AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique et après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du nouveau Code de proédure civile :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 11 septembre 2000), et les pièces produites, que M. X..., maire de Lesquin, a tenu les propos suivants le 11 juin 1997 après la clôture d'une réunion du conseil municipal et dans un communiqué rendu public à la même époque : "Je tiens à apporter des précisions sur les propos erronés qu'un habitant de Lesquin s'est cru bon de diffuser dans les boîtes aux lettres ; Nous nous étonnons du manque de sérieux de cette personne pourtant habituée aux recours procéduriers ; Ce qui prouve que la rédaction et la diffusion de ce torchon n'est destinée qu'à des fins politiques ou personnelles contre la municipalité ; Souvenez-vous qu'afin de faciliter la construction de logements sociaux dans notre commune et d'offrir un logement décent, nous avons préempté sur des terrains sur lesquels le rédacteur de ce torchon comptait spéculer sur le dos des exploitants agricoles en place, déjà à l'époque M. Y... a diffusé un document co-rédigé avec M. Z... ; Cette personne évoquant l'environnement oublie de se retourner sur son dépotoir, son habitation non terminée, son assainissement individuel non réalisé, et son occupation abusive du domaine public, tout cela donnant de Lesquin l'image que vous pouvez voir en y entrant" ;
Attendu qu'estimant avoir subi un préjudice résultant de ces propos, M. Z... a assigné en réparation M. X... devant le tribunal de grande instance sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes alors, selon le moyen :
1 / que dans sa communication du 11 juin 1997 versée aux débats, M. X... avait affirmé qu' "afin de faciliter la construction de logements sociaux dans notre commune et d'offrir un logement décent, nous avons préempté sur des terrains sur lesquels le rédacteur de ce torchon comptait spéculer sur le dos des exploitants agricoles en place, déjà à l'époque M. Y... a diffusé un document co-rédigé avec M. Z...", imputant ainsi la rédaction d'un torchon et une volonté de spéculation au détriment des exploitants agricoles à MM. Y... et Z... ; qu'en affirmant dès lors que les imputations de spéculation ne désignaient pas directement M. Z..., la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la communication faite par M. X... le 11 juin 1997, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
2 / que M. Z... reprochait à M. X..., outre ses propos, le fait d'avoir affiché l'arrêté de mise en demeure le concernant dans la mairie sur un document de couleur bleue parmi les autres arrêtés de couleur blanche attirant ainsi exclusivement l'attention des tiers sur son cas personnel ; qu'en déboutant l'exposant de sa demande de dommages-intérêts après avoir seulement écarté le caractère fautif des propos tenus par M. X... en omettant de se prononcer sur le caractère fautif de son comportement en matière d'affichage, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que la seule atteinte à la réputation d'une personne est constitutive d'un préjudice moral ; qu'en déboutant dès lors M. Z... de sa demande de dommages-intérêts après avoir relevé que celui-ci ne se prévalait pas d'un préjudice spécifique, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que les propos incriminés, tenus en public, imputent à M. Z... des faits portant atteinte à l'honneur et à la considération de l'intéressé et constituent une diffamation prévue et réprimée par les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 ; que les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par cette loi ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ; que par ce motif de pur droit, substitué d'office à ceux critiqués, l'arrêt attaqué se trouve légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Z... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille trois.