AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X... a été embauché du 8 janvier au 10 avril 1997 par la société Alp'express, en qualité de chauffeur routier, aux termes d'un contrat à durée déterminée conclu en raison d'un accroissement temporaire d'activité ; que M. X..., victime d'un accident du travail le 15 mars 1997, n'a pas repris son emploi ; que par lettre du 20 mars 1997, la société Alp'express a confirmé à M. X... que son contrat de travail venait à échéance le 10 avril 1997, et qu'à compter de cette date il n'appartiendrait plus au personnel de l'entreprise ; que le salarié, contestant le motif de recours au contrat à durée déterminée, a saisi la juridiction prud'homale afin, notamment, de voir requalifier la relation de travail en une relation à durée indéterminée et juger qu'il a été licencié sans cause réelle et sérieuse ni observation de la procédure ;
qu'en cause d'appel, il a présenté une demande d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article L. 324-11-1 du Code du travail relatives au travail dissimulé ; que la société Alp'express a été déclarée en liquidation judiciaire le 2 décembre 1998, et la société Belluard et Gomis désignée en qualité de liquidateur ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé qu'il n'y avait pas lieu de requalifier son contrat de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, alors, selon le moyen, qu'il soutenait avoir travaillé pour tous les clients de la société Alpe'express, et avoir ainsi participé à la marche normale de l'entreprise, et non pour la réalisation de la seule commande exceptionnelle invoquée par l'employeur pour justifier de l'accroissement temporaire de son activité ; qu'ainsi, la cour d'appel, en n'exerçant aucun contrôle sur la nature des tâches accomplies par le salarié, n'a pu vérifier que son embauche correspondait bien à un accroissement temporaire d'activité lié à une commande urgente ;
Mais attendu que la possibilité donnée à l'employeur de conclure un contrat à durée déterminée dans le cas prévu à l'article L. 122-1-1, 2 du Code du travail pour accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise n'implique pas pour lui l'obligation d'affecter le salarié à des tâches directement liées à ce surcroît d'activité ;
D'où il suit que la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur justifiait d'une commande exceptionnelle occasionnant un accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, a, en l'état de ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles 16 et 946 du nouveau Code de procédure civile, R. 516-0, R. 516-2, R. 516-6 et R. 517-9 du Code du travail ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables en tout état de cause, même en appel, que lorsque la procédure est orale, le juge ne peut déclarer irrecevables les prétentions des parties formulées lors de l'audience et que dans la mesure où une partie contre laquelle une demande est présentée n'est pas comparante, ni représentée, le juge, pour respecter le principe de contradiction, doit renvoyer l'affaire à une autre audience afin que la demande soit portée à la connaissance de cette partie ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande d'une indemnité pour travail dissimulé présentée par M. X... en application des dispositions de l'article L. 324-11-1 du Code du travail, l'arrêt attaqué énonce que le salarié ne justifie pas avoir porté cette demande nouvelle formulée oralement à l'audience à la connaissance de la Selafa Belluard et Gomis, ès qualités de liquidateur de la société Alp'Express, partie défaillante devant la cour d'appel,
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande nouvelle en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé présentée par M. X... en application des dispositions de l'article L. 324-11-1 du Code du travail, l'arrêt rendu le 14 décembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Selafa Belluard-Gomis, ès qualités, à payer à M. X... la somme de 750 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit février deux mille trois.