AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon les arrêts déférés, que la société Raynald Huot promotion (RHP) a versé en compte courant à la société civile immobilière Blossier (la SCI) une somme de 500 000 francs remboursable au plus tard le 31 décembre 1993 ; que la SCI n'ayant pas honoré ses engagements, la société RHP a assigné la SCI devant le juge des référés et obtenu, le 5 octobre 1994, sa condamnation au paiement d'une provision de 250 000 francs ; qu'elle a ensuite saisi le juge du fond qui, par jugement du 20 décembre 1996, compte tenu de la mise en redressement judiciaire de la débitrice principale survenue le 1er juin 1995, a constaté la créance de la société RHP à l'encontre de la SCI à concurrence de 250 000 francs ; que parallèlement, la société créancière a également poursuivi la société Breteuil distribution (société Breteuil) qui s'était portée caution des engagements de la SCI ; que par arrêt du 7 mai 1997, la cour d'appel de Rouen a sursis à statuer en ce qui concerne la fixation du montant dû par la caution puis, par arrêt du 28 janvier 1999, a condamné celle-ci à payer à la société RHP la somme de 500 000 francs avec intérêts conventionnels à compter du 4 mai 1993 ;
que par arrêt du 20 mai 1999, la cour d'appel a rectifié son arrêt du 28 janvier 1999 pour supprimer la condamnation de la caution avec intérêts conventionnels ;
Sur le pourvoi, en tant qu'il concerne l'arrêt du 7 mai 1997 :
Vu les articles 455, 605 et 606 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que la société Breteuil a formé un pourvoi contre l'arrêt du 7 mai 1997 ; que les moyens de ce pourvoi ne concernent aucune partie du dispositif de cet arrêt ; qu'ainsi, la déchéance est encourue ;
Sur le pourvoi, en tant qu'il concerne l'arrêt du 28 janvier 1999 :
Sur les premier et quatrième moyens, réunis :
Attendu que la société Breteuil fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la caution à payer à la société RHP le montant total des sommes garanties, assorties des intérêts, alors, selon les moyens :
1 / que la contrariété entre deux jugements inconciliables entraîne l'annulation d'au moins l'un d'eux ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a condamné la société Breteuil au paiement des intérêts de la somme prétendument due par la SCI, alors que dans sa précédente décision du 7 mai 1997, elle avait définitivement déchargé la caution du paiement des intérêts, a rendu une décision en totale contradiction avec la première, de sorte que l'arrêt du 28 janvier 1999, qui est inconciliable avec celui du 7 mai 1997, doit être annulé, en application de l'article 618 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que l'autorité de la chose jugée s'oppose à ce qu'une caution qui a été définitivement dispensé du règlement des intérêts de la dette, soit condamnée à les payer par une décision postérieure intervenant au cours de la même instance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a condamné la société Breteuil à honorer son engagement de caution à l'égard de la société RHP, en la condamnant à payer à la fois le principal et les intérêts, alors qu'elle avait été dispensée du règlement de ces derniers par une précédente décision, devenue définitive et rendue dans la même instance, a méconnu l'autorité de la chose jugée et, partant, violé les dispositions de l'article 1351 du Code civil ;
Mais attendu que par arrêt du 20 mai 1999, rendu sur requête en rectification, la cour d'appel a dit que dans son arrêt rendu le 28 janvier 1999, sera supprimée la disposition suivante : "condamne la société Breteuil Distribution au paiement des intérêts conventionnels calculés sur la base du TMO secteur privé à compter du 4 mai 1993" ;
qu'il s'ensuit que le moyen est devenu sans objet et ne peut être accueilli ;
Et sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Breteuil reproche encore à l'arrêt d'avoir, au mépris d'une précédente décision ordonnant le sursis à statuer, confirmé le jugement en ce qu'il avait condamné la caution à rembourser les sommes prétendument dues à la société RHP, ayant consenti un apport en compte courant à la SCI, postérieurement soumise à une procédure collective, tandis qu'elle avait entrepris des travaux d'aménagement d'un supermarché, alors, selon le moyen, que le juge qui a ordonné le sursis à statuer, ne peut revenir sur sa décision, par le biais d'une seconde instance, tant que l'événement auquel se trouve subordonnée la fin du sursis, n'est pas survenu ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a fixé le montant définitif de la créance de la société RHP à l'encontre de la société Breteuil, alors que, dans une précédente décision, elle avait décidé de surseoir à statuer sur le montant dû au titre du cautionnement, dans l'attente de l'issue d'une procédure pouvant aboutir à un amoindrissement de la dette de la SCI, a violé les dispositions de l'article 379 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que par l'arrêt du 7 mai 1997, la cour d'appel, après avoir constaté qu'il n'était pas justifié de l'admission de la créance par le juge-commissaire, a décidé de surseoir à statuer "jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la créance invoquée par la SCI à l'encontre la société RHP", de sorte qu'elle a pu, sans méconnaître le texte invoqué, statuer sur le fond, par l'arrêt du 28 janvier 1999, après avoir relevé que, selon les motifs du jugement du 20 décembre 1996, la créance de la société RHP avait été admise sans contestation sur l'état des créances de la SCI pour la somme de 500 000 francs ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt du 28 janvier 1999, d'un côté, retient que par jugement du 20 décembre 1996, le tribunal a fixé à 500 000 francs le montant total de la créance de la société RHP et a constaté que la SCI restait créancière de la somme de 250 000 francs en raison du paiement d'une première somme de 250 000 francs en exécution de l'ordonnance de référé du 5 octobre "1985" et, d'un autre côté, condamne la société Breteuil à payer à la société RHP une somme de 500 000 francs ;
Attendu qu'il existe ainsi une contradiction entre les motifs et le dispositif de cet arrêt, de sorte que la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CONSTATE LA DECHEANCE du pourvoi formé contre l'arrêt du 7 mai 1997 ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 janvier 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la société Raynald Huot promotion aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en l'audience publique du quatre février deux mille trois.