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29/01/2003 | FRANCE | N°02-81065

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 janvier 2003, 02-81065


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf janvier deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de Me FOUSSARD et de la société civile professionnelle LE GRIEL, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Thierry,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 12 décembre 2001, qui, dans

la procédure suivie contre lui du chef de violences, a prononcé sur les intérêts civils ;

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf janvier deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de Me FOUSSARD et de la société civile professionnelle LE GRIEL, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Thierry,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 12 décembre 2001, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de violences, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 et 1383 du Code civil, ensemble l'article 222-11 du Code pénal et des articles 2, 3, 475-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a considéré que les éléments constitutifs de l'infraction de coups et blessures volontaires étaient réunis à l'égard de Thierry X..., qui l'a déclaré en conséquence entièrement responsable du préjudice subi par Bruno Y... et l'a condamné à payer à Bruno Y... la somme de 13 000 francs en réparation de son préjudice corporel, ainsi qu'à la somme de 3 000 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

"aux motifs qu' "aux termes du certificat médical établi le 29 septembre, lendemain des faits, il était constaté sur la personne de Bruno Y... un nouveau traumatisme du genou avec hématome et douleurs justifiant 15 jours de soins ; que deux témoins étaient entendus dans le cadre de l'enquête initiale, MM. Z... et A... ; qu'aucun de ces deux témoins ayant assisté à cette scène, n'avait vu Thierry X... frapper au genou Bruno Y... ; qu'en revanche, tous deux faisaient état du coup de poing porté à la face par Bruno Y... qui avait occasionné la chute de Thierry X... ; qu'aux termes des constatations et des conclusions du rapport d'expertise ordonnée par le tribunal, il est indiqué par le Docteur B... "qu'en l'absence de témoignage direct, on ne peut affirmer que l'histoire clinique rapportée soit en relation directe, unique et certaine avec les faits du 28 septembre 1999, bien qu'un hématome local ait été constaté dès le lendemain par le Docteur Le C..., ainsi qu'un bris de matériel de ligamentoplastie lors de l'intervention du 12 octobre 1999 ; mais que les blessures décrites peuvent tout à fait trouver leur origine dans un coup de pied ; que la filiation entre un traumatisme et les soins chirurgicaux établie par le chirurgien qui l'a examiné, opéré et suivi est basée sur les constatations initiales (hématome-douleurs), la concordance du siège, l'absence de latence ou

de pathologie interférente, la continuité de l'évolution, les constatations chirurgicales" ; que l'expert fixe l'incapacité temporaire totale du 28 septembre au 1er novembre 1999 ; qu'aux termes des témoignages recueillis lors du complément d'information, il ressort que seul un joueur, dont la présence est contestée, a vu la scène : que M. D... déclare effectivement être arrivé légèrement en retard au stade et confirme la version donnée par Bruno Y... ;

qu'il précise que du parking du stade, à environ une cinquantaine de mètres des faits, alors que Bruno Y... était de dos, il a vu Thierry X... lui porter un coup de pied, puis Bruno Y... riposter par un coup de poing ;

que M. E... situe l'arrivée de M. D... dans les minutes qui suivent l'altercation, alors que les autres joueurs, soit ne l'ont pas vu à l'entraînement, soit l'ont vu effectivement arriver après les faits ; que ces témoignages ne sont pas incompatibles avec la présence de M. D... sur le parking lors de l'altercation ; que tous précisent qu'en quittant les lieux Bruno Y... ne boitait pas, alors que M. E... précise que Bruno Y... lui a dit "il m'a fait mal au genou ce con" ; que le fait que Bruno Y... ne boitait pas en partant n'est pas contradictoire avec l'existence d'un coup de pied, car dans le feu de l'action, et avant que les effets n'apparaissent (hématomes, gonflement dans la nuit), la victime - énervée - peut marcher normalement ; que la discordance dans les déclarations de Bruno Y...

- devant les services de police - sur l'existence de douleurs immédiatement ressenties et - devant le tribunal - sur l'absence de celles-ci peuvent s'expliquer par la graduation dans l'évolution de cette douleur et dans le souvenir qu'il en a, plusieurs mois après ; que dans ces conditions, au regard des deux constats médicaux compatibles, la Cour retiendra la réalité de ce coup caractérisé par un hématome ; qu'ainsi, des coups ont bien été échangés, mais en l'absence d'éléments certains permettant de déterminer l'auteur du premier coup, la Cour retiendra leur simultanéité ; qu'au regard des circonstances ci-dessus rappelées (coups réciproques et simultanés), les éléments constitutifs de l'infraction de coups et blessures volontaires sont, en conséquence, réunis à l'égard de Thierry X... ; que chacun des protagonistes sera déclaré, en conséquence, entièrement responsable du préjudice subi par l'autre ; que sur le préjudice de Thierry X..., les dispositions relatives à l'expertise médicale, à la provision allouée et à l'article 475-1 du Code de procédure pénale seront confirmées ; qu'enfin, il apparaît équitable d'allouer à la partie civile 3 000 francs en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles en appel ; que sur le préjudice de Bruno Y..., au vu des pièces produites, son préjudice sera fixé à 8 000 francs au titre du pretium doloris et 5 000 francs au titre de son préjudice d'agrément découlant de la privation de la pratique du football pendant une

saison ; qu'enfin, il apparaît équitable d'allouer à la partie civile 3 000 francs en réparation de tout ou frais de ces parties irrépétibles" (arrêt p. 5, 3ème à p. 7, 3ème ) ;

"alors que, premièrement, l'article 593 du Code de procédure pénale dispose que tout arrêt ou jugement en dernier ressort doit à peine de nullité contenir des motifs suffisants pour permettre à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle et de reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif ; qu'ainsi, les juges du fond ne sauraient se borner à cet égard à relater successivement les déclarations contraires des parties et des témoins et privilégier l'une des thèses en présence, sans s'expliquer sur les raisons de leur choix ; qu'en l'espèce, après avoir rappelé le témoignage de MM. Z... et A... qui ont déclaré avoir assisté à la scène et n'avoir pas vu Thierry X... donner un coup de pied à Bruno Y..., lui-même auteur d'un coup de poing, la Cour a retenu le seul témoignage contraire à M. D... sans préciser en quoi celui-ci était plus digne de foi que les autres ; qu'en statuant ainsi, les juges du fond se sont prononcés aux termes de motifs insuffisants et partant, ont violé les articles susvisés ;

"alors que deuxièmement, tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision et que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en l'espèce, les juges du fond ne pouvaient après avoir évoqué les témoignages de MM. Z... et A..., témoins oculaires des faits, retenir sans se contredire que seul M. D... avait vu la scène ; qu'en statuant ainsi, les juges du fond ont violé les textes susvisés" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 et 1383 du Code civil, ensemble l'article 222-11 du Code pénal et des articles 2, 3, 475-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a considéré que les éléments constitutifs de l'infraction, de coups et blessures volontaires étaient réunis à l'égard de Thierry X..., qu'il l'a déclaré en conséquence entièrement responsable du préjudice subi par Bruno Y... et l'a condamné à payer à Bruno Y... la somme de 13 000 francs en réparation de son préjudice corporel, ainsi qu'à la somme de 3 000 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

"aux motifs qu' "aux termes du certificat médical établi le 29 septembre, lendemain des faits, il était constaté sur la personne de Bruno Y... un nouveau traumatisme du genou avec hématome et douleurs justifiant 15 jours de soins ; que deux témoins étaient entendus dans le cadre de l'enquête initiale, MM. Z... et A... ; qu'aucun de ces deux témoins ayant assisté à cette scène, n'avait vu Thierry X... frapper au genou Bruno Y... ; qu'en revanche, tous deux faisaient état du coup de poing porté à la face par Bruno Y... qui avait occasionné la chute de Thierry X... ; qu'aux termes des constatations et des conclusions du rapport d'expertise ordonné par le tribunal, il est indiqué par le Docteur B... "qu'en l'absence de témoignage direct, on ne peut affirmer que l'histoire clinique rapportée soit en relation directe, unique et certaine avec les faits du 28 septembre 1999, bien qu'un hématome local ait été constaté dès le lendemain par le Docteur Le C..., ainsi qu'un bris de matériel de ligamentoplastie lors de l'intervention du 12 octobre 1999 ; mais que les blessures décrites peuvent tout à fait trouver leur origine dans un coup de pied ; que la filiation entre un traumatisme et les soins chirurgicaux établie par le chirurgien qui l'a examiné, opéré et suivi est basée sur les constatations initiales (hématome-douleurs), la concordance du siège, l'absence de latence ou de pathologie interférente, la continuité de l'évolution, les constatations chirurgicales" ; que l'expert fixe l'incapacité temporaire totale du 28 septembre au 1er novembre 1999 ; qu'aux termes des témoignages recueillis lors du complément d'information, il ressort que seul un joueur, dont la présence est contestée, a vu la scène : que M. D... déclare effectivement être arrivé légèrement en retard au stade et confirme la version donnée par Bruno Y... ;

qu'il précise que du parking du stade, à environ une cinquantaine de mètres des faits, alors que Bruno Y... était de dos, il a vu Thierry X... lui porter un coup de pied, puis Bruno Y... riposter par un coup de poing ;

que M. E... situe l'arrivée de M. D... dans les minutes qui suivent l'altercation, alors que les autres joueurs, soit ne l'ont pas vu à l'entraînement, soit l'ont vu effectivement arriver après les faits ; que ces témoignages ne sont pas incompatibles avec la présence de M. D... sur le parking lors de l'altercation ; que tous précisent qu'en quittant les lieux Bruno Y... ne boitait pas, alors que M. E... précise que Bruno Y... lui a dit "il m'a fait mal au genou ce con" ; que le fait que Bruno Y... ne boitait pas en partant n'est pas contradictoire avec l'existence d'un coup de pied, car dans le feu de l'action, et avant que les effets n'apparaissent (hématomes, gonflement dans la nuit), la victime - énervée - peut marcher normalement ; que la discordance dans les déclarations de Bruno Y...

- devant les services de police - sur l'existence de douleurs immédiatement ressenties et - devant le tribunal - sur l'absence de celles-ci peuvent s'expliquer par la graduation dans l'évolution de cette douleur et dans le souvenir qu'il en a, plusieurs mois après ; que dans ces conditions, au regard des deux constats médicaux compatibles, la Cour retiendra la réalité de ce coup caractérisé par un hématome ; qu'ainsi, des coups ont bien été échangés, mais en l'absence d'éléments certains permettant de déterminer l'auteur du premier coup, la Cour retiendra leur simultanéité ; qu'au regard des circonstances ci-dessus rappelées (coups réciproques et simultanés), les éléments constitutifs de l'infraction de coups et blessures volontaires sont, en conséquence, réunis à l'égard de Thierry X... ; que chacun des protagonistes sera déclaré, en conséquence, entièrement responsable du préjudice subi par l'autre ; que sur le préjudice de Thierry X..., les dispositions relatives à l'expertise médicale, à la provision allouée et à l'article 475-1 du Code de procédure pénale seront confirmées ; qu'enfin, il apparaît équitable d'allouer à la partie civile 3 000 francs en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles en appel ; que sur le préjudice de Bruno Y..., au vu des pièces produites, son préjudice sera fixé à 8 000 francs au titre du pretium doloris et 5 000 francs au titre de son préjudice d'agrément découlant de la privation de la pratique du football pendant une saison ; qu'enfin, il apparaît équitable d'allouer à la partie civile 3 000 francs en réparation de tout ou frais de ces parties irrépétibles" (arrêt p. 5, 3ème à p. 7, 3ème ) ;

"alors que, premièrement, des motifs dubitatifs ou hypothétiques ne permettent pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle et ne peuvent fonder une condamnation ; qu'en l'espèce, pour retenir la réalité du coup de pied imputé à Thierry X... et l'existence d'un préjudice direct et certain en relation avec ce coup de pied, la Cour s'est fondée sur des constatations médicales dont elle a jugé qu'elle n'excluait pas la possibilité que les lésions présentées par Bruno Y... soient en relation avec un coup de pied ;

qu'en se déterminant ainsi sur la base de motifs hypothétiques, les juges du fond ont violé les articles susvisés ;

"alors que, deuxièmement, avant de déclarer une personne civilement responsable du dommage subi par la victime en raison de la faute de l'auteur, les juges du fond doivent, en vertu des principes de la responsabilité civile, s'assurer qu'un lien de causalité soit suffisamment établi et caractérisé entre la faute et le dommage ; qu'en l'espèce, en se fondant sur des constatations médicales qui n'excluaient pas la possibilité que les lésions présentées par Bruno Y... soient en relation avec un coup de pied ainsi que sur un témoignage controversé au sujet de la réalité du coup de pied fautif, les juges du fond n'ont pas suffisamment caractérisé le lien de causalité existant entre la faute reprochée et le dommage subi ; qu'en condamnant cependant Thierry X... à indemniser Bruno Y... pour le préjudice subi du fait du coup de pied allégué, sans s'assurer qu'un lien de causalité unissait la blessure au genou du premier et le coup de pied donné par le second, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous leurs éléments les faits retenus à la charge de Thierry X..., et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application, au profit de Bruno Y..., de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Arnould conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-81065
Date de la décision : 29/01/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, 12 décembre 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 jan. 2003, pourvoi n°02-81065


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.81065
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