AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal que sur le pourvoi incident :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par convention du 15 décembre 1992, la ville de Digne-les-Bains, a confié à la société Pompes funèbres dignoises, aux droits de laquelle sont ultérieurement venues les sociétés Pompes funèbres du sud-est puis Omnium de gestion (OGF), et qui était, en vertu d'une convention en date du 7 juin 1990, le concessionnaire du service extérieur des pompes funèbres pour six ans, le droit d'assurer la gestion d'une maison funéraire, dont elle lui confiait par ailleurs l'édification ; que, par convention du 18 mai 1993, le centre hospitalier de Digne-les-Bains (l'hôpital) a confié à la société Pompes funèbres du sud-est "toutes opérations consécutives aux décès survenant à l'hôpital" en prévoyant que la chambre funéraire précitée gérée par elle en vertu de la convention du 15 décembre 1992 devait être la "maison funéraire" du centre hospitalier et recevoir les corps des personnes décédées dans cet établissement ; qu'il était précisé dans cette convention que la maison funéraire tenait lieu de "maison mortuaire" de l'hôpital ; que la société Moralis, entreprise de pompes funèbres, estimant que la société Pompes funèbres du sud-est
ne pouvait gérer la chambre mortuaire de l'hôpital sans méconnaître les dispositions de la loi n° 93-23 du 8 janvier 1993 et le principe de la libre concurrence, a assigné cette société en réparation de son préjudice sur le fondement de la concurrence déloyale et aux fins que soient ordonnées des mesures permettant de distinguer l'activité de gestionnaire de la chambre mortuaire et celle d'entrepreneur de pompes funèbres ; que, reconventionnellement, la société Pompes funèbres du sud-est s'est prévalue de la violation par la société Moralis du monopole du service extérieur dont elle était titulaire, demandant l'attribution de dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la société Moralis fait grief à l'arrêt d'avoir dit que de septembre 1994 au 9 janvier 1996, elle avait enfreint la concession exclusive du service extérieur des pompes funèbres accordé par la ville de Digne-les-Bains à la société Pompes funèbres dignoises, devenue Pompes funèbres du sud-est et de l'avoir, en conséquence, condamnée à verser à cette dernière une provision de 30 000 francs, alors, selon le moyen, que l'objet de l'article 28 de la loi du 8 janvier 1993, devenu l'article L. 2223-44 du Code général des collectivités territoriales, était seulement d'interdire pendant trois ans aux communes de faire gérer le service extérieur des pompes funèbres par un autre opérateur que celui auquel elles avaient auparavant conféré l'exclusivité, et non pas d'empêcher les entreprises concurrentes de réaliser des prestations relevant du service extérieur ;
Mais attendu que selon l'article 28 de la loi du 8 janvier 1993, les contrats de concession, y compris ceux comportant une clause d'exclusivité, conclus avant la date de publication de cette même loi, continuent à produire effet jusqu'à leur terme durant une période de trois ans, sauf résiliation d'un commun accord ; qu'il en résulte qu'en retenant que la société Pompes funèbres du sud-est était concessionnaire du service extérieur jusqu'au 9 janvier 1996, et dès lors qu'elle avait constaté que cette concession était exclusive, la cour d'appel a jugé à bon droit que l'exécution, par la société Moralis à laquelle ce monopole était opposable jusqu'au terme du contrat fixé par la loi, de prestations relevant du service extérieur des pompes funèbres, était fautive ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche :
Vu la loi des 16-24 août 1790 ;
Attendu que pour décider que la société des Pompes funèbres du sud-est avait bénéficié, du fait de la gestion, qui lui était confiée, de la maison funéraire de Digne-les-Bains servant de maison mortuaire de l'hôpital de cette ville, d'un avantage constitutif de concurrence déloyale, l'arrêt retient que la loi n° 93-23 du 8 janvier 1993 ne prévoit aucune voie de gestion déléguée en ce qui concerne les chambres mortuaires et en déduit que la gestion de la chambre mortuaire d'un établissement de santé par une entreprise de pompes funèbres est en elle-même, sans qu'il y ait lieu de se livrer à une appréciation in concreto des modalités de sa gestion, constitutive de concurrence déloyale au détriment des entreprises concurrentes ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, après avoir constaté l'existence d'une convention du 18 mai 1993, par laquelle le centre hospitalier de Digne-les-bains et la société Pompes funèbres du sud-est, concessionnaire du service public de la maison funéraire de Digne-les-Bains, étaient convenues des modalités d'utilisation de cette maison par le centre hospitalier auquel elle devait tenir lieu de chambre mortuaire, la cour d'appel, qui a nécessairement apprécié la validité de cette convention, a excédé ses pouvoirs ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné pour concurrence déloyale la société Pompes funèbres du sud-est, l'arrêt rendu le 6 avril 2000, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Moralis ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. Métivet, conseiller le plus ancien qui en a délibéré, en remplacement du président, en l'audience publique du onze février deux mille trois.