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11/02/2003 | FRANCE | N°02-84404

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 février 2003, 02-84404


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze février deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire PONSOT, les observations de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Jacques - Y... Maryse, épouse X...,

contre l'arrêt de cour d'appel de REIMS, chambre correctionnelle, en date du

30 mai 2002, qui, dans la procédure suivie contre eux pour recel d'abus de biens sociaux...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze février deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire PONSOT, les observations de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Jacques - Y... Maryse, épouse X...,

contre l'arrêt de cour d'appel de REIMS, chambre correctionnelle, en date du 30 mai 2002, qui, dans la procédure suivie contre eux pour recel d'abus de biens sociaux, recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé, emploi irrégulier du dispositif destiné au contrôle des conditions de travail dans les transports routiers et élimination irrégulière de déchets nuisibles, a condamné le premier à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3 et L. 241-9 du Code de commerce, des articles 321-1, 321-3, 321 -10 du Code pénal et de l'article 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a déclaré Jacques X... coupable de recel d'abus de biens sociaux ;

"aux motifs que le tribunal, par des motifs pertinents que la Cour adopte, a régulièrement apprécié les faits qu'il a exactement exposés et qualifiés ; que la juridiction de première instance a ainsi légalement motivé sa décision laquelle ne peut qu'être confirmée sur le principe de la culpabilité de Jacques X..., étant rappelé, voire souligné les éléments qui suivent ; que sur le plan général, il échet de constater que les abus de biens sociaux résultent d'un emploi irrégulier des fonds de la SLAM au profit de Seti et de Servitrans, emploi irrégulier non contesté par Maryse Y... qui n'est pas appelante des dispositions pénales du jugement qui l'en a déclaré coupable ; que sur le plan de la matérialité des faits, ceux-ci sont parfaitement reconnus, le mis en examen ayant déclaré devant le juge d'instruction (interrogatoire du 19 novembre 1997) :

"il est exact, comme l'a déclaré mon épouse, que dès qu'il y avait de l'argent sur le compte bancaire de SLAM, j'effectuais des virements sur le compte de Servitrans ; en contrepartie, Servitrans établissait des factures intitulées "participation aux frais d'entretien du matériel de transport" qui venaient en contrepartie de ces virements et parce qu'il fallait bien les justifier mais ces factures ne correspondaient à aucune prestation réelle ; que la formulation employée par Jacques X... est d'ailleurs intéressante à un double titre : d'une part, en précisant "j'effectuais des virements" il montre le peu de cas qu'il faisait de la gérance officielle de SLAM, d'autre part, la description qu'il fait, avec

franchise, de l'assèchement par pompage de la trésorerie d'une entreprise au profit d'une autre, sans contrepartie, est typique de l'infraction poursuivie ; que sur le plan de l'élément intentionnel, celui-ci est patent et résulte, en premier lieu, de l'obstination voire de l'acharnement mis par Jacques X... à perturber gravement l'ordre public économique en "plantant" successivement les entreprises déjà créées avant ces faits ; au surplus, les motifs même de la création de la SLAM, structure artificielle qui avait pour objet de soustraire aux créanciers le matériel roulant de SETI est révélateur de l'état d'esprit qui animait Jacques X... ; qu'enfin, les déclarations confondantes de ce dernier au magistrat instructeur donnent une idée de sa manière de percevoir les choses lorsqu'il dit (même interrogatoire que ci-dessus) : "c'était normal de faire des factures qui ne correspondent à rien ; vous me demandez si c'est une méthode de gestion des entreprises, oui parce que ça permet aux gens de vivre" ;

"1 ) alors que le recel n'est constitué que si les biens recelés proviennent d'une action qualifiée crime ou délit ; que Jacques X... faisait valoir dans ses écritures d'appel que les sociétés SLAM et Servitrans constituaient un groupe et que les opérations financières en cause avaient été dictées par un intérêt économique, social ou financier commun, à savoir le maintien de l'entreprise et des emplois ; qu'en laissant ce moyen péremptoire des conclusions du demandeur sans réponse, bien que celui-ci était de nature à ôter tout caractère délictuel aux faits à l'origine du recel, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation des textes susvisés ;

"2 ) alors que l'élément intentionnel du recel consiste dans la connaissance de l'origine frauduleuse des objets recelés ;

que pour caractériser le délit de recel en son élément intentionnel, la cour d'appel a retenu que Jacques X... aurait perturbé gravement l'ordre public économique en "plantant" successivement les entreprises qu'il avait créées avant les faits poursuivis, qu'il aurait créé la société SLAM afin de soustraire aux créanciers le matériel de la société SETI et qu'il aurait une manière personnelle de percevoir les choses ; qu'en se fondant ainsi sur des faits étrangers à ceux objet des poursuites pour caractériser l'élément intentionnel de l'infraction, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation des textes susvisés" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6-2 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 1, 3 et 3 bis de l'ordonnance n° 58-1310 du 23 décembre 1958, des articles 1 et 2 du décret n° 86-1130 du 17 octobre 1986, des articles 1, 3 et 15 du règlement de la communauté européenne 85-3821 du 20 décembre 1985, des articles 1, 2 et 10 de l'accord européen sur les transports routiers du 1er juillet 1970 et de l'article 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a déclaré Jacques X... coupable d'emploi irrégulier du dispositif destiné au contrôle des conditions de travail dans les transports routiers ;

"aux motifs que "le fractionnement du câble de liaison entre la boîte de vitesse et le chrono tachygraphe, s'il est autorisé, doit rester l'exception dans l'esprit des textes ; que le plombage du raccord est donc primordial s'agissant d'éviter les fraudes et c'est au prévenu de donner des explications cohérentes sur l'absence dudit plombage ; qu'à partir du moment où il est dans l'impossibilité de se justifier, il doit répondre des manquements constatés ; qu'en l'occurrence, sa mauvaise foi est d'autant plus évidente qu'il n'a pas hésité à conduire les véhicules non conformes qui venaient d'être mis sous scellés" ;

"1 ) alors que la preuve de l'accusation incombant à la partie poursuivante, c'est au ministère public qu'il appartient de rapporter la preuve que le prévenu n'avait pas satisfait à ses obligations légales et non au prévenu de démontrer qu'il s'était conformé auxdites obligations ; qu'en entrant en voie de condamnation contre Jacques X... au motif qu'il était dans l'impossibilité de se justifier sans constater qu'il ait commis une faute personnelle dans le bon fonctionnement et l'organisation du travail et qu'il ait manqué à son obligation de veiller à la bonne utilisation des appareils de contrôle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2 ) alors que le dispositif de contrôle des véhicules de transport concerne les véhicules en circulation ; que Jacques X... faisait valoir que l'infraction n'était pas constituée dès lors que les constatations ont été faites sur des véhicules immobilisés et sans qu'ait été établi l'auteur responsable du fractionnement du câble ;

qu'en se bornant à affirmer que Jacques X... avait conduit des véhicules non conformes parce que sous scellés sans qu'il n'ait été établi par un quelconque procès-verbal que les raccordements n'avaient pas été effectués entre-temps et que les véhicules aient effectivement circulé sans un dispositif conforme puisque aucune constatation n'avait été faite lors d'un contrôle sur la route, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"3 ) alors que Jacques X... faisait valoir dans ses écritures d'appel que les constatations du 7 octobre 1995 base des poursuites avaient été faites en dehors de toute commission rogatoire autorisant une perquisition et que la preuve de l'infraction n'était pas établie ; qu'en entrant en voie de condamnation contre Jacques X... sans s'assurer que celui-ci n'était pas poursuivi sur la foi de procès-verbaux entachés de nullité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les infractions dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que les moyens, dont le second, en sa troisième branche, est irrecevable en application de l'article 385 du Code de procédure pénale, ne peuvent qu'être écartés ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a déclaré Jacques X... coupable de recel d'abus de biens sociaux, de recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé, d'emploi irrégulier du dispositif destiné au contrôle des conditions de travail dans les transports routiers, d'élimination irrégulière de déchets nuisibles et l'a condamné à une peine de 18 mois d'emprisonnement avec sursis ;

"aux motifs qu' "en raison de la nature des faits, des circonstances de la cause et de la personnalité du prévenu, la Cour estime qu'une peine d'emprisonnement ferme ne s'imposant pas, il doit être fait usage du sursis probatoire" ;

"alors que la théorie de la peine justifiée est contraire aux règles du procès équitable et des principes de légalité et proportionnalité des peines ; d'où il suit que le bien fondé des critiques précédemment proposées, quand bien même elles n'atteindraient pas tous les chefs d'infractions reprochées à Jacques X..., devrait entraîner la cassation de l'arrêt dans son entier en ce qui concerne l'exposant, sauf à méconnaître les textes susvisés" ;

Attendu que ce moyen est devenu sans objet par suite du rejet des premier et deuxième moyens ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 1382 du Code civil, des articles L. 241-3 et L. 241-9 du Code de commerce et de l'article 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a déclaré Maryse Y..., épouse X..., seule responsable du préjudice subi par Me Crozat, liquidateur judiciaire de la société SLAM et l'a condamnée à lui payer la somme de 76 117,20 euros à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs qu' "aucune circonstance de la cause ne permet de considérer que la partie civile aurait, d'une manière quelconque, contribué à la survenance de son dommage et le demandeur doit donc être déclarée entièrement responsable du préjudice résultant des agissements délictueux ; que pour la partie civile, le dommage subi par les créanciers de la société TLA (anciennement SLAM) mise en liquidation judiciaire est constitué par son passif ; que la Cour ne peut poursuivre dans ce raisonnement en l'absence de démonstration d'un rapport direct entre la déconfiture de TLA et les abus de biens sociaux objet de la présente procédure, d'autres fautes de gestion ayant pu concourir aux déboires de l'entreprise ; qu'en l'absence d'expertise, pour chiffrer le préjudice causé par l'infraction, il faut repartir des seuls éléments objectifs dont la Cour dispose au dossier, dans les annexes à l'enquête préliminaire ; ces éléments ne concernent qu'une partie de l'année 1995 et sont exprimés ci-après en chiffres hors taxes : frais indus de carburants fournisseurs SCP PATIN : 30/03 : 2 472,55 francs ; 31/03 : 9 156,83 francs ; 06/04 :

12 209,11 francs ;

02/05 : 12 276,56 francs ; 27/06 : 12 000 francs (soit au) total :

48 115,05 francs ; participation indue aux frais d'entretien : 20/10 : 33 167,50 francs ; 08/11 : 33 167,50 francs ; 16/11 : 45 605,31 francs ;

30/11 : 167 869,19 francs ; 05/12 : 37 313,43 francs ; 31/12 : 37 313,43 francs ; 31/12 : 13 267 francs ; 31/12 : 24 875,62 francs (soit au) total 392 578,98 francs ; location indue de l'entrepôt :

02/05 : 8 431,70 francs ; 01/06 : 8 431,70 francs ; 02/07 : 8 431,70 francs ; 02/08

: 8 431,70 francs ; 02/10 : 8 291,87 francs ; 08/11 : 8 291,70 francs ;

05/12 : 8 291,70 francs (soit au) total 58 602,07 francs ; qu'au total, la demanderesse doit donc être condamnée à verser à Me Crozat, ès qualités, une somme de 499 296,10 francs soit 76 117,20 euros à titre de dommages-intérêts" ;

"alors que la responsabilité civile suppose un rapport de causalité certain entre la faute et le dommage ; que la cour d'appel a relevé l'absence de démonstration d'un rapport direct entre la déconfiture de TLA et les abus de biens sociaux objet de la présente procédure ; qu'en condamnant néanmoins Maryse Y... à réparer le préjudice de la société SLAM tout en relevant que l'existence d'un lien de causalité certain entre le préjudice et la faute n'était pas établie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé les textes susvisés" ;

Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice subi par la partie civile, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Ponsot conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-84404
Date de la décision : 11/02/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de REIMS, chambre correctionnelle, 30 mai 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 fév. 2003, pourvoi n°02-84404


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.84404
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