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14/01/2003 | FRANCE | N°02-83972

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 janvier 2003, 02-83972


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze janvier deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, et de Me CHOUCROY, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... François,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 22 mai 2002, qui, sur renvo

i après cassation, dans la procédure suivie contre lui du chef d'homicide involontaire, a pro...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze janvier deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, et de Me CHOUCROY, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... François,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 22 mai 2002, qui, sur renvoi après cassation, dans la procédure suivie contre lui du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politique, 6, 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1er du Protocole additionnel à cette convention, L. 112-4 du Code des assurances, 1131, 1133, 1134, 1156 et 1161 du Code civil, 225-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a fait droit à l'exception de non-garantie des dommages subis par Hélène Y... soulevée par la Compagnie AXA venant aux droits de la Compagnie UAP ;

"aux motifs qu'il résulte des pièces de la procédure, et notamment de celles déposées en première instance, que la Compagnie UAP, en sa qualité d'assureur de la société Deroct, avait déjà soulevé devant le tribunal correctionnel de Marseille, une exception de non-garantie des dommages subis par Hélène Y..., concubine de la victime, sur laquelle le tribunal a omis ou refusé de statuer ; que, ne tendant pas à mettre cet assureur totalement hors de cause, puisqu'il reconnaissait devoir garantir les dommages subis par les consorts Z..., ayants droit de la victime, elle n'avait pas de ce fait, aux termes mêmes de l'article 385-1 du Code de procédure pénale, à être présentée avant toute défense au fond ; qu'il convient en conséquence de statuer sur le bien-fondé de cette exception, qui ne peut être examiné qu'au vu de la teneur des clauses et conditions du contrat d'assurance souscrit le 26 août 1988, à effet au 1er août 1988, entre la société Deroct et l'UAP et liant les parties ; que, contrairement à la teneur des conclusions des autres intervenants en la cause, sont produites aux débats les conditions particulières, comportant trois pages, et les conventions spéciales de ce contrat ; qu'aux termes de l'article 3-2-3 de l'annexe 866 003 portant conventions spéciales, applicables en matière de responsabilité civile, et expressément visée en première page des conditions particulières, lorsqu'un préposé est victime d'un accident du travail, est garanti "le remboursement des sommes dont l'assuré (en l'espèce la société Deroct) est redevable aux

termes du Code de la sécurité sociale, au titre de l'indemnisation complémentaire due à la victime ou à ses ayants droit", dans leur définition qu'en donne l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale ; que cet article L. 452-3 fait référence aux articles L. 434-7 et suivants du même Code, lesquels excluent le concubin, ou la concubine, de la qualité d'ayants droit de la victime ;

"1 ) alors qu'appelés à interpréter un contrat d'assurance et à s'expliquer sur une exception de non-garantie soulevée par l'assureur et contestée par l'assuré, les juges doivent, en application des textes susvisés, analyser l'ensemble des risques garantis sans s'arrêter à une clause isolée ; que, dans ses conclusions régulièrement déposées devant la Cour de renvoi, François X... se prévalait du contrat de responsabilité civile Entreprise du Bâtiment et de Génie civil souscrit par la société Deroct et faisait valoir que ce contrat concernait non seulement la garantie par l'assureur des dommages causés au préposé et aux ayants droit de celui-ci dans le cadre strict de l'assurance prévue pour garantir l'entreprise des fautes inexcusables et de leurs conséquences mais également l'indemnisation des dommages causés aux tiers, étant observé que la victime revendiquait expressément cette qualité de tiers et qu'en ne s'expliquant pas sur ce chef péremptoire de conclusions et en se bornant à faire état des limitations de responsabilité prévues par l'article 3-2-3 de l'annexe 866 003 portant conventions spéciales en cas d'accident causé à un préposé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"2 ) alors que la clause d'un contrat d'assurance réservant la garantie de l'assureur en cas d'accident du travail causé à un préposé dont la responsabilité incombe à l'employeur à l'indemnisation des ayants droit de la victime et la refusant à celle de la concubine procède d'une discrimination injustifiée et illégale au regard de l'article 225-1 du Code pénal et doit d'office être écartée par les juges du fond comme illicite au sens des dispositions susvisées ;

"3 ) alors que le droit au respect de la vie privée incluant le droit de construire sa vie de famille par mode de concubinage et le droit de voir cette famille protégée, est garanti par l'article 8, alinéa 1er, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que constitue une ingérence de l'Etat dans l'exercice de ce droit, injustifiée par une quelconque nécessité et en toute hypothèse excessive, la décision d'un tribunal qui donne effet à la clause d'un contrat d'assurance qui exclut le droit à indemnisation de la concubine à la suite d'un accident mortel survenu à son concubin tandis que ce droit est réservé aux autres ayants droit de la victime ;

"4 ) alors que chacun, sans distinction aucune, a droit à la jouissance des droits et libertés fondamentales reconnus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que le fait pour un Etat de donner, par une décision judiciaire, force de loi à la stipulation d'un contrat d'assurance opérant une discrimination au préjudice de la concubine de celui-ci, constitue une violation caractérisée de l'article 14 de ladite convention" ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que François X..., gérant de la société Deroct, a été déclaré responsable de l'accident mortel survenu à un salarié intérimaire de la société Adia et condamné à indemniser les ayants droit de la victime parmi lesquelles, sa concubine, Hélène Y... ; que l'assureur de la société Deroct, la compagnie Axa assurances, venant aux droits de la compagnie UAP, a excipé d'une exception de non-garantie pour s'opposer au remboursement des sommes allouées à la concubine ;

Attendu que, pour faire droit à cette exception, l'arrêt attaqué fait application d'une clause du contrat d'assurance souscrit par la société Deroct, laquelle stipule que, lorsqu'un préposé est victime d'un accident du travail, ne seront remboursées par l'assureur, que les sommes versées aux ayants droit de la victime, au sens de l'article L. 452-3 du Code du travail qui exclut la concubine ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que, la victime de l'accident n'étant pas le préposé de la société Deroct, la compagnie d'assurances n'était pas fondée à se prévaloir de cette clause, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de Cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 22 mai 2002, mais en ses seules dispositions ayant fait droit à l'exception de non-garantie de la compagnie d'assurances Axa assurances, venant aux droits de la compagnie UAP ;

REJETTE l'exception opposée par la compagnie Axa assurances et dit qu'elle est tenue à garantir la société Deroct des condamnations prononcées à son encontre au profit d'Hélène Y... ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Mazars conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-83972
Date de la décision : 14/01/2003
Sens de l'arrêt : Cassation rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ASSURANCE - Assurance de responsabilité - Exception de non-assurance ou de non-garantie - Recevabilité - Conditions.


Références :

Code de procédure pénale 593
Code des assurances L112-4

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 7ème chambre, 22 mai 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 jan. 2003, pourvoi n°02-83972


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.83972
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