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11/02/2003 | FRANCE | N°01-88650

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 février 2003, 01-88650


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Bernard,

- Y... Michel,

- Z... Frédéric,

contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 30 octobre 2001, qui, pour délits d'entrave au fonctionnement régulier du comité d'établissement, les a condamnés respectivement à 25 000 francs d'amende, 20 000 francs d'amende, et 10 000 francs d'amende, et a prononcé

sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 janvier 2...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Bernard,

- Y... Michel,

- Z... Frédéric,

contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 30 octobre 2001, qui, pour délits d'entrave au fonctionnement régulier du comité d'établissement, les a condamnés respectivement à 25 000 francs d'amende, 20 000 francs d'amende, et 10 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 janvier 2003 où étaient présents : M. Cotte président, Mme Mazars conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Anzani, MM. Beyer, Pometan conseillers de la chambre, MM. Desportes, Ponsot, Valat, Mme Ménotti conseillers référendaires ;

Avocat général : Mme Commaret ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, et de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COMMARET ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Attendu que Bernard X..., président de la société IBM France qui comporte onze établissements, Michel Y..., directeur des relations sociales de cette société, et Frédéric Z..., directeur de l'usine de Montpellier, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel des chefs d'entraves au fonctionnement régulier du comité d'établissement de l'usine IBM de Montpellier, d'une part, pour n'avoir pas versé à ce comité la subvention de fonctionnement de 0,2% prévue par l'article L. 434-8 du Code du travail, d'autre part, pour avoir refusé de lui communiquer l'information sur le montant de la masse salariale servant de base au calcul des subventions, et enfin, pour avoir omis de consulter le comité d'établissement préalablement à la conclusion d'un accord collectif modifiant, après une fusion-absorption de filiales, le taux moyen de la contribution patronale aux oeuvres sociales et culturelles devant être versée à chaque établissement de l'entreprise ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 121-1 du Code pénal, L. 435-2, L. 434-8 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"en ce que l'arrêt partiellement infirmatif attaqué a déclaré Bernard X... et Michel Y... respectivement président directeur général et directeur des relations sociales d'IBM France coupables du délit d'entrave pour non versement de la subvention de fonctionnement de 0,2 % et défaut de communication de la masse salariale ;

"aux motifs que le système illégal de retenue à la source et de globalisation pratiqué par la société IBM qui ne verse rien au CE de Montpellier en application de l'article L. 434-8 du Code du travail est appliqué en toute connaissance de cause par les dirigeants de la société, à savoir Michel Y..., directeur des relations sociales qui reconnaît qu'il est spécialement chargé par le président directeur général Bernard X... de la question des relations sociales et des subventions aux CE et qui a produit le document ci-dessus qui est à en-tête de son service (...) ; qu'il en est de même du président directeur général Bernard X... qui a présidé à plusieurs reprises le CCE, et qui, s'il a chargé Michel Y... de ces questions, ainsi que le montre l'organigramme de la société IBM, ne peut échapper à sa responsabilité pénale dès lors qu'il n'a pas donné de délégation formelle permettant d'apprécier les pouvoirs spécifiques de Michel Y..., (autorité, compétence et moyens nécessaires) qui, d'ailleurs, dépend lui-même d'un directeur des relations humaines (M. A..., absent de la procédure) et qu'il a participé à l'infraction en conservant le statu quo qui consiste à verser une subvention au CCE malgré les observations déterminantes de l'inspecteur du travail dont il n'a tenu aucun compte au niveau central ; qu'en effet au niveau du CCE qu'il présidait au moins une fois par an et où siégeaient les représentants du CE de Montpellier il a été nécessairement informé des demandes du CE de Montpellier qui exigeait cette subvention de 0,2 % depuis plusieurs années ; qu'en effet il en était question depuis 1983 (D85 ;

réunion du CCE d 14 novembre 1984) ; que Bernard X... ne peut se contenter de dire que ces questions ne sont pas du ressort du président directeur général d'IBM France, dès lors qu'il est le "chef d'entreprise" visé par les textes et qu'il a mis en place ce système centralisateur ignorant les CE au profit du CCE ; qu'il reconnaît que son rôle dans la gestion des ressources humaines existe et qu'il consiste à arrêter les décisions stratégiques pour la cohésion et le dynamisme de ses salariés et la productivité d'ensemble d'IBM France (cf. conclusions page 9) , que cette globalisation est bien une décision de cette nature (...) ; que ce système établi et confirmé par la direction générale entraîne la même responsabilité pénale pour les dirigeants Bernard X... et Michel Y..., que pour le chef de l'établissement de Montpellier Frédéric Z..., qui n'a pas manqué de tenir informés la direction générale et le directeur des relations sociales et qui devait lui faire suivre les procès-verbaux de réunions du CE ;

"alors, d'une part, que l'arrêt qui justifie la participation du président directeur général (Bernard X...) et du directeur des ressources humaines (Michel Y...) aux éléments constitutifs de la prétendue infraction par l'adoption d'un système illégal de retenue à la source et de globalisation excluant tout versement du 0,2 % au comité d'établissement de Montpellier et par la mise en place de ce "système centralisateur ignorant les comités d'établissement au profit du CCE" (arrêt p. 14) se réfère en violation de l'article 388 du Code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme à des éléments non visés par la poursuite et d'ailleurs non sanctionnés en tant que tels par l'arrêt attaqué qui se borne à viser un défaut de versement et un défaut de communication de la masse salariale ;

"alors, d'autre part, et de toute façon, que prive sa décision de toute base légale au regard de l'article 438-8 du Code du travail l'arrêt qui impute une prétendue responsabilité pénale au PDG et au directeur des ressources humaines pour avoir mis en place un système globalisant et centralisateur prétendument exclusif du versement du 0,2 % au comité d'établissement de Montpellier et qui admet cependant que l'employeur demeurait fondé à justifier d'un tel versement par la fourniture directe audit comité de moyens en personnel comme il est prévu au texte susvisé dans son alinéa 3 ;

"alors, d'autre part, que nul n'est pénalement responsable que de son propre fait et que le prétendu défaut de versement du 0,2 % et à l'établissement de Montpellier de même que le prétendu défaut de communication de la masse salariale ne débordait pas des pouvoirs propres du chef d'établissement, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a de plus fort violé les textes susvisés notamment l'article L. 435-2 du Code du travail" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 434-8 du Code du travail et L. 483-1 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Michel Y..., Bernard X... et Frédéric Z... coupables du délit d'entrave au fonctionnement du comité d'établissement pour défaut de versement de la subvention de 0,2 % ;

"aux motifs que la société IBM ne justifierait pas du versement au comité d'établissement de Montpellier de la subvention de 0,2 % de la masse salariale ; qu'en l'espèce l' employeur qui prétend verser une somme équivalente à 0,8 % de la masse salariale a versé au dossier d'instruction un état des "charges payées par l'entreprise non débitées au CE de Montpellier (D90) qui se présente comme suit : IBM France direction des relations sociales

: charges payées par l'entreprise non débitées au CE Montpellier ; si

la compagnie débite le CE pour certaines charges, elle le fait aussi bénéficier des moyens gratuits et avantages ci-dessous, dont le montant annuel valorisé pour l'année 1996 est détaillé plus avant. 1. Surfaces à loyers non débités : 203 800 francs, 2. Salaires du personnel mis à disposition : 248 500 francs, 3. Gestion administrative du personnel du CE : 50 000 francs, 4. Contribution patronale du personnel du CE : 36 600 francs, 5. Subvention mutuelle du personnel du CE : 9 600 francs, 6. Frais de déplacement pour commissions du CCE : 100 800 francs, 7. Copies et diffusion des comptes-rendus : non évalué, 8. Quote-part des avantages consentis au CCE : 114 800 francs (personnel mis à disposition, subvention pour frais de comptabilité, copies et diffusion de comptes-rendus), 9. Prêts sans intérêts : 8 500 francs, 10. Temps de délégation supplémentaire : 287 000 francs ; que ce décompte ne distingue pas entre les besoins de fonctionnement et ceux relatifs aux activités culturelles et sociales et ne permet ainsi aucune vérification quant aux moyens en personnel fournis en application de l'article L. 434-8 du Code du travail ; que l'employeur avait été mis en garde par l'inspecteur du travail dans une lettre du 4 juillet 1996 (D9) quant à la situation délictuelle qui résultait de la "globalisation", de l'inexistence d'informations sur les attributions du personnel comptabilisé, de la déduction des moyens mis à disposition du CCE, et de la prise en compte des frais de déplacement des membres du comité pour se rendre aux réunions légales ou à des réunions préparatoires organisées par l'employeur ;

"alors, d'une part, que l'article L. 434-8 du Code du travail dispose que la subvention de fonctionnement de 0,2 % de la masse salariale "s'ajoute à la subvention destinée aux activités culturelles, sauf si l'employeur fait bénéficier le comité d'entreprise d'une somme ou de moyens en personnel équivalant à 0,2 % de la masse salariale brute" et qu'il résulte de ce texte, non pas comme le prétendent l'inspecteur du travail et la cour d'appel que l'employeur doit subventionner séparément les frais de fonctionnement du comité d'établissement pour les activités sociales et culturelles et en outre, à hauteur de 0,2 % les frais de fonctionnement relatifs aux autres activités du comité d'établissement mais que l'employeur satisfait complètement à ce texte si, laissant inchangé le montant de la contribution traditionnelle destinée aux oeuvres sociales et culturelles, il y a ajouté une subvention pour des frais de fonctionnement administratifs, payables en deniers ou en moyens, à hauteur de 0,2 % de la masse salariale brute ; que, dès lors, en sanctionnant pénalement l'employeur pour avoir produit des justificatifs comptables globaux sur les moyens mis à la disposition du comité d'établissement pour son fonctionnement et pour ne pas avoir ventilé les frais de fonctionnement du comité d'établissement exposés pour la gestion des oeuvres sociales et ceux exposés pour la gestion des activités économiques, l'arrêt attaqué viole le texte susvisé ;

"alors, d'autre part, et subsidiairement, que viole l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme l'arrêt qui considère que l'employeur aurait été suffisamment mis en garde par l'inspecteur du travail dans une lettre du 4 juillet 1996 sur le caractère délictueux d'une présentation comptable qui ne distinguerait pas clairement les frais de fonctionnement du comité d'établissement selon qu'il s'occupe des oeuvres sociales ou de ses activités économiques, sans rechercher si les textes répressifs étaient suffisamment explicites sur une telle exigence et si la circulaire qui avait été émise par l'autorité hiérarchique de l'inspecteur du travail ne devait pas prévaloir sur l'interprétation donnée par ce dernier" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 432-4, L. 438-1, L. 483 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Michel Y..., Frédéric Z... et Bernard X... coupables du délit d'entrave au fonctionnement du comité d'établissement pour défaut de communication de la masse salariale ;

"aux motifs qu'un texte n'est aucunement nécessaire et que le délit d'entrave est constitué par tout acte ou abstention quelconque de l'employeur qui entrave le fonctionnement régulier du CE, même si cet acte ou cette abstention n'est pas défini par la loi ; qu'au surplus, l'article L.432-4 du Code du travail oblige le chef d'entreprise, une fois par an au moins, à présenter un rapport concernant notamment "l'évolution de la structure et du montant des salaires" et que cette information doit être incluse dans le bilan social de l'établissement (L.438-1 du Code du travail) ; qu'il est évident que la connaissance du montant de la masse salariale permet au CE de vérifier que le montant de la subvention de fonctionnement qui lui est allouée est bien de 0,2 % de cette masse ;

que, comme le relève l'inspecteur du travail dans son courrier du 4 juillet 1996, Frédéric Z... était sollicité chaque mois (du 24 février au 30 juin 1995-D9) dans les réunions du CE pour donner cette information qu'il a toujours refusé de donner ; qu'il est constant qu'il a toujours refusé de la donner même après la lettre de l'inspecteur du travail (réunions du CEE des 26 juillet 1996-27 septembre 1996-25 octobre 1996-29 novembre 1997-22 décembre 1997) jusqu'au CE du 27 mars 1998 (au cours duquel il indique 323 millions de francs pour l'année 1997, somme d'ailleurs contestée) ; que, par la suite, la masse salariale depuis 1993 a continué à être demandée sans être communiquée (CE des 29 mai 1998-30 juin 1998-27 août 1998-25 septembre 1998) cf. documents joints à la cote D 72, que l'employeur ne peut se réfugier derrière son système de comptabilité par services et non par établissements, qu'il a lui-même mis en place, pour violer délibérément la loi ; que ce système établi et confirmé par la direction générale entraîne la même responsabilité pénale pour les dirigeants Bernard X... et Michel Y..., que pour le chef de l'établissement de Montpellier Frédéric Z..., qui n'a pas manqué de tenir informer la direction générale et le directeur des relations sociales et qui devait lui faire suivre les procès verbaux de réunions du CE ;

"alors, d'une part, que, concernant l'information due au cours de l'année 1997, ne caractérise pas l'élément intentionnel du délit d'entrave l'arrêt attaqué qui fait reproche à l'employeur de ne pas avoir communiqué au comité d'établissement de Montpellier la masse salariale propre à cet établissement pour l'année 1996 sans se prononcer sur le moyen péremptoire tiré de ce que ledit comité n'avait dénoncé que "fin 1996" l'accord d'entreprise en vertu duquel les versements étaient effectués au prorata des effectifs de celui-ci en vertu d'un tableau de calcul qui était communiqué au comité d'établissement, dans le cadre d'une solution qui était plus favorable que la formule légale des 0,2 % ;

"alors, d'autre part, que concernant l'information due au cours de l'année 1998, prive sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 483-1 du Code du travail l'arrêt qui constate (p. 15, alinéa 5) que le comité d'établissement a été informé le 27 mars 1998 du montant exact de la masse salariale pour l'année 1997 (323 369 466 francs) et qui refuse d'en tenir compte au seul prétexte que ladite somme aurait été contestée et que le comité d'établissement aurait en conséquence renouvelé sa demande d'information ;

"qu'au surplus, en se prononçant de la sorte, l'arrêt attaqué sort des termes de la prévention laquelle visait exclusivement le "défaut de communication" et nullement la remise en cause des éléments comptables de ladite communication par ailleurs soumis au juge civil ;

"alors, de troisième part, qu'en l'absence de dispositions légales ou réglementaires visant spécifiquement le contenu de la communication due au titre des 0,2 % afférent au fonctionnement du comité d'établissement, l'arrêt qui s'abstient de rechercher, comme il y était invité (conclusions p. 20 et suiv.), si en présence des diverses communications affectées en 1997 et 1998 ainsi que des indications fournies à l'expert du comité, l'allégation d'entrave ne recouvrait pas une simple divergence de vue sur la méthodologie employée, ne caractérise pas l'élément matériel du délit ;

"qu'au surplus, l'arrêt ne pouvait sans violer l'article R. 438-1 du Code du travail et l'arrêté subséquent du 8 décembre 1977 en son annexe B, faire reproche à IBM d'avoir méconnu son obligation d'information sur la masse salariale dans l'établissement du bilan social dès lors que ce texte ouvre la possibilité pour l'employeur de se libérer de son obligation, d'ailleurs non pénalement sanctionnée, par l'indication de la "rémunération mensuelle moyenne", ce qui avait été fait en l'espèce (conclusions p. 20)" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour déclarer établi à l'encontre de Bernard X..., Michel Y... et Frédéric Z..., le délit d'entrave à raison du défaut de versement de la subvention de fonctionnement, les juges du second degré, après avoir rappelé que cette subvention doit être versée à chaque comité d'établissement, constatent que, "pratiquant un système de globalisation et de retenue à la source" et servant la subvention au seul comité central d'entreprise, la société IBM n'a versé aucune subvention au comité d'établissement de l'usine de Montpellier ; qu'ils retiennent que l'employeur n'a pas rapporté la preuve que les prestations en nature qu'il fournissait et qui, selon lui, le dispensaient de tout versement audit comité, correspondaient à des moyens alloués pour les seuls besoins de fonctionnement autres que ceux afférents aux activités sociales et culturelles du comité d'établissement créancier ;

Que, pour retenir la culpabilité des prévenus pour n'avoir pas communiqué le montant de la masse salariale brute, les juges d'appel retiennent que l'employeur, se prévalant du système de comptabilité par services qu'il a mis en place en violation des dispositions légales, s'est constamment refusé, jusqu'au 27 mars 1998, à communiquer au comité d'établissement le chiffre de la masse salariale, élément qui aurait permis au comité de connaître le montant de la subvention de 0,2% à laquelle il pouvait prétendre ; que les juges ajoutent que, tant le directeur de l'usine de Montpellier, que le président de la société IBM France, et le directeur des relations sociales de cette entreprise ont mis en place, en toute connaissance de cause, une pratique de versement d'une subvention au seul comité central d'entreprise et de retenue à la source au prétexte des moyens en nature fournis aux comités d'établissement ; que les juges précisent qu'en dépit des réclamations du comité d'établissement de Montpellier et des interventions de l'inspecteur du travail, les prévenus ont persisté dans ces pratiques en violation de l'article L. 434-8 du Code du travail ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, procédant de son appréciation souveraine des éléments de preuve contradictoirement débattus, d'où il résulte qu'aucune subvention de fonctionnement n'a été versée, pendant la période considérée, au comité d'établissement partie civile, la cour d'appel a caractérisé, en tous ses éléments constitutifs, l'entrave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise ;

Que, d'une part, lorsque l'entreprise comporte des établissements multiples, la subvention de fonctionnement doit être versée à chaque comité d'établissement ;

Que, d'autre part, tant l'abstention volontaire de verser cette subvention de 0,2% que le refus de communiquer au comité d'établissement le montant de la masse salariale annuelle brute sur laquelle sont assises les subventions versées aux comités d'établissement sont constitutifs du délit d'entrave au fonctionnement dudit comité ;

Qu'enfin, il résulte de l'article L. 434-8 précité que l'employeur ne peut déduire de la subvention de fonctionnement prévue par ce texte les sommes ou les moyens en personnel mis à la disposition du comité d'établissement qu'à la condition d'établir que cette somme ou ces moyens ne sont alloués que pour les besoins de fonctionnement dudit comité autres que ceux occasionnés par ses activités sociales et culturelles ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 432-9, L. 435-2, L. 435-3, L. 483-1 du Code du travail, des articles 593 du Code de procédure pénale, et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"en ce que l'arrêt a déclaré Frédéric Z... et Michel Y... coupables du délit d'entrave au fonctionnement du comité d'établissement de Montpellier ;

"aux motifs adoptés des premiers juges que le 2 juillet 1998 un accord a été signé par la direction de l'entreprise et trois syndicats ; celui-ci, dans le cadre d'une fusion absorption par IBM France de ses filiales prévoit que la subvention culturelle et sociale versée par l'entreprise sera ramenée de 3,8 % à 3,15 % ; que cette décision n'a fait l'objet d'aucune consultation préalable du comité d'entreprise de Montpellier, seul le comité central ayant été consulté ; que les oeuvres sociales et culturelles étant de la compétence exclusive des comités d'établissement, et la réduction de leurs ressources impliquant nécessairement une modification de leur politique sociale et culturelle qui entraînait nécessairement une réflexion et des décisions à prendre au sein de chaque établissement, le comité d'établissement de Montpellier devait être consulté préalablement à l'accord ; qu'il est établi que cette consultation qui avait été prévue a été annulée à la demande expresse de Michel Y..., directeur des relations sociales d'IBM, Frédéric Z..., directeur de l'établissement de Montpellier a accepté sans y être contraint d'annuler la consultation qu'il avait un moment envisagée ; que s'agissant d'un accord pris au niveau national dans le cadre d'une opération de fusion absorption, Michel

Y... agissait nécessairement sur instructions de Bernard X..., PDG d'IBM (jugement p. 5 et 6) ;

"et aux, motifs propres qu'il convient de préciser - que l'inspecteur du travail a dressé procès-verbal de cette infraction le 28 juillet 1998, (D6) Frédéric Z... en étant avisé par courrier du 31 juillet ; - que la participation des délégués du CE de Montpellier, au CCE ne remplace pas la consultation du CE, - que le fait que la décision soit prise au niveau central de l'entreprise ne dispensait pas de cette consultation dès lors qu'il n'y a pas lieu de distinguer entre une décision unilatérale ou une négociation d'accords collectifs et que la consultation en matière de modification de la contribution patronale est prévue par les articles L. 431-5 et L. 432-1 du Code du travail ; - qu'enfin les oeuvres sociales ressortissent à la compétence exclusive des CE (L. 435-5 du Code du travail), aucune subvention ne concernant le CCE dont la consultation seule est inopérante ;

"alors, d'une part, que l'arrêt attaqué s'abstient de se prononcer en violation de l'article 593 du Code de procédure pénale sur le moyen péremptoire des conclusions d'appel des demandeurs selon lequel un accord collectif d'entreprise pris dans le cadre de l'article L. 435-3 et concernant le domaine des activités sociales et culturelles ne porte pas sur l'un des objets soumis légalement à l'avis du comité d'entreprise par les articles L. 431-4 et L. 432-1 et suivants du Code du travail qui visent seulement les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et sociale de l'entreprise ;

"alors, d'autre part, et subsidiairement, qu'il résulte des termes mêmes de l'accord collectif du 2 juillet 1998 qu'il s'agit d'un accord d'entreprise dont l'objet était de déterminer le taux moyen de la contribution patronale aux oeuvres sociales et culturelles applicable uniformément au sein de l'entreprise ; que, dès lors, en vertu des articles L. 435-2 et L. 435-3 du Code du travail la consultation ne pouvait relever que du comité central d'entreprise qui exerce les attributions excédant les limites des pouvoirs du chef d'établissement, et non de chaque comité d'établissement dont la compétence est restreinte aux pouvoirs des chefs d'établissement, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que seul le comité central d'entreprise a été consulté lorsque, en raison de la fusion- absorption de ses filiales par la société IBM France, a été signé, avec des organisations syndicales représentatives, un accord collectif modifiant les dispositions relatives à la contribution patronale aux oeuvres sociales et culturelles versée aux établissements ;

Attendu que, pour déclarer Michel Y... et Frédéric Z..., coupables du délit d'entrave pour n'avoir pas consulté préalablement le comité d'établissement de Montpellier, les juges d'appel prononcent par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors qu'en l'espèce, le projet d'accord, consécutif à une opération de fusion-absorption, qui fixait le taux moyen pondéré de la contribution patronale aux oeuvres sociales pour l'ensemble de l'entreprise et déterminait des règles de répartition prenant en compte les besoins propres à chaque comité d'établissement, requérait, par son objet, simultanément, la consultation du comité central d'entreprise, par application de l'article L. 432-1, alinéa 8, du Code du travail, et des comités d'établissement, par application de l'article L. 435- 2, alinéa 2, du même code, la cour d'appel, qui a répondu, comme elle le devait, aux chefs péremptoires des conclusions qui lui étaient soumises, a justifié sa décision ;

Que, dès lors, le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

CONDAMNE Bernard X..., Michel Y..., Frédéric Z... à payer aux parties civiles la somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze février deux mille trois ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 01-88650
Date de la décision : 11/02/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° TRAVAIL - Comité d'entreprise - Comité d'établissement - Délit d'entrave - Entrave à son fonctionnement - Eléments constitutifs - Subvention de fonctionnement - Pluralité d'établissements - Abstention volontaire de verser la subvention à un comité d'établissement.

1° TRAVAIL - Comité d'entreprise - Comité d'établissement - Fonctionnement - Subvention de fonctionnement - Pluralité d'établissements - Versement à chaque établissement - Nécessité.

1° Lorsque l'entreprise comporte des établissements multiples, la subvention de fonctionnement prévue par l'article L. 434-8 du Code du travail doit être versée à chaque comité d'établissement. L'abstention volontaire de verser au comité d'établissement la subvention de fonctionnement constitue le délit d'entrave au fonctionnement du comité d'établissement (1).

2° TRAVAIL - Comité d'entreprise - Comité d'établissement - Délit d'entrave - Entrave à son fonctionnement - Eléments constitutifs - Subvention de fonctionnement - Refus de communiquer le montant de la masse salariale brute.

2° Constitue le délit d'entrave au fonctionnement du comité d'établissement le refus de communiquer au comité d'établissement le montant de la masse salariale annuelle brute sur laquelle sont assises les subventions versées aux comités d'établissement.

3° TRAVAIL - Comité d'entreprise - Comité d'établissement - Fonctionnement - Subvention de fonctionnement - Calcul - Sommes et moyens en personnel versés par l'employeur pour les besoins de fonctionnement - Déduction - Conditions.

3° L'employeur ne peut déduire de la subvention de fonctionnement prévue par l'article L. 434-8 du Code du travail les sommes ou les moyens en personnel mis à la disposition du comité d'établissement qu'à la condition d'établir que cette somme ou ces moyens ne sont alloués que pour les besoins de fonctionnement dudit comité autres que ceux qui sont occasionnés par ses activités sociales et culturelles (2).

4° TRAVAIL - Comité d'entreprise - Comité d'établissement - Délit d'entrave - Entrave à son fonctionnement - Eléments constitutifs - Absence de consultation des comités d'établissement - Consultation préalable - Accord collectif consécutif à une opération - Fusion-absorption - Accord requérant par son objet la consultation simultanée du comité central et des comités d'établissement.

4° Un projet d'accord consécutif à une opération de fusion-absorption, qui fixe le taux moyen pondéré de la contribution patronale aux oeuvres sociales pour l'ensemble de l'entreprise et qui détermine les règles de répartition prenant en compte les besoins propres à chaque comité d'établissement, requiert, par son objet, simultanément, la consultation préalable du comité central d'entreprise, par application de l'article L. 432-1, alinéa 8, du Code du travail, et des comités d'établissement, par application de l'article L. 435-2, alinéa 2, du même Code. Dès lors, justifie sa décision la cour d'appel qui, constatant qu'un comité d'établissement n'a pas été consulté préalablement à la signature d'un tel accord, déclare constitué le délit d'entrave au fonctionnement du comité d'établissement (3).


Références :

3° :
4° :
Code du travail L432-1, al8, L435-2, al2
Code du travail L434-8

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier (chambre correctionnelle), 30 octobre 2001

CONFER : (1°). (1) A comparer: Chambre criminelle, 1992-03-31, Bulletin criminel 1992, n° 134, p. 351 (cassation) ; Chambre sociale, 2001-05-15, Bulletin 2001, V, n° 172, p. 824 (rejet). CONFER : (3°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1989-10-04, Bulletin criminel 1989, n° 341, p. 824 (cassation) ; Chambre criminelle, 1992-02-11, Bulletin criminel 1992, n° 28 (1), p. 174 (rejet). CONFER : (4°). (3) A rapprocher : Chambre sociale, 1971-12-16, Bulletin 1971, V, n° 746, p. 639 (cassation) ; Chambre sociale, 1993-06-30, Bulletin 1993, V, n° 191, p. 129 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 fév. 2003, pourvoi n°01-88650, Bull. crim. criminel 2003 N° 31 p. 119
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2003 N° 31 p. 119

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Commaret
Rapporteur ?: Mme Mazars
Avocat(s) : la SCP Célice, Blancpain et Soltner, la SCP Masse-Dessen et Thouvenin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:01.88650
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