AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que la société Etablissements X... exploitait un garage automobile depuis 1970, en qualité de concessionnaire exclusif de la marque Peugeot sur le secteur de Brunoy ; qu'après la résiliation du contrat de concession par la société Peugeot, au 31 décembre 1999, cette concession a été attribuée à compter du 1er janvier 2000 à la société Garage Picot, elle-même concessionnaire de la marque sur un secteur voisin ; que la société Garage Picot ayant refusé de poursuivre les contrats de travail, des salariés de la société Etablissements X... ont saisi le juge prud'homal en paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts ;
Attendu que la société Garage Picot fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 8 février 2001) d'avoir jugé que les contrats de travail de deux salariés avaient été transférés de plein droit le 1er janvier 2000 de la société X... à la société Garage Picot en application de l'article L. 122-12 du Code du travail et de l'avoir en conséquence condamnée à indemniser ces salariés au titre de la rupture de leurs contrats de travail et à leur remettre sous astreinte une lettre de licenciement, un certificat de travail et une attestation Assedic alors, selon le moyen, que le transfert d'une concession automobile d'un concessionnaire à un autre résultant de la décision du concédant ne constitue que le transfert d'une activité économique de commercialisation et n'emporte pas en elle-même transfert d'une entité économique ayant conservé son identité, lequel nécessite non seulement la reprise de la majorité du personnel mais encore le transfert des moyens matériels qui étaient affectés à l'exploitation de la concession par le premier concessionnaire ; qu'en l'espèce, il résulte seulement des constatations de l'arrêt attaqué que la reprise par le garage Picot de la concession de la marque Peugeot exploitée auparavant par la société X... ne s'est accompagnée que de l'embauche de trois salariés de la société X..., sans aucune reprise des moyens d'exploitation ni des locaux de cette dernière ; qu'en déduisant de la seule reprise de la concession de la marque Peugeot que le transfert d'une entité économique autonome s'était réalisé, lorsque la seule exploitation d'une marque dépourvue de ses moyens matériels et humains ne constitue pas une entreprise, la cour d'appel a violé l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail ;
Mais attendu que le changement de concessionnaire exclusif de la vente de véhicules automobiles d'une marque entraîne le transfert d'une entité économique autonome constituée d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre, ayant conservé son identité et dont l'activité est poursuivie ;
Et attendu que la cour d'appel a constaté que la société Garage Picot avait repris dès le 1er janvier 2000 la commercialisation des véhicules de la marque Peugeot, dont elle était devenue le concessionnaire exclusif ; qu'elle en a exactement déduit, peu important l'échec des négociations commerciales qu'elle avait engagées avec le précédent concessionnaire, que ce changement de concessionnaire exclusif avait entraîné le transfert à la société Garage Picot d'une entité économique autonome poursuivant un objectif économique qui avait conservé son identité et dont l'activité s'était poursuivie sous une nouvelle direction et qu'en conséquence la société Garage Picot était tenue de poursuivre l'exécution des contrats de travail des salariés rattachés à cette entité ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Garage Picot "enseigne Peugeot" aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille trois.