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14/01/2003 | FRANCE | N°02-86965

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 janvier 2003, 02-86965


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze janvier deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS et les observations de la société civile professionnelle BOUTET, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Bertrand,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 11 septembre 2002, qui, dans l'infor

mation suivie contre lui des chefs notamment d'abus de biens sociaux, abus de confiance, es...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze janvier deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS et les observations de la société civile professionnelle BOUTET, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Bertrand,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 11 septembre 2002, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs notamment d'abus de biens sociaux, abus de confiance, escroquerie, a prononcé sur sa requête en annulation de pièces de la procédure ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 18 novembre 2002, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 194, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

"en ce que l'arrêt attaqué a partiellement rejeté la requête en annulation de Bertrand X... ;

"alors, d'une part, qu'il résulte de l'article 194, alinéa 2, du Code de procédure pénale que la chambre de l'instruction doit statuer dans le délai de deux mois de la transmission du dossier au procureur général par le président de la chambre de l'instruction ;

que lorsqu'elle statue au-delà de ce délai, la chambre de l'instruction excède les pouvoirs qu'elle tient de ce texte ; qu'en l'espèce, par ordonnance du 17 mai 2002, le président de la chambre de l'instruction a ordonné la transmission du dossier au procureur général, que l'arrêt a été rendu plus de deux mois plus tard, à savoir le 22 septembre 2002 ; qu'ainsi, la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs ;

"alors, d'autre part, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable ; que Bertrand X... fait l'objet de procédures d'instruction ouvertes depuis plus de sept ans, ces procédures n'étant toujours pas closes ; que le 9 avril 2001, il a dû déposer une requête en annulation sur le fondement de l'article 173 du Code de procédure pénale, que le 17 mai 2001, le président de la chambre criminelle de la Cour de Cassation ordonnait la transmission du dossier, que le 24 mai 2002, le procureur général notifiait la date d'audience, que le 1er juin 2002, le dossier était déposé au greffe, que Bertrand X... a fait déposer un mémoire en réponse aux réquisitions du procureur général et qu'enfin la chambre de l'instruction n'a statué sur cette demande que le 11 septembre 2002, soit quinze mois après le dépôt de la requête en annulation ; que le délai d'instruction de cette requête n'a pas été raisonnable et ne repose sur aucune justification, aucun acte de procédure pris à l'initiative de Bertrand X... n'ayant ralenti le cours de la procédure, de sorte que la chambre de l'instruction a gravement violé le droit à un délai raisonnable garanti par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de sorte que l'arrêt doit être annulé sans renvoi, les droits de l'intéressé étant définitivement compromis" ;

Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que la chambre de l'instruction n'ait pas statué sur sa requête dans le délai de deux mois prévu par l'article 194, alinéa 2, du Code de procédure pénale, dès lors que ce délai est seulement indicatif et ne comporte aucune sanction ;

D'où il suit que le moyen, qui, en sa seconde branche, est nouveau et comme tel irrecevable, doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 40, 41, 75, 77, 80, 81, 173, 174, 206, 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;

"en ce que la chambre de l'instruction a partiellement rejeté la requête en annulation de Bertrand X... ;

"aux motifs que les premiers faits signalés au parquet, en lien avec l'activité de l'Ecole des cadres, objet d'une enquête préliminaire, ont été transmis pour enquête par soit-transmis du procureur de la République en avril 1995 ; qu'ils ont entraîné des investigations ayant amené la mise en examen de Bertrand X... le 5 juillet 1996, pour des faits de détournement de fonds publics, taxe d'apprentissage, complicité, recel et subornation de témoin ; que postérieurement à la saisine du procureur de la République pour ces faits, les commissaires aux comptes ont saisi, le 13 juin 1995, ce magistrat de faits différents, s'agissant d'anomalies dans le fonctionnement des sociétés, essentiellement la société Educinvest ; qu'une enquête diligentée sur ces faits a abouti à l'ouverture d'une information le 30 novembre 1995 pour abus de biens sociaux au préjudice des sociétés Educinvest, Egeide, Finege, abus de confiance au préjudice du groupement d'intérêt économique Baci FI, l'Afpce, escroquerie au préjudice de la C I Phoenix, faux et usage, complicité et recel ; qu'ainsi, le juge d'instruction était saisi de l'ensemble de ces faits d'abus de biens sociaux et pouvait, dès le 30 novembre 1995, étendre ses investigations à la recherche de l'utilisation des sommes provenant des abus de biens sociaux ; qu'il a d'ailleurs décerné commission rogatoire et ordonné une mission d'expertise comptable ; que le procureur de la République a, le 29 février 1996, dans le cadre de l'enquête préliminaire régulièrement menée sur d'éventuels détournements de fonds publics, donc sur des faits différents, autorisé les officiers de police judiciaire à effectuer des investigations sur des faits d'abus de biens sociaux et abus de confiance, alors que ces faits recoupaient les premiers faits dont le juge d'instruction avait été régulièrement saisi par réquisitoire du 30 novembre 1995 ; qu'à cette occasion, Bertrand X... a été placé en garde à vue et a été amené à s'expliquer sur des faits dont le juge était déjà saisi ; qu'au vu de cette enquête, le procureur de la République a ouvert, le 5 juillet 1996, une troisième information pour des faits d'abus de biens sociaux et abus de confiance, dont Bertrand X... a été mis en examen, et sur lesquels il s'est exprimé tant en première comparution que sur le fond ; que ces faits n'étant pas distincts des faits pour lesquels l'intéressé avait été initialement mis en examen, le 30 novembre 1995, les officiels de police judiciaire ne pouvaient agir dans le cadre d'une enquête préliminaire mais dans le seul cadre juridique d'une commission rogatoire, et ne pouvaient pas placer Bertrand X... en garde à vue alors qu'il était mis en examen et ne pouvait donc être entendu que par le magistrat instructeur, son avocat étant régulièrement convoqué ; que l'enquête préliminaire et la procédure ouverte à sa suite, le 5 juillet 1996, des chefs de faux, escroquerie, abus de biens sociaux et abus de confiance, sont irrégulières et doivent être annulées, et ce, ainsi qu'il sera dit au dispositif ; qu'en revanche, le juge d'instruction étant saisi dès le départ de l'information de l'ensemble des faits d'abus de biens sociaux, les opérations d'expertise comptable restent

régulières au regard des missions confiées aux experts, puisqu'effectuées dans le cadre de la saisine initiale du juge ;

"alors, d'une part, que les actes d'instruction accomplis au cours d'une enquête préliminaire sont nuls, lorsqu'ils sont effectués dans le but de procéder à des investigations sur des faits dont le juge d'instruction est saisi dans le cadre d'une procédure d'instruction distincte ; que Bertrand X... a été retenu en garde à vue du 3 au 5 juillet 1996 dans le cadre de l'enquête préliminaire n° SEF 531/95 relative à de prétendus détournements de fonds concernant l'Ecole des cadres ; qu'à cette occasion, les enquêteurs ont interrogé Bertrand X... sur des faits compris dans l'instruction qui était en cours à propos de diverses infractions éventuelles concernant le groupe Educinvest, de sorte que l'ensemble de la garde à vue était viciée par le détournement de pouvoir et devait être annulée ; qu'en limitant l'annulation à la seule instruction engagée sur réquisitoire du 5 juillet 1995 concernant des actes d'abus de biens sociaux, d'abus de confiance et d'escroquerie, sans annuler la garde à vue litigieuse dans son intégralité, la chambre de l'instruction a violé les textes précités ;

"alors, d'autre part, et en tout cas que l'annulation d'un acte d'instruction entraîne la nullité de tous les actes subséquents ;

que les enquêteurs ont procédé, à l'occasion de la garde à vue litigieuse, à des interrogatoires concernant l'instruction en cours, relative au groupe Educinvest et que dans le cadre de cette procédure d'instruction, des investigations ont été ordonnées par le juge d'instruction postérieurement à cette garde à vue illicite ; que la chambre de l'instruction n'a pas recherché quels sont les actes qui ont été ordonnés par le juge d'instruction sur le fondement des déclarations de Bertrand X... recueillies au cours de sa garde à vue des 3 au 5 juillet 1996, privant sa décision de base légale" ;

Attendu que, pour faire partiellement droit à la requête en annulation des pièces de la procédure présentée par Bertrand X..., les juges prononcent par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction, qui a souverainement analysé les pièces de la procédure pour déterminer celles qui devaient être annulées et cancellées en conséquence de l'irrégularité qu'elle a relevée, a justifié sa décision ;

Que, dès lors, le moyen ne saurait être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 56-2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;

"en ce que la chambre de l'instruction a partiellement rejeté la requête en annulation de Bertrand X... ;

"aux motifs que la perquisition du 22 juillet 1996 a été opérée dans trois cadres juridiques coexistants, dont celui de la commission rogatoire diligentée dans la procédure ouverte le 30 novembre 1995 ; qu'aux termes de l'article 56-2 du Code de procédure pénale, les perquisitions dans les locaux d'une entreprise de presse ne peuvent être effectuées que par un magistrat qui veille à ce que les investigations conduites ne portent pas atteinte au libre exercice de la profession de journaliste et ne constituent pas un obstacle ou n'entraînent pas un retard injustifié à la diffusion de l'information ; que ces dispositions ne s'appliquent donc qu'aux perquisitions menées sur l'activité spécifique des organismes de presse ; qu'en l'espèce, aucun élément de la procédure ne révèle que le siège de l'une des sociétés ayant fait l'objet de la perquisition abritait une entreprise de presse ; que la rédaction même du procès- verbal de perquisition "nous transportons aux sociétés de Bertrand X..., sise 33, rue Marbeuf à Paris, et... découvrons dans le bureau de Melle Y... trois sous-chemises portant cession de créances, historiques des titres Finege, cession de créance entre Educinvest et Egeide, créances globales Educinvest, bilans Educinvest, bordereau de cessions d'action Educinvest, conseils d'administration d'Educinvest, comptes financiers d'Egeide, conseil d'administration d'Egeide et copie du registre des titres et comptes individuels de titres d'Egeide", établit que la perquisition n'avait pour but que de découvrir des documents comptables dans des sociétés commerciales ; que la perquisition ainsi opérée est donc régulière ;

"alors, d'une part, que les perquisitions exécutées dans des sociétés de presse sont soumises à des conditions strictes ;

que Bertrand X... contestait la régularité de la perquisition effectuée le 22 juillet 1996 en ce qu'elle concernait la société Revue politique et parlementaire ; que le procès-verbal de perquisition ne porte aucune mention désignant les sociétés ayant fait l'objet des opérations de visite et saisie ; qu'il est donc impossible de contrôler la régularité des opérations et la chambre de l'instruction ne pouvait, dès lors, s'abstenir d'annuler la perquisition et le procès-verbal subséquent ;

"alors, d'autre part, que du seul fait qu'ils entrent dans les locaux d'une entreprise de presse, sans même saisir de documents, les enquêteurs doivent se soumettre aux exigences de l'article 56-2 du Code de procédure pénale ; que la chambre de l'instruction n'a pas recherché alors même que Bertrand X... est directeur de presse si les enquêteurs se sont rendus dans les locaux d'une entreprise de presse ; que, dès lors, sa décision est privée de base légale ;

"alors, enfin, que la dernière page du procès-verbal de perquisition porte des indications concernant un débat tenu au siège des sociétés de Bertrand X... portant sur le respect du secret professionnel ; que ce passage concerne les perquisitions dans les études notariales, sa rédaction ne pouvant s'expliquer que par l'existence d'un lieu perquisitionné protégé par le secret professionnel, en l'espèce ne pouvant être qu'une société de presse ; que faute de s'être expliquée sur les circonstances de la perquisition litigieuse, et sur le moyen soutenant que les enquêteurs ont pénétré dans une société de presse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes précités" ;

Attendu que les officiers de police judiciaire, agissant sur commission rogatoire, ont procédé à une perquisition dans les locaux des sièges sociaux de plusieurs sociétés commerciales ;

Attendu que, pour rejeter le moyen de nullité proposé par Bertrand X..., pris de l'irrégularité de cette perquisition au motif qu'elle aurait été effectuée dans une entreprise de presse en l'absence d'un magistrat, les juges prononcent par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance, et procédant de son appréciation souveraine, d'où il résulte que la perquisition litigieuse n'a pas été opérée dans une entreprise de presse, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Mazars conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-86965
Date de la décision : 14/01/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le premier moyen) CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Nullités de l'instruction - Examen de la régularité de la procédure - Deamnde des parties - Délai imparti pour statuer - Nature.


Références :

Code de procédure pénale 194 alinéa 2

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, 11 septembre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 jan. 2003, pourvoi n°02-86965


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.86965
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