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05/02/2003 | FRANCE | N°02-82187

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 février 2003, 02-82187


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq février deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, de la société civile professionnelle GATINEAU et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L'ADMINISTRATION DES

DOUANES, partie poursuivante,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq février deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, de la société civile professionnelle GATINEAU et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L'ADMINISTRATION DES DOUANES, partie poursuivante,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 27 février 2002, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de René X... et de la société OFFICE MARITIME MONEGASQUE DE MARSEILLE du chef de contrebande de marchandises fortement taxées ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'en 1995, la société Office Maritime Monégasque de Marseille (OMM), commissionnaire en douane, a importé, à plusieurs reprises, pour le compte de la société Import Trading, dirigée par Jacques Y..., diverses marchandises en provenance de pays d'Asie ; qu'à l'arrivée des marchandises à Marseille, la société OMM établissait des documents de transit T1, sur lesquels la destination mentionnée était Lisbonne ; que, dans le même temps, elle établissait des documents de transport mentionnant des destinataires situés en France, en Italie et en Espagne, auxquels les marchandises étaient effectivement livrées ; que les documents de transit étaient ensuite apurés par l'apposition d'un faux cachet des douanes portugaises ;

Attendu que René X..., employé de la société OMM, est poursuivi pour contrebande de marchandises fortement taxées, ladite société étant poursuivie en qualité d'intéressée à la fraude ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 7, 336, 418, 420, 421, 422, 414, 437 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé René X... des fins de la poursuite ;

"aux motifs qu'il ne résulte pas des pièces de la procédure que René X..., employé par OMM en qualité de technico-commercial, ait eu en dépit de ses déclarations la qualité de déclarant en douane ni qu'il ait personnellement établi les nouveaux T1 ou CMR ; que le fait qu'il ait été chargé par OMM de suivre en sa qualité de responsable commercial les relations commerciales avec Jacques Y... et son groupe ne suffit pas à caractériser le rôle de participant conscient et volontaire que l'Administration lui prête dès lors qu'il s'est borné à transmettre aux personnes qualifiées de OMM les ordres qu'il recevait de Jacques Y... et qu'il n'est pas établi qu'il ait sciemment prêté son concours à celui-ci en connaissance du caractère frauduleux des apurements opérés au Portugal ;

"alors que les procès-verbaux de douane font foi jusqu'à preuve contraire des déclarations qu'ils relatent ; qu'il résultait des déclarations de René X... que les marchandises venaient sous T1 chez OMM ou BMI puis repartaient vers l'Italie, l'Espagne ou la Suisse sur instructions d'Import Trading alors que le document T1 était toujours établi à destination du Portugal ; qu'il a déclaré aussi être responsable du suivi des opérations de transit effectuées pour le compte de Import Trading et recevoir des instructions de Jacques Y... pour réceptionner le matériel de téléphonie et le textile provenant du Royaume-Uni, des Pays-Bas ou de la Suisse afin de les réacheminer vers l'Italie avec des T1 à destination du Portugal ; qu'il en ressortait qu'il avait participé sciemment à la fraude ; qu'en estimant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 336 du Code des douanes" ;

Vu l'article 336.2 du Code des douanes ;

Attendu que, selon ce texte, les procès-verbaux de douane font foi, jusqu'à preuve contraire, de l'exactitude et de la sincérité des aveux et déclarations qu'ils rapportent ;

Attendu que, pour relaxer René X..., la cour d'appel relève qu'il ne résulte pas des pièces de la procédure que ce dernier, employé par la société OMM en qualité de technico-commercial, du 19 mars 1990 au 3 juillet 1995, ait eu, en dépit de ses déclarations, la qualité de déclarant en douane ni qu'il ait personnellement établi les nouveaux titres de transit et de transport ; que le seul fait qu'il ait été chargé, par la société OMM, de suivre, en sa qualité de responsable commercial, les relations avec Jacques Y... et son groupe, ne suffit pas à caractériser le rôle de participant conscient et volontaire que l'administration des Douanes lui prête dans les faits de contrebande dénoncés, dès lors qu'il s'est borné à transmettre aux personnes qualifiées de la société OMM les ordres qu'il recevait de Jacques Y... et qu'il n'est pas établi qu'il ait sciemment prêté son concours à celui-ci en connaissance du caractère frauduleux des apurements opérés au Portugal ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'aux termes d'un procès-verbal de douane du 27 septembre 1995, servant de base aux poursuites, René X... a expressément reconnu qu'il était, à l'époque des faits, responsable du service "Douane" de la société OMM et avait la qualité de déclarant en douane, notamment en ce qui concerne les opérations de transit effectuées pour le compte de la société Import Trading, la cour d'appel, qui n'a pas relevé d'éléments propres à établir l'inexactitude ou l'absence de sincérité de ces déclarations, a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 396, 399 du Code des douanes, 131-37 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé la société OMM des fins de la poursuite ;

"aux motifs que ni le responsable légal de cette société ou son délégataire ni le déclarant en douane responsable des opérations en douanes effectuées pour le compte de cette société qui seuls pourraient répondre à titre personnel du délit d'intéressé à la fraude n'ont été attraits en la cause par l'administration des Douanes ; que la société OMM ne peut être déclarée coupable, le droit douanier ne connaissant pas la responsabilité pénale des personnes morales ;

"alors que le droit commun s'applique sauf en présence d'une disposition contraire du Code des douanes ; que l'article 131-37 du Code pénal prévoit la responsabilité pénale des personnes morales ; que le Code des douanes ne comporte aucune disposition contraire ; qu'en refusant, dès lors, de condamner la société OMM aux motifs que ses dirigeants n'auraient pas été attraits dans la cause et que le droit douanier ne connaît pas la responsabilité pénale des personnes morales, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article susvisé, ensemble les articles 399 et 407 du Code des douanes" ;

Vu l'article 399 du Code des douanes ;

Attendu que, selon ce texte, ceux qui ont participé d'une manière quelconque à un délit de contrebande sont passibles des mêmes peines que les auteurs de l'infraction ;

Attendu que, pour relaxer la société OMM, la cour d'appel se borne à énoncer que la responsabilité pénale des personnes morales n'existe pas en droit douanier ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article 399 du Code des douanes est applicable aux personnes morales, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de ce texte ;

D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 27 février 2002, en ses seules dispositions concernant René X... et la société OMM, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Soulard conseiller rapporteur, MM. Pibouleau, Challe, Roger, Dulin, Mmes Thin, Desgrange, MM. Rognon, Chanut conseillers de la chambre, Mme de la Lance, M. Samuel conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-82187
Date de la décision : 05/02/2003
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° DOUANES - Procès-verbaux - Aveux et déclarations.

1° Selon l'article 336.2 du Code des douanes, les procès-verbaux de douane font foi, jusqu'à preuve contraire, de l'exactitude et de la sincérité des déclarations et aveux qu'ils rapportent. Encourt la censure l'arrêt qui, nonobstant les indications fournies par le prévenu et consignées dans un procès-verbal, relève qu'il n'est pas établi que ce dernier avait la qualité de déclarant en douane.

2° DOUANES - Responsabilité pénale - Intéressé à la fraude - Domaine d'application - Personne morale.

2° L'article 399 du Code des douanes, qui soumet les personnes physiques et morales ayant participé, comme intéressées à un délit douanier, aux mêmes peines que l'auteur dudit délit, est applicable aux personnes morales. Encourt la censure l'arrêt qui, pour relaxer une société poursuivie en qualité d'intéressée à un délit douanier commis par l'un de ses employés, se borne à énoncer que la responsabilité pénale des personnes morales n'existe pas en droit douanier (1).


Références :

1° :
2° :
Code des Douanes 399
Code des douanes 336.2

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 27 février 2002

CONFER : (2°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1986-01-07, Bulletin criminel 1986, n° 8 (2), p. 21 (irrecevabilité et rejet) ; Chambre criminelle, 2001-09-26, Bulletin criminel 2001, n° 191 (1), p. 615 (cassation partielle par voie de retranchement sans renvoi).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 fév. 2003, pourvoi n°02-82187, Bull. crim. criminel 2003 N° 24 p. 97
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2003 N° 24 p. 97

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Launay
Rapporteur ?: M. Soulard
Avocat(s) : la SCP Boré, Xavier et Boré, la SCP Gatineau, la SCP Piwnica et Molinié.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.82187
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