AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze janvier deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARON et les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Michel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 10ème chambre, en date du 30 avril 2002, qui, pour agression sexuelle, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 222-22, 222-27 du Code pénal, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, contradiction de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X... coupable du délit d'agression sexuelle et, en répression, l'a condamné à la peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis ;
"aux motifs repris des premiers juges que, la réalité d'une relation de type flirt avec Laurence Y... est reconnue par Michel X... ; que l'examen mental de la victime révélait que celle-ci présentait un trouble psychosomatique et démontrait l'existence d'une contrainte morale ; qu'en effet la peur de Laurence Y... de perdre son emploi l'avait empêchée de repousser avec toute l'énergie nécessaire et opportune les avances de son employeur ; que Michel X... admettait à l'audience que ces gestes étaient déplacés ; que Laurence Y... lui a résisté le 24 septembre 2000 en esquivant un baiser sur la bouche ; que le prévenu reconnaissait avoir vécu des moments agréables avec elle et espérait avoir une relation plus intime ; qu'il est manifeste que tous ces gestes avaient pour but de satisfaire sa lubricité et par suite une connotation sexuelle certaine ; qu'en outre l'examen médical du prévenu montre qu'il était apte à apprécier l'existence de consentement de sa salariée ;
"alors que, d'une part, pour entrer en voie de condamnation du chef d'agression sexuelle, les juges doivent caractériser en quoi les atteintes sexuelles reprochées ont été commises avec violence, contrainte, menace ou surprise ; qu'en se bornant à relever l'existence d'une contrainte morale en la personne de la victime incapable de repousser les avances de son employeur ou encore le caractère déplacé des gestes commis sans constater que les atteintes avaient été commises par le prévenu avec violence, contrainte, menace ou surprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"alors que, d'autre part, la circonstance selon laquelle une personne ne consent pas à un acte ne suffit pas à caractériser en quoi les atteintes sexuelles ont été commises avec violence, contrainte, menace ou surprise, ces éléments constitutifs de l'infraction devant se déduire du comportement de l'auteur des atteintes et ne résultant ni de la conscience de l'auteur de commettre une atteinte sexuelle, ni davantage de la passivité de la personne visée ;
"alors qu'enfin, l'existence d'une relation de type "flirt" est exclusive d'une agression sexuelle et que la cour d'appel qui a constaté l'existence d'une telle relation ne pouvait entrer légalement en voie de condamnation" ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 222-22 du Code pénal ;
Attendu que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ;
Attendu que, pour déclarer Michel X..., gérant d'une agence immobilière, coupable d'agression sexuelle sur la personne de son assistante de direction, l'arrêt retient que la jeune femme, âgée de trente-trois ans, fragilisée par quatre années de chômage, qui vivait manifestement avec une peur maladive de perdre son emploi, n'a pas été en mesure de repousser avec toute l'énergie nécessaire et opportune les avances de son employeur, qui a lui-même reconnu, lors de son audition par la police et lors de sa confrontation avec la plaignante, avoir posé ses mains sur ses cuisses, l'avoir prise par le cou et lui avoir touché les seins ; que les juges ajoutent, d'une part, qu'il a reconnu avoir eu des gestes déplacés et s'être trompé sur les intentions de sa salariée, d'autre part, que les éléments relatifs à la personnalité du prévenu montrent qu'il était particulièrement apte à apprécier le vouloir de celle-ci ;
Mais attendu qu'en prononçant par ces motifs, qui ne caractérisent pas en quoi les attouchements auraient été commis avec contrainte, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 30 avril 2002, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Caron conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;