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15/01/2003 | FRANCE | N°02-82278

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 janvier 2003, 02-82278


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze janvier deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SASSOUST, les observations de la société civile professionnelle BOUTET, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Michel,

- Y... Jocelyne, épouse Z...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en d

ate du 22 février 2002, qui, notamment pour atteinte à l'intimité de la vie privée, les a condamnés,...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze janvier deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SASSOUST, les observations de la société civile professionnelle BOUTET, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Michel,

- Y... Jocelyne, épouse Z...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 22 février 2002, qui, notamment pour atteinte à l'intimité de la vie privée, les a condamnés, chacun, à 3 mois d'emprisonnement avec sursis, 5 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;

Sur le moyen unique de cassation, commun aux demandeurs, et pris de la violation des articles 226-1 et 226-2 du Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de base légale et de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Jocelyne Z... et Michel X... à trois mois d'emprisonnement avec sursis, à payer une amende de 5 000 francs et d'avoir à payer 5 000 francs à titre de dommages et intérêts aux époux A... ;

"aux motifs propres que les propriétés des époux A... et de Jocelyne Z... se font face et sont séparées par un passage commun desservant l'ensemble des fonds ; que dans le courant du mois de juillet 2000, les époux A... ont constaté que Jocelyne Z... et son compagnon avaient installé deux caméras tournées dans la direction de leur propre habitation pour enregistrer toutes les allées et venues se déroulant dans le passage commun à tous les riverains ainsi que vers la propre habitation des époux A... ; que si les consorts B... ne contestent pas l'implantation desdites caméras, ils contestent l'atteinte à la vie privée de leurs voisins, affirmant que l'une des caméras n'était pas alimentée, n'étant là que pour impressionner, et que la seconde avait été installée pour des raisons de sécurité ; qu'il est incontestable que les gendarmes ont constaté la présence de ces deux caméras, l'une implantée sous les gouttières était directement reliée au magnétoscope et à la télévision situés dans le bureau au premier étage et enregistrait tous les mouvements de personnes et de véhicules aussi bien dans la cour de l'habitation de Jocelyne Z... que sur le chemin commun et la cour publique donnant accès à tous les propriétaires ; que la seconde caméra dirigée vers la maison des époux A... comportait un fil d'alimentation et de vidéo mais n'était pas branchée au moment de l'intervention de la force publique ; qu'il est incontestable que ces deux caméras ont servi à "épier" les faits et gestes des époux A..., de leurs visiteurs ou des entreprises chargées des travaux

puisqu'ont été retrouvées au domicile des consorts B... treize cassettes vidéo VHS dont il est établi, de l'aveu même de Michel X..., qu'ils avaient enregistré les allées et venues dans la propriété A... ; que les prévenus reconnaissaient la conservation de ces cassettes qui de leur propre aveu leur servit de preuve ; que Michel X... précisait qu'il conservait ces enregistrements et portait des annotations concernant leur contenu ; que de plus et surabondamment, une voisine, Mme C..., confirmait que les consorts B... pénétraient quotidiennement dans la propriété A... prenant des photographies des divers travaux ; qu'elle précisait que "cela tournait littéralement à l'obsession" pour les consorts B... ;

"et aux motifs adoptés que la cour et le chemin filmés par la caméra constituent des lieux privés, peu important le fait que ces lieux soient en partie propriété de Jocelyne Z... ;

"alors, de première part, que les infractions incriminées aux articles 226-1 et 226-2 du Code pénal reposent sur la prise et la conservation d'images d'autrui ; que les juges du fond n'ont pas constaté que des images des époux A... avaient été prises ou conservées puisqu'ils n'ont pas visionné les cassettes dont s'agit ;

que dès lors, l'élément matériel de l'infraction n'a pas été constaté ;

"alors, de deuxième part, que Michel X... n'a jamais avoué avoir enregistré les allées et venues dans la propriété des époux A... et, notamment dans ses écritures d'appel, il soutenait que le champ de vision de la caméra placée sur la façade de la maison s'arrêtait précisément au portail de la propriété de ces derniers (conclusions d'appel page 5, 7ème alinéa et in fine) ; qu'en lui imputant des aveux contraires, la cour d'appel a dénaturé les écritures de Michel X... ;

"alors, de troisième part, que le lieu privé visé par l'article 226-1 du Code pénal s'entend du domicile de la personne dont l'image a été fixée ou enregistrée ; que la caméra installée sur la façade de la maison des consorts B... ne pouvait prendre des images qu'à l'intérieur de la propriété de Jocelyne Z... et sur un chemin et une cour donnant accès à l'ensemble des propriétés mitoyennes, excluant de son champ de vision la propriété des époux A... ; que faute d'avoir constaté que les époux A... ont été filmés à leur insu dans leur propriété, et en retenant que les infractions poursuivies étaient constituées du seul fait que le chemin et la cour étaient privatifs, bien qu'ouverts au public, la cour d'appel a violé les textes précités ;

"alors, de quatrième part, que l'infraction d'atteinte à l'intimité de la vie privée et l'infraction, qui lui est liée, de conservation d'images résultant d'une atteinte à l'intimité de la vie privée sont des infractions reposant sur un dol spécial ; que les consorts B... n'avaient jamais nié avoir filmé, au moyen d'une caméra placée sur la façade de leur maison d'habitation, les allées et venues des personnes et notamment des entreprises qui traversaient la propriété de Jocelyne Z..., de même que circulant sur le chemin et la place donnant accès à l'ensemble des propriétés voisines, mais ils précisaient que la caméra ne se déclenchait que par le franchissement du portail ouvrant sur la propriété de Jocelyne Z..., dans le seul but de surveiller un lieu où divers vols s'étaient déjà perpétrés par le passé et pour se constituer un élément de preuve de la violation perpétuelle de leur propriété à produire dans le cadre d'une instance judiciaire ; que dès lors, sans mieux s'en expliquer et sans faire de plus amples recherches, la Cour n'a pas caractérisé l'élément intentionnel des consorts B... ;

"alors, de cinquième et dernière part, que la prise de clichés photographiques d'un chantier en cours, même situé sur une propriété privée, ne constitue pas l'infraction d'atteinte à l'intimité de la vie privée dès lors qu'aucune personne physique ne figure dessus ; que la cour d'appel a fondé sa décision sur le témoignage d'une voisine déclarant que Jocelyne Z... et Michel X... se rendaient sur le chantier se trouvant dans la parcelle des époux A..., en l'absence de ces derniers, afin de prendre des photographies du chantier ; qu'en retenant leur culpabilité sur cet élément inopérant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des principes précités" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les infractions dont elle a déclaré les prévenus coupables, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Sassoust conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-82278
Date de la décision : 15/01/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ATTEINTE A LA VIE PRIVEE - Eléments constitutifs - Elément légal - Enregistrement des allées et venues dans une propriété voisine.


Références :

Code pénal 226-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, 22 février 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 jan. 2003, pourvoi n°02-82278


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.82278
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