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21/01/2003 | FRANCE | N°00-44502;00-44697

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 janvier 2003, 00-44502 et suivant


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° X 00-44.502 et J 00-44.697 ;

Attendu que M. X... a été engagé en janvier 1987 par la Caisse des dépôts et consignations puis a été muté le 1er janvier 1989 dans sa filiale Sogeposte en qualité de chargé d'études ;

qu'il a bénéficié d'un congé pour formation du 13 septembre 1993 au 31 décembre 1994 ; qu'à son retour, il a rempli des fonctions de responsable du contrôle des risques et de la déontologie ; qu'il a été

élu délégué du personnel le 6 mai 1997 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale, le 7 juillet...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° X 00-44.502 et J 00-44.697 ;

Attendu que M. X... a été engagé en janvier 1987 par la Caisse des dépôts et consignations puis a été muté le 1er janvier 1989 dans sa filiale Sogeposte en qualité de chargé d'études ;

qu'il a bénéficié d'un congé pour formation du 13 septembre 1993 au 31 décembre 1994 ; qu'à son retour, il a rempli des fonctions de responsable du contrôle des risques et de la déontologie ; qu'il a été élu délégué du personnel le 6 mai 1997 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale, le 7 juillet 1997, de demandes en paiement de primes d'objectifs pour la période allant de 1992 à 1997, de primes de produits pour l'année 1992 et de dommages-intérêts pour résistance abusive au paiement de ces primes ; que, le 9 septembre 1997, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur en raison des manquements de ce dernier dans le paiement de ses primes et au regard de sa situation dans l'entreprise ; qu'il a alors présenté des demandes complémentaires en paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement, d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur des représentants du personnel, devant le conseil de prud'hommes saisi ;

que, le 15 septembre 1997, l'employeur a pris acte de sa démission ;

Sur le pourvoi de la société Sogeposte :

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Sogeposte fait grief à l'arrêt attaqué de la condamner au paiement de primes d'objectifs, de primes de produits, d'indemnités de licenciement et de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1 / que les juges du fond, qui ne peuvent procéder par voie d'affirmations, sont tenus de préciser sur quels éléments de preuve ils se fondent ; qu'en se bornant à affirmer que le défaut de règlement de la prime d'objectifs de l'année 1992 résulterait de toutes les pièces qu'elle verse aux débats afférentes au paiement de cette prime aux salariés sans apporter la moindre précision permettant de déterminer sur quelles pièces elle s'est fondée, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / qu'en énonçant encore qu'il résulte d'un document interne qu'un bilan formel de l'activité et des résultats de la période doit être établi entre le responsable hiérarchique et son collaborateur, ceux-ci devant définir des objectifs qui peuvent être liés à l'emploi ou au plan d'action du service auquel appartient le collaborateur, la cour d'appel a encore violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions d'appel par lesquelles la société Sogeposte faisait valoir qu'aucune prime ne pouvait être allouée à M. X... pour les années 1995, 1996 et 1997, époque à laquelle ce dernier exerçait les fonctions de responsable de la déontologie et des risques, ses résultats étant non qualitatifs et les attentes de son employeur étant différentes de celles fixées pour un collaborateur ayant des responsabilités directement opérationnelles, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

4 / qu'en affirmant, en toute hypothèse, que M. X... avait droit à la réparation de la perte de chance subie du fait de l'absence d'établissement du contrat d'objectif, la demande à cet égard étant "nécessairement incluse dans la demande formée pour résistance abusive dans le paiement des primes qu'il a formée", la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

5 / qu'en relevant d'office le moyen tiré de la perte de chance résultant de l'absence d'établissement de contrat d'objectif, sans provoquer les explications préalables des parties, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction en violation de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

6 / qu'au surplus, la cour d'appel a relevé que l'employeur était en droit de ne pas allouer de primes d'objectifs qu'il attribue de façon discrétionnaire au vu des résultats obtenus au cours d'une année entière ;

qu'en accordant à M. X... réparation de la perte de chance d'obtenir une telle prime au titre de l'année 1997, bien qu'elle ait constaté que M. X... avait pris l'initiative de rompre le contrat de travail le 9 septembre 1997, la cour d'appel a violé l'article L. 140-1 du Code du travail et l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, sans encourir les griefs des trois premières branches du moyen, a pu décider que la prime d'objectif de l'année 1992 était due au vu du bulletin de salaire du salarié de décembre 1992, qu'une telle prime était fixée à la suite d'un entretien que l'employeur avait prévu aux termes d'un document interne qu'il ne pouvait ignorer et que cette prime n'était pas réservée aux seuls collaborateurs ayant des fonctions opérationnelles ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel était saisie de la demande d'indemnisation de la perte d'une chance de percevoir une prime d'objectifs dès lors que le salarié avait indiqué qu'en ne fixant pas les résultats à atteindre pour les années postérieures à 1993, l'employeur avait supprimé la possibilité pour lui de percevoir cette prime ; qu'en conséquence, l'indemnisation d'une perte de chance de recevoir cette prime était dans le débat et la cour d'appel n'a méconnu ni l'objet du litige, ni le principe du contradictoire ;

Et attendu, enfin, que cette perte de chance de percevoir la prime de l'année 1997 n'était que la conséquence du départ prématuré du salarié consécutif aux manquements de l'employeur qui ne saurait donc se prévaloir du paiement discrétionnaire de la prime au vu des résultats d'une année entière pour contester ce paiement ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Sogeposte fait encore grief à l'arrêt attaqué de la condamner au paiement de sommes à titre de primes d'objectifs et de produits, de dommages-intérêts et d'indemnités de licenciement, alors, selon le moyen, que nul ne peut se constituer de preuve à lui-même et que le juge ne peut fonder sa décision sur la seule allégation du demandeur ; qu'en affirmant dès lors qu'il convient au vu de la liste produite par M. X... de constater qu'elle reste lui devoir sept primes correspondant à des produits ayant obtenu l'agrément avant le 31 décembre 1992, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant constaté que la société Sogeposte avait admis l'existence d'un problème relatif aux primes de produits et se trouvait dans l'impossibilité de fournir avec précision les produits pour lesquels la prime avait été versée, a tiré les conséquences de la carence de l'employeur dans l'administration de la preuve ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Sogeposte fait enfin grief à l'arrêt de retenir le licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1 / que la cassation à intervenir sur le premier et le deuxième moyens de cassation emportera, par voie de conséquence, celle de l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société Sogeposte au paiement de sommes au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / qu'en toute hypothèse, l'inexécution par l'employeur de ses obligations n'entraîne pas la rupture du contrat de travail que si le salarié ne réclame pas l'exécution du contrat ; que la cour d'appel, qui a considéré que la rupture du contrat de travail serait imputable à l'employeur faute pour celui-ci d'avoir réglé l'intégralité des primes de produits dues au titre de l'année 1992 ainsi que la prime d'objectifs 1992, a relevé que le salarié avait poursuivi l'exécution de son contrat de travail jusqu'en 1997 ; qu'en s'abstenant de tirer les conséquences légales de ses constatations, d'où il résultait que la rupture du contrat de travail n'était pas imputable à l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, sans encourir les griefs du moyen, ayant constaté l'absence de paiement de la prime d'objectifs pour l'année 1992 et des primes de produits pour l'année 1992, a estimé, dans l'exercice du pouvoir qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, que le manquement de l'employeur à ses obligations était à l'origine de la rupture du contrat de travail et s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le pourvoi de M. X... :

Vu l'article L. 425-1 du Code du travail ;

Attendu que pour rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur des représentants du personnel présentée par M. X..., la cour d'appel a dit que l'initiative de la rupture avait été prise par le salarié qui avait attendu d'être élu délégué du personnel pour saisir le conseil de prud'hommes alors que l'inexécution du contrat dont il se prévalait était bien antérieure à son élection, et elle en a déduit que la violation du statut protecteur n'avait pas été invoquée de bonne foi ;

Attendu cependant que le licenciement d'un délégué du personnel ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ;

D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, alors, d'une part, qu'elle avait décidé que la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement du fait de l'inexécution par l'employeur de ses obligations contractuelles, et alors, d'autre part, que ce licenciement intervenu en violation du statut protecteur était nul, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la fraude du salarié, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi de la société Sogeposte ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives à l'octroi de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur de M. X..., l'arrêt rendu le 7 juin 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la société Sogeposte aux dépens des pourvois ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Sogeposte à payer à M. X... la somme de 2 200 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 00-44502;00-44697
Date de la décision : 21/01/2003
Sens de l'arrêt : Rejet et cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

REPRESENTATION DES SALARIES - Règles communes - Contrat de travail - Licenciement - Mesures spéciales - Domaine d'application - Rupture du contrat de travail d'un salarié protégé imputable à l'employeur pour inexécution de ses obligations contractuelles .

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Salarié protégé - Mesures spéciales - Autorisation administrative - Défaut - Effets - Nullité du licenciement

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Nullité - Cas - Salarié protégé - Mesures spéciales - Inobservation

REPRESENTATION DES SALARIES - Règles communes - Contrat de travail - Licenciement - Mesures spéciales - Autorisation administrative - Défaut - Portée

REPRESENTATION DES SALARIES - Règles communes - Statut protecteur - Limite

Le licenciement d'un délégué du personnel ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail.. Dès lors, une cour d'appel qui décide que la rupture du contrat de travail d'un salarié protégé s'analyse en un licenciement du fait de l'inexécution par l'employeur de ses obligations contractuelles, sans caractériser de fraude de la part du salarié, doit constater que ce licenciement, intervenu en violation du statut protecteur, est nul en application de l'article L. 425-1 du Code du travail.


Références :

Code du travail L425-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 07 juin 2000

A RAPPROCHER : Chambre sociale, 1991-02-12, Bulletin 1991, V, n° 64, p. 90 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 jan. 2003, pourvoi n°00-44502;00-44697, Bull. civ. 2003 V N° 13 p. 12
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2003 V N° 13 p. 12

Composition du Tribunal
Président : M. Sargos .
Avocat général : Mme Barrairon.
Rapporteur ?: Mme Maunand.
Avocat(s) : M. Choucroy, la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:00.44502
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