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19/02/2003 | FRANCE | N°01-10689

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 19 février 2003, 01-10689


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 13 février 2001), rendu sur renvoi après cassation (3e civile, 4 février 1998 n° 184 D), que, par acte du 20 septembre 1990, la société immobilière du ..., nouvellement dénommée Société de participations immobilières et financières de Passy (société de Passy), propriétaire de locaux à usage commercial, a donné congé pour le 31 mars 1991, avec refus de renouvellement et offre de paiement d

'une indemnité d'éviction, à la société les Fourrures de la Madeleine devenue société T...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 13 février 2001), rendu sur renvoi après cassation (3e civile, 4 février 1998 n° 184 D), que, par acte du 20 septembre 1990, la société immobilière du ..., nouvellement dénommée Société de participations immobilières et financières de Passy (société de Passy), propriétaire de locaux à usage commercial, a donné congé pour le 31 mars 1991, avec refus de renouvellement et offre de paiement d'une indemnité d'éviction, à la société les Fourrures de la Madeleine devenue société Twin Holding, preneur à bail desdits locaux ; que, par acte du 7 mars 1991, cette dernière a sollicité le renouvellement de son bail ; que, le 25 mars 1991, la société bailleresse lui a signifié un nouveau congé comportant refus de renouvellement du bail et règlement d'une indemnité d'éviction motif pris que son fonds de commerce était inexploité depuis le 2 janvier 1990 ;

qu'après avoir restitué les clefs des lieux loués le 15 avril 1991, la société Twin Holding a fait assigner la société de Passy en nullité du congé du 25 mars 1991 et en paiement d'une indemnité d'éviction ;

Attendu que la société Twin Holding fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

1 / que le bailleur ne peut, au cours de l'instance tendant à la fixation de l'indemnité d'éviction, modifier les motifs de refus indiqués dans le congé, sauf pour lui à établir qu'il ne les a connus qu'après ; qu'en affirmant que la bailleresse n'aurait découvert la soi-disant sous-location consentie à la société Industrie et Fourrures qu'après le congé, au cours de la procédure, par les conclusions de la locataire devant le Tribunal, ce que celle-ci contestait formellement en soutenant que la bailleresse connaissait bien avant la délivrance du congé la présence de la sous-locataire prétendue qui travaillait exclusivement pour son compte, sans donner aucun motif de nature à justifier son affirmation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 5 et 9 du décret du 30 septembre 1953 alors applicable ;

2 / que la reconnaissance que l'occupation par un tiers des locaux loués l'aurait été au titre d'une sous-location portait sur une question de droit et non sur un point de fait puisqu'il s'agissait de qualifier des rapports contractuels nés d'une mise à disposition de locaux à un tiers, qui n'avait jamais été contestée, et ne s'analysait pas en un aveu judiciaire ; qu'en retenant que la société Twin Holding avait spontanément allégué devant les premiers juges l'existence de rapports contractuels de sous-location avec la société Industrie et Fourrures et qu'il s'agissait là d'un aveu judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 1356 du Code civil ;

3 / que I'aveu est indivisible ; qu'à supposer que le preneur eût reconnu l'existence d'une sous-location au profit de la société Industrie et Fourrures, ce prétendu aveu ne pouvait être divisé de la prétention à voir juger qu'un tel acte était autorisé par le bail ; qu'en considérant que la société Twin Holding avait spontanément reconnu dans ses écritures devant le premier juge l'existence de rapports contractuels de sous-location et qu'il s'agissait là d'un aveu judiciaire, sans accueillir également la prétention selon laquelle une telle sous-location était autorisée par l'article 1-2 du bail dès lors que la société Industrie et Fourrures était une société apparentée qui travaillait exclusivement pour le compte de la locataire, la cour d'appel a derechef violé l'article 1356 du Code civil ;

4 / que la sous-location, comme le bail, suppose le paiement régulier d'un loyer ; qu'en déclarant que la mise à disposition, même gratuitement, des locaux à un tiers en contrepartie de l'avantage résultant de l'ouverture du commerce, quand le locataire exerçait lui-même une autre activité, s'analysait en une sous-location, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1709 du Code civil ;

5 / qu'en énonçant que la société Twin Holding aurait mis partie des lieux loués à la disposition de la société Industrie et Fourrures "aux fins de permettre le maintien de son activité de confection au moyen d'un transfert illicite et (...) dans le cadre de la liquidation de ses activités liées aux fourrures", ce dont il résultait que, contrairement à ce qu'elle a retenu par ailleurs, la société Industrie et Fourrures exerçait bien la même activité qu'elle et en réalité son activité propre, la cour d'appel, omettant ainsi de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, a violé Ies articles 1134 et 1709 du Code civil ;

6 / qu'à tout le moins, la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en se déterminant par des considérations inconciliables entre elles quant aux activités respectives du preneur et de la prétendue sous-locataire, la cour d'appel s'est contredite en méconnaissance des exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

7 / qu'en ne précisant pas en quoi le transfert d'activité de la société Twin Holding à la société Industrie et Fourrures -dont elle a en fait admis l'existence- aurait été illicite, ni en quoi la bailleresse aurait pu se prévaloir d'une telle illicéité de nature à priver la locataire du droit à une indemnité d'éviction, la cour d'appel n'a conféré aucune base légale à sa décision au regard de l'article 9 du décret du 30 septembre 1953 applicable en la cause ;

8 / que, dans un bail, la seule prestation du bailleur consiste à mettre des locaux à la disposition du locataire et celle du locataire à payer le loyer stipulé ; qu'en retenant que la convention du 31 mai 1985 invoquée par la société Twin Holding, tendant à la mise à disposition gratuite de la société Industrie et Fourrures des locaux d'atelier de la rue de Passy pour lui permettre de reprendre l'activité de confection jusqu'alors par elle exercée, corroborait la réalité d'une sous-location constituée par l'installation d'un tiers, conditionnée par des prestations réciproques puisqu'il ressortait de cet acte que la société les Fourrures de la Madeleine fournirait la matière première et le savoir-faire tandis que la société Industrie et Fourrures procurerait le travail, considérant ainsi que ces échanges de prestations liés à l'activité de la locataire et de la prétendue sous-locataire caractérisaient une sous-location, la cour d'appel a derechef violé les articles 1709 et 1787 du Code civil ;

9 / qu'en énonçant que l'article 1-2 du bail qui stipulait que le preneur était "d'ores et déjà autorisé à sous-louer à toute société apparentée les parties à usage d'atelier" impliquait nécessairement l'existence d'un lien capitalistique entre le preneur et le sous-locataire, lui ajoutant ainsi une restriction qu'il ne comportait nullement, la cour d'appel l'a dénaturé en violation de l'article 1134 du Code civil ;

10 / que, si, en cas de sous-location autorisée, le propriétaire est néanmoins appelé à concourir à l'acte, la convention des parties peut déroger à cette règle ; que l'article 1-2 du bail, qui stipulait : "Le preneur ne pourra sous-louer les locaux loués en totalité ou en partie sans I'accord exprès et par écrit du bailleur. Toutefois, il est d'ores et déjà autorisé à sous-louer à toute société apparentée les parties à usage d'atelier", mettait bien en oeuvre une telle dérogation puisque, selon ses propres termes, la sous-location n'était nullement interdite ainsi que le prévoit en principe le statut des baux commerciaux, mais n'était autorisée qu'avec l'accord exprès et écrit du bailleur, exception faite de celle consentie à une société apparentée ; qu'en présupposant que l'autorisation de sous-louer conférée a priori par le propriétaire ne dispensait pas le preneur de l'obligation de le faire concourir à l'acte de sous-location, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et 21 du décret du 30 septembre 1953 alors applicable ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a retenu que la société de Passy n'avait eu connaissance qu'au cours de la procédure de la présence de la société Industrie et Fourrures dans la partie atelier des locaux et relevé, abstraction faite d'un motif surabondant, relatif à l'aveu judiciaire de la société Twin Holding, que la convention du 31 mai 1985 invoquée par la société Twin Holding tendant à la mise à la disposition de la société Industrie et Fourrures des locaux d'atelier de la rue de Passy corroborait la réalité d'une sous-location constituée par l'installation d'un tiers conditionnée par des prestations réciproques puisqu'il ressortait de cet acte que la société les Fourrures de la Madeleine fournirait la matière première et le savoir-faire ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant par une interprétation souveraine exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des termes de l'article 1-2 du bail rendait nécessaire, retenu que l'autorisation de sous-louer conférée par le propriétaire ne dispensait pas la locataire de l'obligation de le faire concourir à l'acte de sous-location, la cour d'appel, qui a constaté qu'aucune justification n'était apportée de ce que la société de Passy eût été appelée à concourir à la sous-location litigieuse, a par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Twin Holding aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Twin Holding à payer à la société de Passy la somme de 1 900 euros, rejette la demande de la société Twin Holding ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf février deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 01-10689
Date de la décision : 19/02/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles (chambre commerciale), 13 février 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 19 fév. 2003, pourvoi n°01-10689


Composition du Tribunal
Président : Président : M. WEBER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:01.10689
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