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04/02/2003 | FRANCE | N°02-81720

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 février 2003, 02-81720


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre février deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle RICHARD et MANDELKERN et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Michel,

- Y... Eric,

- Z... Jean,

contre l'arrêt

de la cour d'appel de VERSAILLES, 8ème chambre, en date du 6 février 2002, qui a condamné le premie...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre février deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle RICHARD et MANDELKERN et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Michel,

- Y... Eric,

- Z... Jean,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 8ème chambre, en date du 6 février 2002, qui a condamné le premier, pour homicide involontaire, à 1 an d'emprisonnement avec sursis, les deux autres, pour violences aggravées, à 8 mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur les pourvois formés par Eric Y... et Jean Z... :

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

II - Sur le pourvoi de Michel X... :

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'Aïssa A... a présenté le 27 mai 1991, vers 13 heures 15, dans les locaux du commissariat de police de Mantes-la-Jolie (Yvelines), au moment où la fin de sa garde à vue et la décision de le présenter au procureur de la République lui étaient notifiées, un arrêt cardio-respiratoire qui a entraîné son décès ; que l'information ouverte sur les causes de la mort a permis d'établir qu'arrêté dans le quartier du Val Fourré et placé en garde à vue le 26 mai à 0 heure 45, Aïssa A..., sujet à un asthme sévère, avait été victime de violences au moment de son interpellation et était mort des suites d'un brusque état de mal asthmatique ;

Que Michel X..., docteur en médecine requis, ayant examiné Aïssa A... le 26 mai à 18 heures, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire par ordonnance du 28 février 1996 portant, en outre, non-lieu à suivre contre quiconque des chefs de non-assistance à personne en danger et de violences avec arme ; que, sur l'appel interjeté contre cette ordonnance par Hammad A..., partie civile, la chambre d'accusation a, par arrêt du 25 juin 1996, ordonné un supplément d'information tendant notamment à la mise en examen pour violences aggravées des gardiens de la paix ayant participé à l'interpellation d'Aïssa A... ; qu'après exécution de ce supplément d'information, la chambre d'accusation a, par arrêt du 23 juin 1999, ordonné le renvoi devant le tribunal correctionnel de trois fonctionnaires de police qui ont été cités à la même audience que Michel X... ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 7, 8, 593 du Code de procédure pénale et 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé de reconnaître comme prescrite l'action publique mise en oeuvre à l'encontre du docteur X... ;

"aux motifs que le docteur X... a été mis en examen, le 18 février 1992, pour homicide involontaire commis à l'encontre d'Aïssa A..., et renvoyé de ce chef devant le tribunal correctionnel, par ordonnance du 28 février 1996 ; que, selon sa défense, aucun acte d'instruction ou d'information n'ayant été effectué le concernant entre les 28 février 1996 et 29 février 1999, l'action publique était donc prescrite à cette dernière date, en vertu de l'article 7 du Code de procédure pénale ; qu'apparaît établie aux yeux de la Cour, l'existence d'un lien de connexité entre les faits de violence reprochées aux policiers et les infractions d'homicide involontaire et de non-assistance à personne en danger reprochées au médecin ;

que les dispositions de l'article 203 du Code de procédure pénale ne sont pas limitatives ; qu'en l'espèce, après le décès d'Aïssa A..., il n'a été diligenté qu'une procédure unique à la suite de la jonction opérée, le 5 décembre 1991, entre l'information engagée à l'encontre de Michel X... des chefs d'homicide involontaire et de non-assistance à personne en danger et celle destinée à rechercher les causes de la mort ; que, depuis cette date, tous les actes effectués, concernant le décès d'Aïssa A..., l'ont été dans le cadre de cette procédure unique ; que d'ailleurs, l'arrêt rendu par la Cour de Cassation, le 10 mai 2000, avant même d'aborder le fond de l'affaire, "joignait les pourvois en raison de la connexité" alors que ces derniers avaient été formés, d'une part, par Michel X..., et d'autre part, par Jean Z..., Bruno B... et Eric Y... ;

que, par ailleurs, l'appel interjeté par les parties civiles à l'encontre de l'ordonnance de renvoi, concernait l'absence de "charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis les délits de défaut d'assistance à personne en péril et de coups et blessures volontaires avec arme" ; que Michel X... ayant été mis en examen le 18 février 1992, aussi bien pour homicide involontaire que non-assistance à personne en péril, le non-lieu partiel sus-énoncé rendu pour la seconde infraction, le concernait tout autant que les officiers du corps urbain chargé de surveiller le bon déroulement de la garde à vue ; que, dès lors, le supplément d'information ordonné le 23 septembre 1996 par la chambre d'accusation, concernait également Michel X..., et que les actes d'instruction effectués dans ce cadre pouvaient être considérés comme interruptifs de prescription, même s'ils avaient trait au délit d'homicide involontaire ; que cela est si vrai que Michel X... a été entendu à sa demande, au cours de ce supplément d'information, par le président de la chambre d'accusation, en sa qualité de mis en examen ; que cet interrogatoire constitue bien un acte d'instruction interruptif de la prescription au sens de l'article 7, alinéa 2, du Code de procédure pénale ; que c'est à bon droit que l'exception de nullité a été rejetée par le tribunal ;

1 ) "alors que, pour déclarer irrecevables les demandes du docteur X..., tendant à l'annulation des pièces de procédure et à voir ordonner un supplément d'information, la chambre d'accusation avait énoncé, dans son arrêt du 23 juin 1999, que, par ordonnance définitive du 28 février 1996, il avait été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef d'homicide involontaire et que, statuant sur le seul appel, par la partie civile du non-lieu partiel prononcé à l'égard des autres personnes mises en examen, elle n'avait pas été saisie des poursuites exercées contre lui ; que, dès lors, le supplément d'information qu'elle avait ordonné le 25 juin 1996 ne le concernait pas et ne pouvait interrompre l'action publique à son égard ; que la cour d'appel ne pouvait donc refuser de reconnaître que l'action publique était prescrite, en affirmant que le supplément d'information ordonné le 23 septembre 1996 par la chambre d'accusation et les actes d'instruction effectués dans ce cadre le concernaient également ;

2 ) "alors que, le délit de violences, qui suppose la volonté de commettre l'infraction, et le délit d'homicide involontaire, qui l'exclut, sont deux infractions distinctes ; que la procédure suivie du chef de violences ne saurait donc interrompre la prescription de l'action publique à l'égard de l'auteur présumé de l'homicide involontaire ; que la cour d'appel ne pouvait donc affirmer qu'en raison de la connexité, la procédure suivie à l'égard des policiers mis en examen pour violences avait interrompu la prescription de l'action publique, s'agissant du docteur X..., qui était renvoyé devant les juges du fond du chef d'homicide involontaire" ;

Attendu que Michel X... a soutenu pour sa défense qu'un délai de plus de trois ans s'étant écoulé entre l'ordonnance définitive qui l'a renvoyé devant le tribunal correctionnel et sa citation devant cette juridiction, l'action publique était éteinte par la prescription à son égard ;

Attendu que, pour écarter cette argumentation, et dire que les actes d'instruction diligentés en exécution du supplément d'information ordonné par la chambre d'accusation ont interrompu la prescription des poursuites exercées contre Michel X..., la cour d'appel relève que l'infraction d'homicide involontaire reprochée au médecin à raison de ses négligences dans l'examen médical d'Aïssa A... au cours de la garde à vue entretient un lien de connexité manifeste, au sens de l'article 203 du Code de procédure pénale, avec les violences aggravées commises par les trois fonctionnaires de police au préjudice du jeune homme au moment de son interpellation ;

Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Qu'en effet, les dispositions non limitatives de l'article 203 du Code de procédure pénale s'étendent aux cas dans lesquels, comme en l'espèce, il existe entre les faits, même différemment qualifiés, des rapports étroits, analogues à ceux que la loi a spécialement prévus ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en ce qu'il allègue inexactement, en sa première branche, que la chambre d'accusation aurait, par arrêt du 23 juin 1999, devenu définitif le 10 mai 2000, jugé que le supplément d'information ne pouvait interrompre l'action publique à l'égard de Michel X..., ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le docteur X... coupable d'homicide involontaire et l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, ainsi qu'à indemniser les parties civiles ;

"aux motifs que les faits des 26 et 27 mai 1991 ne sauraient être dissociés, les effets des fautes pouvant être reprochées au docteur X... ayant perduré jusqu'au moment du décès, survenu le 27 mai 1991, et ce, tout au long de la garde à vue ;

"alors que, la juridiction correctionnelle ne peut étendre sa saisine au-delà des faits visés par la poursuite ; que l'ordonnance de renvoi ayant simplement visé les faits commis par le docteur X... le 27 mai 1991, la cour d'appel ne pouvait statuer également sur les faits commis par celui-ci le 26 mai 1991, dont elle n'avait pas été saisie" ;

Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, les juges, régulièrement saisis de l'infraction d'homicide involontaire datée par l'ordonnance de renvoi du 27 mai 1991, jour du décès de la victime, n'ont rien ajouté à leur saisine en relevant que les fautes, en relation de causalité avec le dommage, reprochées au prévenu avaient été commises le 26 mai 1991, lors de l'examen du gardé à vue ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 221-6 du Code pénal, 63-3 et 593 du Code de procédure pénale, de l'ordonnance n° 59-63 du 6 janvier 1959, relatif aux réquisitions de biens et de services, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le docteur X... coupable d'homicide involontaire et l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, ainsi qu'à indemniser les parties civiles ;

"aux motifs que comme énoncé par les premiers juges, la responsabilité de Michel X... doit être analysée au regard des dispositions de la loi du 10 juillet 2000 ayant modifié la définition de la faute non-intentionnelle, nouvelle définition à laquelle fait expressément référence l'article 221-1 (lire 221-6) relatif au délit d'homicide involontaire ; qu'en l'espèce, il est établi que seule une faute indirecte peut être reprochée au docteur X... qui n'est intervenu auprès de la victime qu'au moment de l'examen médical de compatibilité puis lors des manoeuvres de réanimation ; qu'il n'est plus soutenu en cause d'appel qu'Aïssa A... serait décédé d'une absorption massive de théophylline ; qu'il convient donc de considérer comme acquis, conformément aux conclusions de l'ensemble des rapports médicaux, qu'Aïssa A... est décédé des suites d'une crise d'asthme aigu grave, survenue en fin de garde à vue ; qu'il est reproché, en l'espèce, au docteur X... de ne pas avoir effectué un examen médical suffisant eu égard à l'état asthmatique d'Aïssa A..., et d'avoir délivré un certificat de compatibilité avec la garde à vue eu égard à cet état ; que le docteur X..., bien que n'intervenant qu'en qualité de médecin chargé d'évaluer une compatibilité de la garde à vue, se devait, sans empiéter le moins du monde sur les attributions du médecin traitant, d'effectuer un diagnostic plus approfondi du gardé à vue qui l'aurait invariablement conduit au diagnostic d'asthme sévère et à un arrêt de la garde à vue ; que le docteur X... ne peut sérieusement se retrancher derrière une erreur de diagnostic qui ne saurait être admise que lorsque toutes les précautions et vérifications ont été prises ; que l'examen médical d'Aïssa A... a duré entre dix et quinze minutes ce qui atteste de son caractère particulièrement succinct, lorsque l'on sait les lésions multiples qu'il présentait ; que s'il admet avoir été informé de son état asthmatique, le docteur X... déclare, contre toute évidence, avoir ignoré les hospitalisations, les cures antérieures et les médicaments prescrits, prétendant qu'Aïssa A... avait minimisé, voire caché, la gravité de son affection, allant jusqu'à lui reprocher qu'il ignorait la fréquence de l'utilisation de Ventoline ;

que le docteur X... va jusqu'à qualifier Aïssa A... d'individu agressif alors qu'il a été décrit par tous les policiers comme docile, calme et coopératif, désireux de révéler son état, et préoccupé de n'être jamais démuni de médication ; que l'erreur de diagnostic avancée par sa défense a pour origine exclusive le caractère bâclé de l'examen médical, le docteur X... s'étant borné à prendre acte de l'état asthmatique, une contradiction existant d'ailleurs dans ses propos quant à la vérification du contenu de la bombe de Ventoline ;

que si l'absence de mention de l'état asthmatique sur le certificat de compatibilité avec la garde à vue ne saurait être déterminante, elle est néanmoins révélatrice de l'attitude du docteur X... allant jusqu'à invoquer le secret médical, alors que l'ensemble des fonctionnaires de police connaissaient cet état ; que le caractère succinct de l'interrogatoire, tout comme l'absence de mention de l'état asthmatique sur le certificat confirment que le praticien a "banalisé" ledit état et totalement sous-estimé les risques liés à un tel état, alors qu'un interrogatoire plus poussé l'aurait conduit à délivrer un certificat de non-conformité et à interrompre la garde à vue puisque, selon le rapport expertal, "l'état de santé d'Aïssa A... était manifestement une contre-indication à la garde à vue" ; qu'il n'y a pas lieu de reprocher au docteur X... de ne pas avoir contacté le médecin traitant ou les établissements d'hospitalisation ayant accueilli Aïssa A... lors de crises antérieures, ce type de vérification dans le temps d'un examen de garde à vue pouvant s'avérer difficile voire impossible ; qu'il en va de même pour l'absence d'utilisation du "débit de pointe", qui en 1991 n'était pas considéré comme indispensable dans le suivi ;

qu'en revanche, le docteur X... n'a laissé aucune consigne aux policiers quant à la surveillance de l'état du gardé à vue si ce n'est d'approuver une initiative déjà prise par l'officier de police C... sur la libre disposition de la bombe à Ventoline ; qu'en particulier, le médecin n'a laissé aucune indication en cas de survenance d'une crise ou d'un symptôme avant coureur ; que justement, dans le cas d'espèce, de nombreux signes spécifiques sont venus annoncer la crise : utilisation répétée de Ventoline, gêne respiratoire, demande d'être placé devant une fenêtre durant la nuit, visite inquiète des membres de la famille venus lui apporter des médicaments ; que même en présence d'un asthme banal, faussement diagnostiqué par le docteur X..., ce dernier aurait dû laisser, en cas de survenance de signes avant coureur alarmants, des indications permettant aux policiers de réagir ou de prévoir un nouvel examen médical ; que, bien plus, le docteur X..., lors de son déplacement au commissariat dans la nuit, se devait de manière spontanée de visiter à nouveau Aïssa A..., seul asthmatique en garde à vue ; que cette absence de consignes, liée à un interrogatoire bâclé, témoigne d'une absence totale de précautions qui aurait permis d'éviter le décès, ne fût-ce qu'autorisant les policiers à accepter les médicaments apportés par la famille et en évitant à Aïssa A... de paniquer en constatant que son tube de Ventoline était vide ; que

cette faute caractérisée par un examen médical insuffisant, ayant conduit à une erreur de diagnostic, traduite par une déclaration de compatibilité de l'état médical avec la garde à vue, s'est trouvée aggravée par l'absence de consignes, qui n'a pas permis de rectifier les effets de l'erreur initiale sus-décrite ; que, comme énoncé par les premiers juges, cette double faute a exposé Aïssa A... à un risque d'une particulière gravité, risque de faire une crise aiguë dans un local de garde à vue particulièrement inapproprié pour une prise en charge médicale et ce d'autant que le stress lié à l'arrestation, puis à l'éventualité d'une présentation devant le tribunal était un facteur aggravant pour un jeune garçon sans antécédent judiciaire ; que ces éléments autorisent la Cour à énoncer que cette double faute a créé un risque mortel de survie et privé Aïssa A... de toute chance de survie ; que le docteur X..., doté d'une solide expérience en matière de garde à vue et de réanimation, ne pouvait ignorer l'existence d'un tel risque ; que la faute caractérisée exigée par la nouvelle définition des délits involontaires est bien constituée en l'espèce, et qu'il y a lieu de confirmer la décision entreprise sur ce point ;

1 ) "alors que la cour d'appel, pour condamner le docteur X..., ne pouvait se borner à relever que c'était "contre toute évidence" qu'il avait déclaré ignorer les hospitalisations, les cures antérieures et les médicaments prescrits à Aïssa A..., sans s'expliquer sur les circonstances qui lui permettaient d'affirmer que la victime aurait effectivement informé le praticien de la gravité de son état ;

2 ) "alors que la cour d'appel ne pouvait affirmer que l'examen effectué par le docteur X... avait été insuffisant, sans relever les éléments lui permettant de caractériser une telle insuffisance ;

3 ) "alors que le seul fait que le gardé à vue soit asthmatique ne fait pas nécessairement obstacle à la garde à vue, quand aucune crise n'est suspectée ; que la cour d'appel, qui n'a relevé aucun élément permettant d'affirmer qu'au moment où Aïssa A... a été interrogé par le docteur X..., il présentait des signes avant-coureur d'une crise d'asthme, ne pouvait cependant en déduire que ce praticien aurait dû déclarer sont état incompatible avec la garde à vue ;

4 ) "alors que, sur le fondement de l'article 121-3 du Code pénal, dans sa rédaction issue de la loi du 10 juillet 2000, la personne qui n'a pas causé directement le dommage, mais a contribué à créer la situation qui en a permis la réalisation pour être reconnue pénalement responsable s'il est établi qu'elle a commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer ; que la mission des médecins requis dans le cadre d'une garde à vue consiste simplement à déterminer si, au moment de l'examen, l'état du gardé à vue est compatible avec la garde à vue ; qu'ils n'interviennent donc pas pour faire un bilan médical complet ; que la cour d'appel ne pouvait donc affirmer que le fait pour le docteur X... d'avoir procédé à un examen sommaire et de ne pas avoir ordonné d'investigations complémentaires, ce qui n'avait pas directement provoqué le décès, constituait une faute caractérisé" ;

Attendu que, pour déclarer Michel X... coupable d'homicide involontaire, les juges du second degré, après avoir relevé que la seule cause directe du décès d'Aïssa A... est la crise d'asthme aiguë dont celui-ci a été victime plusieurs heures après son examen par le médecin, énoncent qu'en procédant trop rapidement à cet examen, et en certifiant, après avoir diagnostiqué la maladie asthmatique, que l'état de santé d'Aïssa A... était compatible avec la garde à vue, le prévenu, qui n'a laissé aux policiers aucune consigne relative aux mesures à prendre en cas de survenance d'une crise d'asthme et a négligé de procéder à un nouvel examen médical à l'occasion de son passage de nuit dans les locaux du commissariat, a non seulement omis de prendre les mesures permettant d'éviter le dommage, mais commis une faute caractérisée exposant la victime à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ;

Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement discutés, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 20 de l'ordonnance n° 59-63 du 6 janvier 1959 relative à la réquisition de biens et de services, 73 du décret n° 62-367 du 26 mars 1982, 63-3 et 593 du Code de procédure pénale, 1382 du Code civil et de la loi des 16 et 24 août 1790 défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que, statuant sur l'action civile, l'arrêt attaqué a condamné le docteur X... à verser à Hammad A..., à Amina A... et à Sonia A..., respectivement, les sommes de 16 000 euros, 20 000 euros et 12 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral, et aux époux A... la somme de 2 500 euros au titre des frais d'obsèques ;

"aux motifs que sur l'évaluation du préjudice moral devant être alloué aux parents d'Aïssa A..., la Cour se doit de prendre en compte les circonstances particulièrement dramatiques de son décès, alors que la famille était en droit de penser qu'il ne pouvait rien lui arriver de fâcheux dans un local administratif sous la protection des autorités policière et judiciaire, mais également de son état de santé fragile qui nécessitait une surveillance accrue et renforçait encore davantage le lien affectif unissant les membres de la famille ; que la Cour est en mesure d'évaluer les frais d'obsèques au vu des éléments versés ; que, dans ces conditions, et compte tenu, dans une moindre mesure, de ce que la longueur de la procédure a pu contrarier la démarche de deuil, la Cour estime devoir allouer, au père Hammad A... la somme de 16 000 euros, à la mère Amina A..., la somme de 20 000 euros, à la soeur, Sonia A... la somme de 12 000 euros, aux époux A... au titre des frais d'obsèques, 2 500 euros ;

"alors que le médecin requis par le représentant d'un service public devient le collaborateur occasionnel du service public ; que les tribunaux judiciaires ne sont compétents pour apprécier la responsabilité civile de l'agent d'un service public que lorsqu'ils relèvent à la charge de celui-ci une faute personnelle détachable de ses fonctions ; qu'à défaut, seules les juridictions de l'ordre administratif sont compétentes pour connaître de l'action en indemnisation exercée par la victime ; qu'en pareil cas, l'incompétence de la juridiction répressive est d'ordre public, de sorte qu'elle doit être relevée d'office par cette juridiction et qu'elle peut être proposée pour la première fois devant la Cour de Cassation ; qu'en statuant néanmoins sur l'action civile exercée à l'encontre du docteur X..., qui avait pourtant agi sur réquisition de la police nationale et avait donc la qualité de collaborateur occasionnel du service public, sans constater qu'il aurait commis une faute détachable de ses fonctions, la cour d'appel a violé le principe susvisé" ;

Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, le contentieux de la responsabilité civile du fait de la faute d'un collaborateur occasionnel du service de la justice n'est pas de la compétence des juridictions administratives ;

Que, dès lors, le moyen, pour le surplus nouveau, mélangé de fait et, comme tel, irrecevable, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

DIT n'y avoir lieu à application, au profit des parties civiles, de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Blondet conseiller rapporteur, MM. Roman, Palisse, Le Corroller, Béraudo conseillers de la chambre, Mmes Agostini, Beaudonnet, Gailly, Salmeron conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-81720
Date de la décision : 04/02/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le premier moyen de M. PEROL) PRESCRIPTION - Action publique - Interruption - Acte d'instruction ou de poursuite - Infractions annexes.


Références :

Code de procédure pénale 7, 8, 203

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 8ème chambre, 06 février 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 fév. 2003, pourvoi n°02-81720


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.81720
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