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22/01/2003 | FRANCE | N°02-82969

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 janvier 2003, 02-82969


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux janvier deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SAMUEL et les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Alain,

- Y... Nicole,

contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, en d

ate du 22 novembre 2001, qui, pour banqueroute, a condamné le premier à 2 ans d'emprisonnement dont...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux janvier deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SAMUEL et les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Alain,

- Y... Nicole,

contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, en date du 22 novembre 2001, qui, pour banqueroute, a condamné le premier à 2 ans d'emprisonnement dont un an avec sursis et 2 250 euros d'amende, la seconde à deux ans d'emprisonnement avec sursis et 3 000 euros d'amende, les deux à 5 ans d'interdiction des droits civiques et civils, et à l'interdiction définitive de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 626-1 et L. 626-2 du Code de commerce, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Alain X... dirigeant de fait de la société Serca et l'a ainsi condamné, en cette qualité, du chef de banqueroute par tenue d'une comptabilité manifestement incomplète et irrégulière et détournement d'actifs à une peine de 2 ans d'emprisonnement dont un an avec sursis et de 2 250 euros d'amende et a prononcé à son encontre une interdiction d'exercer les droits civils et civiques pour une durée de 5 ans et une interdiction définitive de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ;

"aux motifs qu'Alain X..., loin de s'être cantonné dans l'animation du département GTI, est intervenu dans la direction et la gestion de l'entreprise à plus d'un titre ; outre le témoignage de Sylvain Z... qui a indiqué que, dès le début, il avait été convenu que les véritables dirigeants de la société Serca seraient Jacques A... et Alain X..., en attestent : les propres déclarations d'Alain X... selon lesquelles il a demandé et obtenu que le département 2 M, pour lequel il avait négocié le 1er août 1994 le protocole de partenariat avec M. B... qui continuait à exercer une activité indépendante, soit supprimé en janvier 1995, proposant de le remplacer par le département Espaces Verts dont il s'est également occupé ; sa participation aux assemblées générales et réunions, y compris l'assemblée générale du 11 juin 1996 au cours de laquelle il fut décidé de mettre fin à l'activité du département des espaces verts au sein de la société Serca et organisé son transfert vers la société DEV créée le 1er avril 1996 et dirigée par Nicole Y... ; la négociation, qu'il a conduite, du protocole d'étalement des dettes de la société Serca envers France Telecom en septembre 1995 ; la passation de deux contrats de location de véhicule en mai 1996 et juillet 1996 pour le compte de la société Serca utilisés par lui seul et dont Nicole Y... a déclaré ignorer l'existence ; son initiative dans un projet de rachat en décembre 1994 d'une entreprise Etablissements Gaullier pour le compte de la société Serca ;

l'établissement par lui d'un protocole entre sa société Alan Limited et la société Serca pour le développement de l'activité "travailleurs indépendants" sous l'enseigne Caser lui appartenant, ainsi qu'en atteste un courrier de Me Lussan disant "je suis en phase de terminer les différents projets de contrats et autres annexes qui vous m'avez demandé de réaliser au nom et pour le compte de la société Serca" ;

"alors, d'une part, que la gérance ou la direction de fait ne peut être imputée à un salarié que s'il est expressément établi que l'immixtion dans la gestion ou la direction d'une société a été faite en toute souveraineté et indépendance ; qu'en se bornant à relever qu'Alain X..., salarié, était "intervenu dans la direction et la gestion de l'entreprise", sans établir que ces interventions avaient eu lieu hors de l'exercice du lien de subordination inhérent à son contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"alors, d'autre part, que le délit de banqueroute suppose que l'auteur de l'infraction ait été dirigeant de droit ou de fait à la période au cours de laquelle ont été accomplis les actes de banqueroute ; que l'arrêt attaqué, qui ne relève, pour la période postérieure à la cessation de paiement, fixée au 4 décembre 1995, que la participation d'Alain X... à des assemblées générales et à des réunions ainsi que la location par ses soins de véhicules au nom de la société, ne caractérise en rien une immixtion de ce dernier dans la gestion et la direction de la société justifiant l'imputation des actes visés par la prévention ; qu'en conséquence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 626-1 et L. 626-2 du Code de commerce, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Nicole Y... dirigeant de fait de la société Serca et l'a ainsi condamnée, en cette qualité, du chef de banqueroute par tenue d'une comptabilité manifestement incomplète et irrégulière et détournement d'actifs à une peine de 2 ans d'emprisonnement avec sursis et de 3 000 euros d'amende, et a prononcé à son encontre une interdiction d'exercer les droits civils et civiques pour une durée de 5 ans et une interdiction définitive de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ;

"aux motifs que Nicole Y... a effectué, le 17 avril 1996, un prélèvement de 56 000 francs sur le compte de la société Serca pour faire échec, selon ses dires, à un avis de tiers détenteur reçu ; en outre, Nicole Y... a passé une commande pour le compte de la société Serca qui s'est élevée à la somme de 53 426 francs, la facture étant datée du 13 février 1996 (...) ; elle a continué à assister aux assemblées générales et réunions postérieurement à sa démission (...) ; (elle) a conservé par devers elle les écritures comptables de l'année 1995 (...) ; selon un courrier du 30 mai 1996, elle a demandé expressément à M. C... que l'assemblée générale soit reportée (...) ;

"alors que les actes qualifiés de détournement sont par nature dénués de toute contrepartie pour la société et étrangers à la gestion et à la direction de cette dernière et ne peuvent, par voie de conséquence, constituer des actes caractérisant la direction de fait de cette société ; qu'en conséquence, l'arrêt attaqué ne peut retenir comme élément caractérisant la direction de fait le retrait effectué sur un compte de la société et la commande passée au nom de cette dernière dès lors que ces actes sont par la suite qualifiés de détournement d'actifs ; que, par suite, en se bornant à constater une rétention des écritures comptables de l'exercice 1995, acte insusceptible de constituer un acte de gestion relatif à l'exercice 1996, ainsi que la présence de Nicole Y... au cours d'assemblées générales et une demande de report d'une de ces assemblées, actes inopérants à établir la prise d'une part active à la direction de la société, la cour d'appel n'a constaté aucun élément de nature à caractériser la direction de fait de la société Serca par Nicole Y... et a privé sur ce point sa décision de base légale" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 621-1, L. 626-1 et L. 621-2 du Code de commerce, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a fixé au 4 décembre 1995 la date de cessation de paiement de la société Serca et a déclaré Nicole Y... et Alain X... coupables de banqueroute pour avoir, de juin 1994 à septembre 1996 tenu une comptabilité manifestement incomplète et irrégulière et détourné, postérieurement au 4 décembre 1995, des actifs de la société Serca et les a condamnés pour la première à une peine de 2 ans d'emprisonnement avec sursis et de 3 000 euros d'amende, pour le second à une peine de 2 ans d'emprisonnement dont un an avec sursis et de 2 250 euros d'amende, et a prononcé à leur encontre une interdiction d'exercer les droits civils et civiques pour une durée de 5 ans et une interdiction définitive de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ;

"aux motifs qu'il résulte du procès-verbal de l'assemblée générale du 4 décembre 1995 qu'à cette date, le manque de chiffre d'affaires de la société Serca ne permettait plus de faire face aux charges de la société ; que cet état de cessation de paiements de la société Serca à cette date du 4 décembre 1995 est encore confirmée par divers éléments figurant dans le rapport du mandataire liquidateur, duquel la Cour relève notamment que la taxe sur la valeur ajoutée due au titre des mois d'août, septembre, novembre 1995 n'avait pas été réglée, que trois salariées n'avaient pas été rémunérées en novembre 1995 et, par les propos tenus par Nicole Y... dans un courrier du 10 novembre 1995, "j'ai en effet sans succès, à plusieurs reprises, attiré votre attention sur le chiffre d'affaires insuffisant que nous réalisions" ;

"alors que la cessation de paiement résulte de l'impossibilité pour l'entreprise de faire face au passif exigible avec l'actif disponible ; que l'absence de paiement et la diminution du chiffre d'affaires ne sont pas des éléments de nature à établir que l'actif disponible est inférieur au passif exigible ; qu'en se bornant à relever l'absence de règlement de la taxe sur la valeur ajoutée, l'absence de paiement de trois salaires et la diminution du chiffre d'affaires, sans établir quel était l'actif disponible et si cet actif était inférieur au passif exigible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 626-2 du Code de commerce, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Nicole Y... et Alain X... coupable de banqueroute par tenue manifestement incomplète ou irrégulière de comptabilité et les a condamnés pour la première à une peine de 2 ans d'emprisonnement avec sursis et de 3 000 euros d'amende, pour le second à une peine de 2 ans d'emprisonnement dont un an avec sursis et de 2 250 euros d'amende, et a prononcé à leur encontre une interdiction d'exercer les droits civils et civiques pour une durée de 5 ans et une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ;

"aux motifs qu'outre les déclarations de Nicole Y... qui a concédé que la comptabilité au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1995 n'avait pas été tenue régulièrement, la Cour relève à cet égard les déclarations de M. Yves D..., désigné commissaire aux comptes de la société Serca dès sa création qui démontrent que les documents comptables (...) n'ont pas été tenus et les déclarations de M. Eric E..., l'expert comptable, qui attestent d'une tenue lacunaire de la comptabilité et manifestement incomplète et irrégulière ; dans son audition du 3 mars 1998, M. D... indique que, le 21 juin 1995, n'ayant eu aucun document de cette société, alors que l'arrêté d'exercice était initialement prévu au 31 décembre 1994, il avait appris de Nicole Y... que la date de clôture de l'exercice avait été reportée au 31 décembre 1995 (...), qu'il n'avait pu obtenir de réelles informations sur la tenue de la comptabilité qu'en juin 1996 et il ajoutait ceci "au cours de l'assemblée générale du 11 juin 1996, lors de la conversation, il est vite apparu que la comptabilité n'était ni fiable ni à jour, du fait du manque de pièces comptables (...)" ; que M. D... précisait que les réponses obtenues n'avaient pu être comparées avec la "balance - fournisseurs" qui n'était pas produite, qu'il n'avait jamais pu avoir accès à la comptabilité de la société Serca et il estimait "qu'un flou artistique" avait été entretenu au niveau de la comptabilité ;

M. E... déclarait dans sa déposition du 6 mars 1998 : "les principales difficultés que j'ai pu rencontrer étaient les écritures comptables incomplètes, parfois non appuyées des justificatifs nécessaires (...) ; les déclarations de MM. D... et E... sont corroborées par les énonciations figurant au procès-verbal de la réunion de l'assemblée générale extraordinaire le 11 juin 1996 et par le fax daté du 12 juin 1996 adressé par M. E... à Jacques A... dans lequel l'expert comptable rappelait entre autre qu'il était urgent de faire le nécessaire pour connaître les sommes dues par les clients et dues aux fournisseurs (...) et dans lequel il dénonçait le manque de fiabilité des écritures (...) ; ces éléments démontrent incontestablement que la tenue de la comptabilité de la société Serca, dépourvue de toute crédibilité, était manifestement incomplète ou irrégulière ;

"alors que le délit de banqueroute visé par l'article L. 626-2-5 du Code de commerce suppose la tenue d'une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière d'une entreprise en état de cessation de paiement ; qu'en retenant à l'encontre des prévenus le délit de banqueroute pour ne pas avoir tenu de comptabilité de la société Serca, sans déterminer les exercices comptables concernés, la date des actes reprochés aux prévenus et, par voie de conséquence, le caractère postérieur à la date de cessation de paiement de ces mêmes actes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 111-4 du Code pénal, L. 626-5 du Code de commerce ;

"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé à l'encontre de Nicole Y... et d'Alain X... une interdiction définitive de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ;

"alors que seule l'interdiction temporaire, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une activité professionnelle peut être prononcée à l'encontre de personnes déclarées coupables de banqueroute" ;

Attendu qu'en prononçant à l'encontre d'Alain X... et Nicole Y... l'interdiction définitive de diriger, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale, la cour d'appel n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient des articles L. 626-6 et L. 625-8 du Code de commerce, et 131-27 du Code pénal ;

Que le moyen ne peut, dès lors, être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Samuel conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-82969
Date de la décision : 22/01/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, 22 novembre 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 jan. 2003, pourvoi n°02-82969


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.82969
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