AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1415 du Code civil ;
Attendu, selon ce texte, que chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres ;
Attendu que M. X..., époux commun en biens, a contracté auprès du Crédit commercial de France (la banque) un prêt remboursable par mensualités prélevées sur son "compte bancaire professionnel" afin d'honorer le cautionement solidaire qu'il avait également souscrit auprès de la même banque en garantie de la dette de la société dont il était le dirigeant ; qu'à la suite de la liquidation judiciaire de cette société et de la défaillance de M. X... dans le remboursement du prêt, Mme X... a demandé à ce que lui fussent jugés inopposable ainsi qu'à la communauté, les engagements de son époux ;
Attendu que pour débouter Mme X... de ses demandes, l'arrêt attaqué, après avoir relevé que celle-ci n'avait donné son accord ni au cautionnement ni au prêt contractés par son mari, retient qu'en application de l'article 221 du Code civil, la banque n'est pas tenue de vérifier l'origine des fonds versés sur le compte personnel d'un époux commun en biens ; que le prélèvement automatique effectué par la banque avec l'accord du titulaire qui a la libre disposition des fonds versés sur ce compte, a été valablement fait ; qu'il ne constitue pas une mesure d'exécution, mais n'est que la mise en oeuvre du fonctionnement du compte ; que Mme X... pourra éventuellement faire valoir les droits de la communauté lors de son partage ou s'opposer à toute mesure d'exécution sur les biens communs restants que la banque pourrait mettre en oeuvre ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le compte sur lequel les prélèvements avaient été effectués était un compte courant ou de dépôt alimenté par les seuls revenus du mari, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décisison ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux autres branches du moyens :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme X... tendant à la restitution par la banque des sommes prélevées sur le compte ouvert au nom de M. X... et à ce que soient déclarés inopposables à la communauté les engagements de ce dernier envers la banque, l'arrêt rendu le 5 septembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne le Crédit commercial de France aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande du Crédit commercial de France, le condamne à payer à Mme X... la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit février deux mille trois.