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21/01/2003 | FRANCE | N°99-10248

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 janvier 2003, 99-10248


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi incident relevé par la Société générale de banque aux Antilles que sur le pourvoi principal formé par M. X..., M. et Mme Y... et Mme Z... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 22 juin 1998), que la Société générale de banque aux Antilles (la banque) a consenti à la société Sagatour (la société) deux prêts, le premier, daté du 15 septembre 1983, d'un montant de 1 000 000 francs, le second, daté du

1er septembre 1990, d'un montant de 2 800 000 francs, ainsi qu'une ouverture de crédi...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi incident relevé par la Société générale de banque aux Antilles que sur le pourvoi principal formé par M. X..., M. et Mme Y... et Mme Z... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 22 juin 1998), que la Société générale de banque aux Antilles (la banque) a consenti à la société Sagatour (la société) deux prêts, le premier, daté du 15 septembre 1983, d'un montant de 1 000 000 francs, le second, daté du 1er septembre 1990, d'un montant de 2 800 000 francs, ainsi qu'une ouverture de crédit en compte courant ; que M. X..., M. et Mme Y... et Mme Z... (les cautions) se sont portés cautions solidaires des engagements pris par la société ; que la société ayant été mise en redressement judiciaire le 17 juin 1994, la banque a assigné les cautions en paiement de diverses sommes qui lui seraient dues ; que le tribunal a rejeté les demandes de la banque ; que devant la cour d'appel, certaines des cautions, invoquant les fautes de la banque commises lors de l'octroi des prêts, ont sollicité le paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que les cautions font grief à l'arrêt de les avoir condamnées au titre du premier des prêts, aux sommes de 492 689,17 francs pour M. X... et Mme Z..., de 366 373,42 francs pour les époux Y..., avec intérêts contractuels, alors, selon le moyen, qu'en présence, dans l'acte de prêt, d'une divergence entre le nombre des semestrialités (10) et la date de la dernière échéance (15 septembre 1994), il appartenait aux juges du fond de restituer au texte sa cohérence par une recherche motivée de l'intention des parties ; qu'en déclarant que l'erreur commise par celles-ci portait sur la date de la dernière échéance, écartant ainsi une erreur, également possible, sur le nombre des semestrialités, sans assortir cette affirmation du moindre motif de nature à la justifier, bien qu'elle fusse controversée, l'arrêt attaqué n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 56 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, par une décision motivée, a retenu que la dernière échéance du prêt était exigible le 15 septembre 1993, soit antérieurement à la décision d'ouverture du redressement judiciaire ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du même pourvoi :

Attendu que les cautions font encore grief à l'arrêt de les avoir condamnées à payer à la banque, au titre du découvert en compte courant, la somme de 767 433 francs plus les intérêts, alors, selon le moyen, que l'arrêt constate, d'un côté, que la société, débiteur principal, bénéficiait d'une autorisation de découvert de 1 000 000 francs, que cette autorisation avait été utilisée à hauteur de 767 433 francs et que la banque avait mis la société en demeure de régulariser le compte, sous peine de clôture, le 18 juillet 1994, de l'autre, que cette société a été placée en redressement judiciaire le 7 juin 1994 ; qu'il suit de là que le solde du compte courant, inférieur au montant du découvert, n'était devenu exigible qu'à une date postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective et qu'il ne pouvait, dès lors, être réclamé aux cautions ; qu'en prononçant les condamnations précitées à leur encontre, l'arrêt n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences qu'elles comportaient, violant ainsi les dispositions de l'article 56 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que, dans leurs conclusions d'appel, les cautions se bornaient à invoquer l'absence de justificatifs de la créance de la banque ainsi que l'absence de clôture du compte courant et de stipulation d'un taux d'intérêt ; qu'il en résulte que le moyen, qui est mélangé de fait et de droit, est nouveau, et donc irrecevable ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches, du même pourvoi :

Attendu que les cautions font enfin grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande de dommages-intérêts formée contre la banque, alors, selon le moyen :

1 ) que s'agissant du prêt de 2 800 000 francs, la banque ne pouvait sans engager sa responsabilité à leur égard, consentir un prêt dans des conditions dont il n'est pas contesté qu'elles aient été risquées, en se bornant à invoquer l'intérêt général de la reconstruction du département ; qu'en admettant que le prêt, d'un montant important, avait été conclu dans des conditions moins rigoureuses qu'à l'ordinaire, ce dont il résultait que la banque avait fait courir des risques aux cautions, sans constater qu'elles en aient été prévenues et y aient consenties, puis en écartant néanmoins la responsabilité de celleci, l'arrêt attaqué n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions des articles 1134, 1184 et 1382 du Code civil ;

2 ) que s'agissant du solde du compte courant, l'arrêt ne pouvait, sans se contredire relever qu'après avoir consenti, temporairement, un découvert de 1 000 000 francs à la société en 1992, découvert qui devait être immédiatement réduit à 500 000 francs, la banque n'avait rien fait jusqu'au 18 juillet 1994 pour mettre en demeure l'emprunteur de régulariser la situation, constatant ainsi son inaction prolongée, et, en même temps, exonérer la banque de toute responsabilité au prétexte qu'elle n'avait eu cesse de réclamer le retour à une situation normale ; qu'il suit de là que l'arrêt a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'il ne résulte ni des conclusions, ni de l'arrêt, que le grief invoqué dans la première branche ait été soutenu devant la cour d'appel ; que le moyen, qui est mélangé de fait et de droit, est donc nouveau ;

Attendu, d'autre part, que c'est sans contradiction que l'arrêt, après avoir constaté que la société avait été mise en demeure le 18 juillet 1994 de régulariser le compte courant sous peine de clôture de ce compte à la date du 16 septembre 1994, a relevé que la banque n'avait eu de cesse de réclamer à la société de réduire son découvert ;

D'où il suit qu'irrecevable en sa première branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir dit que les cautions n'étaient pas tenues au paiement des intérêts au taux contractuel échus après le 17 juin 1994, date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société, alors, selon le moyen, que lorsqu'un prêt ou une ouverture de crédit en compte courant est consenti pour une durée supérieure à un an, le cours des intérêts n'est pas arrêté par l'ouverture de la procédure collective du débiteur ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que le prêt de 1 000 000 francs était remboursable en cinq ans, que le prêt de 2 800 000 francs et l'ouverture de crédit en compte courant ont été consentis pour une durée supérieure à un an ;

qu'en décidant que les intérêts afférents à ces crédits étaient arrêtés en raison de l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société, la cour d'appel a violé l'article 55 de la loi du 25 janvier 1985, dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 juin 1994, applicable à l'espèce ;

Mais attendu que le moyen qui est exclusivement dirigé contre un motif de l'arrêt est par là même irrecevable ;

Sur le second moyen du même pourvoi :

Attendu que la banque fait encore grief à l'arrêt d'avoir décidé qu'elle devait être déchue des intérêts sur les sommes dues par les époux Y... en exécution de leurs engagements de caution, alors, selon le moyen, qu'elle avait versé aux débats trois courriers par lesquels elle a informé les époux Y... conformément aux dispositions de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 ; que ces courriers étaient non seulement visés dans ses conclusions mais également mentionnés sur le bordereau de pièces communiquées le 1er juillet 1997 ; qu'en décidant qu'elle ne justifiait pas avoir informé les époux Y... conformément à l'article 48 précité, sans examiner les pièces soumises à son examen, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir relevé, au vu des courriers produits aux débats par la banque, que celle-ci avait informé M. X... conformément aux dispositions de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, la cour d'appel a retenu dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la banque n'établissait pas qu'elle ait envoyé cette même information aux époux Y... ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en ses trois branches, du même pourvoi :

Attendu que la banque fait en outre grief à l'arrêt d'avoir décidé qu'en ce qui concerne le prêt de 2 800 000 francs, les cautions n'étaient tenues de payer que les échéances exigibles à la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire du débiteur principal, alors, selon le moyen :

1 ) que le juge est tenu de respecter, en toutes circonstances, le principe du contradictoire ; qu'en l'espèce, les cautions n'avaient pas soutenu qu'elle aurait renoncé à la déchéance du terme prononcée en février 1993 ; qu'en soulevant d'office le moyen tiré de cette renonciation, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) que la déchéance du terme produit un effet immédiat auquel le créancier ne peut renoncer ; qu'en décidant qu'elle avait renoncé à se prévaloir de la déchéance du terme qu'elle avait prononcée en février 1993, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

3 ) que les cautions sont tenues au paiement de toutes les sommes dues par le débiteur principal, même si ces sommes sont devenues exigibles après que celui-ci a été déclaré en redressement judiciaire ; qu'en refusant de condamner les cautions à lui payer les échéances du prêt échues postérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société, débitrice principale, la cour d'appel a violé l'article 56 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble l'article 2011 du Code civil ;

Mais attendu qu'en l'état des conclusions de la banque qui soutenait qu'elle s'était prévalue de la clause d'exigibilité anticipée et que le prêt litigieux était devenu exigible avant le redressement judiciaire de la société, l'arrêt retient que si la banque avait menacé la société de déchéance du terme, laquelle devait intervenir au cours du mois de février 1993, le courrier adressé par elle le 8 août 1994 à la société et les termes de sa déclaration de créance démontrent que celle-ci n'a pas appliqué cette déchéance ; qu'il en déduit qu'en application de l'article 56 de la loi du 25 janvier 1985, la banque ne pouvait réclamer aux cautions des sommes qui n'étaient pas échues pour le débiteur principal au jour de l'ouverture du redressement judiciaire ; qu'en l'état de ses constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a pas violé le principe de la contradiction, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le quatrième moyen du même pourvoi :

Attendu que la banque fait enfin grief à l'arrêt d'avoir limité le montant de la condamnation des cautions au titre du prêt de 2 800 000 francs à la somme de 1 089 684,92 francs, représentant les trimestres échus majorés des intérêts échus au 24 mai 1994 et d'avoir refusé de condamner les cautions à supporter les intérêts échus entre le 25 mai 1994 et le 17 juin 1994, date de l'ouverture du redressement judiciaire de la société, alors, selon le moyen, qu'en statuant ainsi, sans motiver sa décision sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en retenant comme point de départ des intérêts la première mise en demeure justifiée adressée à chacune des cautions, la cour d'appel a motivé sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;

Condamne les demandeurs aux pourvois principal et incident aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Société générale de banque aux Antilles ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 99-10248
Date de la décision : 21/01/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), 22 juin 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 jan. 2003, pourvoi n°99-10248


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:99.10248
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