendu qu'ayant formé opposition à cet arrêt, il n'a pas comparu à l'audience bien que régulièrement cité et a demandé à son avocat de le représenter ; que celui-ci a sollicité le renvoi de l'affaire et, subsidiairement, à être entendu sur le fond ;
Attendu que, pour rejeter ces demandes, l'arrêt attaqué énonce que, ni la présence de l'avocat du prévenu à l'audience ni les écritures déposées par lui ne permettent d'écarter les dispositions de l'article 494, alinéa 1, du Code de procédure pénale ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle ne pouvait refuser d'entendre l'avocat chargé de représenter le prévenu, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte conventionnel susvisé et du principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs,
I - Sur le pourvoi de Gustave Y... :
Le REJETTE ;
II - Sur le pourvoi de Willy X... :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 19 octobre 2001, mais en ses seules dispositions le concernant ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf février deux mille trois ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;