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15/01/2003 | FRANCE | N°02-81008

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 janvier 2003, 02-81008


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze janvier deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller KOERING-JOULIN et les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Ibrahima,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 4ème chambre, en date du 18 décembre 2001, qui, pour

entrée ou séjour irrégulier d'un étranger en France, faux et usage de faux document délivré p...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze janvier deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller KOERING-JOULIN et les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Ibrahima,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 4ème chambre, en date du 18 décembre 2001, qui, pour entrée ou séjour irrégulier d'un étranger en France, faux et usage de faux document délivré par une administration publique, l'a condamné à 9 mois d'emprisonnement et 10 ans d'interdiction du territoire français ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 78-2, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité du contrôle d'identité ;

"aux motifs que le procès-verbal de saisine et d'interpellation du 4 janvier 1999 vise l'article 78-2, alinéa 3, du Code de procédure pénale et mentionne que les fonctionnaires de police, en procédant en gare de Bellegarde-sur-Valserine (Ain), ont procédé au contrôle d'identité d'un voyageur descendant d'un train en provenance d'Evian (Haute-Savoie) ; que, même si cette gare ne figure pas sur la liste fixée par l'arrêté du 23 mars 1995 désignant les lieux ouverts au trafic international, elle constitue le premier lieu de transit ferroviaire important entre la Suisse et la France ; que les services de police procèdent dans le périmètre considéré à de nombreuses interpellations quasi quotidiennes pour des faits d'entrée ou séjour irréguliers en France, et à de nombreuses autres infractions, "qu'ainsi le procès-verbal se réfère à une situation pérenne loin d'être abstraite mais objectivement constatée, relatant des infractions nombreuses et précises qui se sont réalisées dans le périmètre restreint du contrôle, opéré en l'occurrence sur le quai n° 1 de la gare à l'égard d'un voyageur descendant d'un train en provenance d'une ville frontalière, et justifie parfaitement des circonstances particulières établissant le risque sérieux et actuel d'une atteinte à l'ordre public qui a motivé ledit contrôle..." ;

"alors qu'aux termes de l'article 78-2, alinéa 3, du Code de procédure pénale, l'identité de toute personne ne saurait être contrôlée que pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes et des biens ; que l'arrêt attaqué, qui, pour rejeter l'exception de nullité du contrôle d'identité soulevée par le prévenu ayant fait l'objet d'un contrôle d'identité dans une gare à la descente du train, se réfère de manière abstraite à la situation géographique de cette gare, à de nombreuses infractions commises dans le "périmètre restreint du contrôle" et à une situation "pérenne", sans préciser en quoi la sûreté des personnes et des biens était immédiatement menacée lors du contrôle, a privé sa décision de base légale" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'Ibrahima X... a été interpellé, le 4 janvier 1999, vers 8 heures, à la gare de Bellegarde-sur-Valserine, par des fonctionnaires de la DDCILEC de l'Ain ;

que, pour justifier le contrôle d'identité de l'intéressé, les policiers énoncent dans leur procès-verbal, que "la position géographique particulière de la gare" susvisée, "première gare française sur le trajet Genève-Paris et gare de correspondance pour les voyageurs en provenance des lignes longeant la frontière franco-suisse" fait d'elle un "pôle d'attraction pour les individus ayant franchi clandestinement la frontière terrestre franco-suisse et désirant emprunter les transports ferroviaires à destination de Paris et de Lyon" ; qu'ainsi, "de nombreuses procédures" ont été établies par leur service "au cours des années précédentes, à un rythme pluri-hebdomadaire, pour des faits d'entrées ou de séjours irréguliers en France constatés sur des voyageurs en correspondance ou en partance sur les grandes lignes" ; qu'ils ajoutent avoir procédé "au contrôle d'identité d'un voyageur descendant du train en provenance d'Evian" ; qu'enfin, à l'issue de ce contrôle, l'intéressé, qui a déclaré spontanément être de nationalité comorienne, a été interpellé pour entrée ou séjour irrégulier en France, faute d'avoir été en mesure de présenter les pièces ou documents exigés ;

Attendu que, pour confirmer le jugement ayant rejeté l'exception de nullité du contrôle d'identité, la cour d'appel, après avoir rappelé les interpellations quasi-quotidiennes pratiquées pour des faits, non seulement d'entrée ou de séjour irrégulier en France mais aussi d'aide au séjour irrégulier, voire de trafics de stupéfiants, d'objets de valeur ou de faux documents administratifs organisés par des ressortissants français ou étrangers profitant de l' "intérêt stratégique" des lieux et ajouté que l'importance du trafic ferroviaire permet à "des individus arrivés clandestinement en France de passer inaperçus dans le flot des voyageurs en correspondance, y compris et surtout un 4 janvier à 8 heures", retient que le procès-verbal se réfère ainsi à "une situation pérenne, loin d'être abstraite mais objectivement constatée, relatant des infractions nombreuses et précises... réalisées dans le périmètre restreint du contrôle, opéré en l'occurrence sur le quai n° 1 de la gare à l'égard d'un voyageur descendant d'un train en provenance d'une ville frontalière, et justifie parfaitement des circonstances particulières établissant le risque sérieux et actuel d'une atteinte à l'ordre public" ayant motivé ledit contrôle ;

Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 4 et 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé à l'encontre d'Ibrahima X... l'interdiction du territoire national pour une durée de dix ans ;

"aux motifs que "Ibrahima X... étant de nationalité comorienne, il convient de prononcer son interdiction du territoire français pour une durée de dix ans ; qu'en effet, il est, pour les motifs déjà exposés, indispensable de prendre une mesure d'éloignement à l'égard d'un délinquant de nationalité étrangère s'étant établi en France à l'aide de faux papiers dont les agissements ont gravement troublé l'ordre public que chaque Etat doit sauvegarder ; que si Ibrahima X... vit en concubinage avec Mariana Y..., de nationalité française, s'il est père d'un enfant français né en France le 19 juin 2000, reconnu le 27 avril 2000 par anticipation, s'il produit déclaration conjointe aux fins d'exercice en commun de l'autorité parentale et dit subvenir effectivement aux besoins de l'enfant, ce dont il ne justifie pas, sa situation est radicalement différente de celle d'un étranger résidant régulièrement en France qui viendrait à commettre un délit ; que l'intéressé, confondu et condamné par un jugement rendu le 12 mars 1999 frappé d'appel par le ministère public le 15 mars 1999, ne peut être admis à éluder toute mesure d'éloignement en mettant à profit l'instance d'appel pour reconnaître prénatalement un enfant né au mois de juin 2000 alors qu'il se savait exposé à des poursuites des chefs notamment de séjour irrégulier sur le territoire national, d'obtention et d'utilisation de faux documents administratifs,

comportement s'interprétant comme un véritable détournement de la loi à des fins personnelles ; que, dans ces conditions, la mesure d'éloignement prononcée n'apporte aucune atteinte disproportionnée aux motifs tirés de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales" ;

"alors, d'une part, qu'en vertu de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que l'ingérence de l'autorité publique ne saurait être disproportionnée par rapport à la gravité des infractions poursuivies ; que la cour d'appel, qui prononce à l'encontre d'un prévenu condamné pour des infractions uniquement liées à son entrée et à son séjour irrégulier sur le territoire français, une interdiction de dix ans du territoire français, qui n'avait pas été prononcée par les premiers juges, a commis une ingérence rigoureuse et disproportionnée par rapport aux infractions poursuivies, la seule présence du prévenu sur le territoire français ne caractérisant pas en soi un trouble grave à l'ordre public, violant ainsi le texte susvisé ;

"et alors, d'autre part, qu'en qualifiant de détournement de la loi à des fins personnelles la conception, la naissance et reconnaissance d'un enfant français ainsi que l'exercice de l'autorité parentale par celui-ci émanant d'un étranger en situation irrégulière pour juger qu'il n'est pas fondé à opposer le droit à une vie familiale normale, garantie par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, à une peine complémentaire d'interdiction du territoire national, l'arrêt attaqué s'est ingéré dans la vie privée et familiale de l'intéressé et a porté atteinte à sa liberté individuelle" ;

Attendu que, pour condamner le prévenu à dix ans d'interdiction du territoire français, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les exigences de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

D'où il suit que le moyen doit être rejeté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Koering-Joulin conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-81008
Date de la décision : 15/01/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le premier moyen) CONTROLE D'IDENTITE - ContrCBle de police administrative - Etendue - Risque sérieux et actuel d'une atteinte à l'ordre public.


Références :

Code de procédure pénale 78-2

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 4ème chambre, 18 décembre 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 jan. 2003, pourvoi n°02-81008


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.81008
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