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14/01/2003 | FRANCE | N°02-85770

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 janvier 2003, 02-85770


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze janvier deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, et les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour ;

Vu la communication faites au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Hugues,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 10 juin 2002, qui, pour homicide involontaire et infraction à

la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, l'a condamné à 6 mois d'emprisonn...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze janvier deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, et les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour ;

Vu la communication faites au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Hugues,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 10 juin 2002, qui, pour homicide involontaire et infraction à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et à trois amendes de 750 francs chacune et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 97 à 102 du décret du 8 janvier 1965, 121-3, 221-6 alinéa 1er, 221-8, 221-10 du Code pénal, L. 263-2 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable d'infraction à la réglementation sur l'hygiène et la sécurité du travail et d'homicide involontaire ;

"aux motifs qu'il résulte des constatations des gendarmes venus aussitôt sur les lieux et des auditions des deux autres salariés, sur place au moment de l'accident, Gérard Y... et Jean-François Z..., occupés avec la victime aux travaux de démolition ; que les salariés avaient pour mission de préparer la démolition d'une villa composée d'un rez-de-chaussée et d'un étage ; que pour éviter que les plans de mur restent étayés par les poutres de la toiture, ce qui pouvait représenter un danger lors de l'utilisation des engins, les poutres avaient été tronçonnées au ras des murs puis enlevées et jetées dans le jardin ; que Jean-François Z..., conducteur d'engins, alors qu'il était dans le jardin pour ramasser les morceaux de poutre, a entendu un grand fracas et des cris, et a aussitôt constaté la présence de José A... qui travaillait sur le plancher supérieur de la maison, se trouvant sous la toiture, composé de poutres de 15 m sur 7 sous lesquelles avaient été fixées des canisses plâtrées, comme l'étaient les anciens plafonds, allongé sur le sol au milieu des gravats ; que selon Gérard Y..., dans son audition recueillie quelques jours après l'accident, José A..., ouvrier d'expérience et agile, était certainement passé au travers d'une partie de plancher qui était pourrie ;

qu'Hugues X..., entendu le jour même de l'accident dont il ne connaissait les circonstances que par le récit que lui en avaient fait ses salariés, déclarait que José A... avait posé le pied sur une poutre vermoulue qui avait cédé sous son poids et qu'il était passé au travers du plancher de canisses ; que les faits reprochés au prévenu doivent être examinés au regard des dispositions nouvelles de l'article 121-3 du Code pénal issu de la loi du 10 juillet 2000 plus favorables d'application immédiate ; que les articles 97 à 102 du Code du travail posent un certain nombre de règles destinées à assurer la sécurité des travailleurs à l'occasion de travaux de démolition ; que l'article 97 dispose qu'avant que les travaux ne soient commencés, le chef d'établissement ou son préposé doit se rendre compte de la résistance et de la stabilité de chacune des parties de cet ouvrage (notamment des planchers) afin de faire procéder à des étaiements capables d'assurer la sécurité des travailleurs ; que l'article 102 prévoit que dans le cas où la démolition d'un plan de mur ou de tout autre élément de construction est effectué au moyen de poussées ou de chocs, des mesures appropriées doivent être prises pour empêcher l'écroulement du mur ou de l'élément de construction du côté où se trouvent les travailleurs ; que, devant le tribunal, le prévenu a fait citer comme témoins Gérard Y... et Jean-François Z... qui sont venus dire, ce qu'ils n'avaient jamais fait jusque-là, Gérard Y..., qu'il avait inspecté le chantier la veille et que rien ne permettait de déceler une anomalie, Jean-François Z..., qu'il avait enfoncé son couteau dans les poutres et que celles-ci étaient bonnes ; qu'en réalité les photographies prises sur les lieux viennent corroborer les déclarations initiales de ces deux témoins ;

que l'accident est la démonstration même que l'état des poutres en bois, dont Gérard Y... a spontanément déclaré au moment de l'accident qu'elles étaient vermoulues, ce qui exposait les salariés à un risque de chute, n'a pas été suffisamment vérifié avec les moyens appropriés ; que compte tenu de cet état, il était obligatoire de prévoir des étaiements et délimiter la zone où l'élément de construction devait s'écrouler et empêcher cet éboulement du côté où se trouvaient les travailleurs ; qu'il appartient au chef d'entreprise de veiller personnellement et à tous moments à la stricte et constante application des dispositions réglementaires destinées à assurer la sécurité de son personnel, de prévoir et éventuellement de pallier les risques particuliers auxquels il expose ses salariés ;

qu'il ne peut être exonéré de sa responsabilité pénale que s'il apporte la preuve que la victime a commis une faute imprévisible, cause unique et exclusive de l'accident ; que le prévenu, responsable de l'entreprise, n'a fait aucune délégation de pouvoirs ;

qu'il lui appartenait dans ces conditions de veiller personnellement à la stricte application des articles 97 à 102 du Code du travail ce qu'il n'a manifestement pas fait ; que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, l'infraction aux règles de sécurité qui lui est reprochée est caractérisée ; que, contrairement à ce qu'ont énoncé les premiers juges, la chute de la victime est la conséquence du manquement aux règles de sécurité ; que le prévenu qui a contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage et n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter, a commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, au sens de l'article 121-3 du Code pénal issu des lois du 13 mai 1996 et 10 juillet 2000, une chute d'une hauteur de 6 mètres étant à l'évidence susceptible de causer non seulement des blessures graves ou même la mort, comme ce fut le cas en l'espèce ; qu'il y a lieu de déclarer également coupable de l'homicide involontaire reproché sauf à dire, le délit d'homicide involontaire étant constitué au jour du décès, que cette infraction a été commise le 29 mai 1997 ;

"alors, d'une part, que, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 2000 modifiant 121-3 du Code pénal, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui s'est bornée à invoquer les dispositions des articles 97 à 102 du décret du 8 janvier 1965 pour en déduire que le prévenu avait commis une faute caractérisée dans les termes de la loi alors que rien n'établit que le prévenu pouvait prévoir l'accident ayant effectué une visite de chantier la veille de l'accident, que Gérard Y... avait personnellement contrôlé la solidité des poutres et n'avait décidé aucune anomalie, pas plus que Jean-François Z... qui avait effectué le contrôle des poutres avec un couteau, a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;

"alors, d'autre part, que le lien de causalité entre la faute du prévenu et l'accident doit être certain ; que la seule réalisation de l'accident ne saurait présumer ni l'existence d'une faute, ni celle d'un lien de causalité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait induire du seul accident une méconnaissance présumée des dispositions du Code du travail et l'existence d'une faute à l'origine dudit accident ; qu'en déclarant néanmoins le prévenu coupable du délit d'homicide involontaire, en s'abstenant de caractériser l'existence d'un lien de causalité certain entre la prétendue faute commise par le prévenu et le décès de la victime survenu huit jours après l'accident, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, établi en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, les délits reprochés au prévenu ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Desportes conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-85770
Date de la décision : 14/01/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, 10 juin 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 jan. 2003, pourvoi n°02-85770


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.85770
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