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04/02/2003 | FRANCE | N°02-83176

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 février 2003, 02-83176


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre février deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle NICOLAY et de LANOUVELLE, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société ORME, partie intervenante,

contre l'arrêt n° 2 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, en dat

e du 5 avril 2002, qui, dans l'information suivie contre Gérard X... et André Y... des chefs d'...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre février deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle NICOLAY et de LANOUVELLE, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société ORME, partie intervenante,

contre l'arrêt n° 2 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, en date du 5 avril 2002, qui, dans l'information suivie contre Gérard X... et André Y... des chefs d'abus de confiance, tromperie et publicité mensongère, a confirmé l'ordonnance de refus partiel de restitution rendue, le 15 octobre 2001, par le juge d'instruction ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 151, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'ordonner la main-levée sans condition du blocage des comptes de la société Orme, de lever l'autorisation judiciaire nécessaire préalable à toute opération de débit, d'autoriser l'augmentation de capital de la société Orme, d'autoriser le remboursement des sommes payées par Gérard X... ainsi que l'octroi à son bénéfice d'une carte de crédit ;

"aux motifs que il résulte des éléments recueillis lors de l'information, notamment dans le cadre d'une expertise, que des détournements de fonds de l'ordre de 590 MF sont susceptibles d'avoir été commis et que les comptes bancaires de la société civile Orme, gérée par Gérard X..., sont susceptibles d'avoir été alimentés avec le produit de ces détournements ; que par commission rogatoire du 1er décembre 2000, le magistrat instructeur a prié les enquêteurs, déjà saisis rogatoirement depuis le 26 octobre 1999, de procéder au blocage des comptes de Gérard X... et André Y..., ainsi que ceux de leurs ayant droit sur lesquels des fonds, relatifs aux faits qui leur sont reprochés, auraient été déposés (D 282) ; que l'existence de cette commission rogatoire, qui n'a pas à figurer au dossier tant que son exécution n'est pas achevée, n'est pas contestée ; que par conséquent, la mesure de blocage des comptes de la société Orme, qui s'analyse en une saisie, résulte bien de la décision d'un juge compétent pour la prendre ;

"1 ) alors que les actes d'information ne peuvent être réalisés par les officiers de police judiciaires qu'au terme d'une commission rogatoire régulièrement délivrée ; que les parties, afin de s'assurer du respect des droits de la défense et du déroulement d'un procès équitable, peuvent solliciter du juge d'instruction le versement au dossier de cette commission rogatoire afin de déterminer si les actes d'information menés par les officiers de police judiciaire se sont déroulés dans le cadre fixé par cette délégation ; que les juges, saisis d'une contestation sur l'existence même de cette délégation doivent alors s'assurer de sa présence au dossier ; que la chambre de l'instruction ne pouvait affirmer l'existence de la commission rogatoire et, partant de la validité des actes d'information effectués par les officiers de police judiciaire, à la faveur de la seule référence à cette commission dans le procès-verbal dressé par l'officier de police judiciaire prétendument en exécution de cette commission ;

"2 ) alors que les officiers de police judiciaires, chargés de procéder à des actes d'information en exécution d'une commission rogatoire sont limités, dans leurs pouvoirs, aux actes sollicités par cette délégation ; que les services délégataires ne peuvent donc dépasser la saisine fixée par le contenu de la commission rogatoire ; que la chambre de l'instruction ne pouvait déclarer valable le blocage du compte bancaire de la société Orme en exécution de la commission rogatoire délivrée le 1er décembre 2000 dès lors qu'elle ne prévoyait que le blocage des comptes de Gérard X... et d'André Y... ainsi que, le cas échéant, ceux de leurs ayant droit" ;

Attendu que les dispositions de l'article 99 du Code de procédure pénale, constituant en faveur de tout tiers qui prétend avoir un droit sur un objet placé sous la main de la justice, une procédure lui permettant d'en réclamer la restitution, ne l'autorisent pas à faire juger, à cette occasion, la régularité des actes de procédure, fût-ce de ceux en vertu desquels le placement sous la main de la justice a été opéré ;

D'où il suit que le moyen est irrecevable ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation du principe général de la légalité de la preuve, des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 99, 151, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'ordonner la main-levée sans condition du blocage des comptes de la société Orme, de lever l'autorisation judiciaire nécessaire préalable à toute opération de débit, d'autoriser l'augmentation de capital de la société Orme, d'autoriser le remboursement des sommes payées par Gérard X... ainsi que l'octroi à son bénéfice d'une carte de crédit ;

"aux motifs qu'il résulte des éléments recueillis lors de l'information, notamment dans le cadre d'une expertise, que des détournements de fonds de l'ordre de 590 MF sont susceptibles d'avoir été commis et que les comptes bancaires de la société civile Orme, gérée par Gérard X..., sont susceptibles d'avoir été alimentés avec le produit de ces détournements ; que par ailleurs, les fonds susceptibles d'avoir été détournés ayant pu alimenter les comptes de la société Orme, le juge d'instruction pouvait légitimement ordonner le blocage des comptes de celle-ci pour les besoins de la manifestation de la vérité ; que cette décision est en lien direct avec les infractions visées aux poursuites, s'agissant du produit possible des dites infractions ; que, par ailleurs, que l'existence éventuelle de contrôles a posteriori de l'administration sur la compagnie d'assurances dont est actionnaire la société Orme n'est pas de nature à rendre utile le blocage des comptes qui a pour objet la manifestation de la vérité ; qu'également le fait qu'un cautionnement ait été versé dans le cadre d'un contrôle judiciaire ne saurait être invoqué utilement, la mesure de blocage n'ayant pas pour principal objet d'indemniser éventuellement les victimes des infractions mais de parvenir à la manifestation de la vérité ; que par l'ordonnance entreprise le juge d'instruction a accepté le déblocage partiel des comptes de la société Orme dans les livres de Rothschild et Compagnie banque afin de lui permettre de payer le loyer des locaux que la société Orme occupe, par virement automatique, et de régler diverses factures dues par la société à diverses personnes pour un montant total de 216 536,40 francs ; que cette décision est de nature à permettre à la société Orme de fonctionner normalement tout en préservant la manifestation de la vérité et la sauvegarde des droits des parties ;

"1 ) alors qu'en vertu du principe de légalité de la preuve, les actes d'information sollicités en vertu d'une commission rogatoire doivent être strictement nécessaires et justifiés par les besoins de l'enquête ; que le juge ne peut donc refuser de faire droit à une demande de restitution sans justifier sa décision, en considération des besoins de l'enquête ; que la chambre de l'instruction ne pouvait refuser d'accorder la main-levée du blocage d'un compte bancaire sans justifier les raisons qui imposaient la conservation du blocage ;

"2 ) alors que, dans son mémoire régulièrement déposé devant la chambre de l'instruction, la société Orme faisait valoir que le blocage de ses comptes bancaires n'était nullement justifié par les besoins de la manifestation de la vérité et qu'il devait lui être accordé la liberté de procéder aux opérations de débit sans solliciter au préalable d'une autorisation du juge ; que la chambre de l'instruction s'est bornée à procéder par voie d'affirmation sans préciser les raisons pour lesquelles les opérations bancaires devaient être autorisées, privant ainsi sa décision de tout motifs" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation du principe général de la légalité de la preuve, des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 99, 151, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'ordonner la main-levée sans condition du blocage des comptes de la société Orme, de lever l'autorisation judiciaire nécessaire préalable à toute opération de débit, d'autoriser l'augmentation de capital de la société Orme, d'autoriser le remboursement des sommes payées par Gérard X... ainsi que l'octroi à son bénéfice d'une carte de crédit ;

que cette décision est de nature à permettre à la société Orme de fonctionner normalement tout en préservant la manifestation de la vérité et la sauvegarde des droits des parties ;

"aux motifs que, en revanche, il n'est pas autorisé le remboursement à André Y... d'une somme de 539 742,84 francs, le remboursement à Gérard X... d'une somme de 478 000 francs et la possibilité pour la société Orme de contribuer à hauteur de 50 MF à une augmentation de capital de la société SEV ;

"1 ) alors que le juge ne peut dispenser de toute motivation et se borner à rejeter une demande sans la moindre justification ; que la chambre de l'instruction ne pouvait rejeter la demande de remboursement de la somme de 478 000 francs présentée par Gérard X... ainsi que sa demande visant à l'octroi d'une carte de crédit sur les comptes de la société Orme sans assortir sa décision du moindre motif au soutien du refus prononcé ;

"2 ) alors que le juge ne peut se dispenser de toute motivation et se borner à rejeter une demande sans la moindre justification ; que la chambre de l'instruction ne pouvait rejeter la demande d'augmentation de capital de la société Orme sans que le moindre motif ne vienne justifier sa décision de refus" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que deux comptes bancaires ouverts au nom de la société Orme, dont Gérard X... est le dirigeant, ont été bloqués par un officier de police judiciaire agissant en exécution d'une commission rogatoire ; que, saisi d'une demande de mainlevée de cette mesure, le juge d'instruction a décidé que les opérations de débit seraient soumises à son autorisation préalable, les opérations de crédit à son information préalable, et qu'un relevé mensuel de toutes les opérations devrait lui être adressé ; que, l'autorisation d'effectuer divers paiements lui ayant été adressée, le juge a refusé cette autorisation pour trois d'entre eux ;

Attendu que, pour confirmer cette décision, l'arrêt relève notamment qu'elle peut s'analyser en un refus partiel de restitution d'objet saisi, que les comptes bancaires de la société Orme peuvent avoir été alimentés avec le produit des détournements dont est saisi le juge d'instruction et qu'elle est de nature à permettre à la société de recouvrer l'usage de ses comptes tout en préservant les droits des parties ;

Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, la chambre de l'instruction, qui n'a fait qu'user des pouvoirs donnés par l'article 99 du Code de procédure pénale, a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Palisse conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-83176
Date de la décision : 04/02/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le premier moyen) RESTITUTION - Juridictions d'instruction - Intervention d'un tiers - Limites.

(Sur les 2e et 3e moyens) INSTRUCTION - Saisie - Restitution - Restitution partielle - Portée - Comptes bancaires bloqués.


Références :

Code de procédure pénale 99

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 05 avril 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 fév. 2003, pourvoi n°02-83176


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.83176
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