AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit décembre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD et les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Philippe,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de REIMS, en date du 15 novembre 2001, qui a rejeté sa requête en confusion de peines ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 112-1, 112-2, 131-1, 132-2, 132-4, 132-5, 132-8 du Code pénal, 5, 18, 56, 384 de l'ancien Code pénal, 371 de la loi du 16 décembre 1992, 362, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé le rejet de la requête en confusion de peines formée par Philippe X... ;
"aux motifs que la confusion de peines est juridiquement possible entre ces trois peines, les condamnations n'étant pas définitives dans leurs rapports entre elles ; que l'ensemble des faits objets de ces condamnations ayant tous été commis avant l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal, c'est le régime ancien de la confusion des peines qui doit continuer à recevoir application ; que, selon le requérant, le maximum légal de la peine encourue, dès lors que la réclusion criminelle à perpétuité n'a pas été prononcée, serait de vingt ans, maximum de la peine de réclusion criminelle à temps prévu par l'ancien article 18 du Code pénal ; mais l'article 56 du Code pénal prévoyait que le maximum de la peine criminelle à temps pouvait être portée au double en cas de récidive légale de crime à crime, soit à un maximum de quarante ans ; que la règle actuelle fixée par l'article 132-8 du Code pénal étant plus sévère, ce texte ancien continue à s'appliquer ; or, attendu que le cumul des trois peines en concours étant en l'espèce de trente-neuf ans, le maximum légal, que l'état de récidive s'élevait à 40 ans de réclusion criminelle, n'est pas atteint et que la confusion, qui ne se fût opérée de plein droit que si le cumul des peines prononcées avait excédé ce maximum, reste facultative ; attendu que la particulière gravité des faits perpétrés et la réitération constante d'actes de nature criminelle commis par le condamné démontre, de par la variété de ceux-ci et leur caractère distinct dans le temps et dans l'espace, une opiniâtre volonté de nuire et, par suite, le danger que Philippe X... représente pour la sécurité des personnes et des biens ; qu'il en est ainsi d'autant plus qu'antérieurement aux peines objet de sa requête en confusion , il avait été condamné déjà sept fois notamment pour vols aggravés, infraction à la loi sur les armes, destruction du bien d'autrui, séquestration d'otage, évasion,
association de malfaiteurs, infraction aux loirs sur les explosifs et recel ;
"alors, d'une part, qu'en vertu du régime applicable sous l'empire de l'article 5 de l'ancien Code pénal, la confusion des peines dont le montant cumulé dépasse le maximum légal de la peine la plus sévère doit obligatoirement être prononcée par la juridiction saisie d'une requête en confusion ; qu'en outre, en vertu de l'article 131-1 du Code pénal, la réclusion criminelle à temps est de trente ans au plus, de sorte que, nonobstant l'aggravation de la peine tirée de l'état de récidive selon les dispositions de l'ancien Code pénal, la personne poursuivie ne peut encourir une peine de réclusion criminelle à temps supérieure à trente ans ; qu'en conséquence, en retenant que la peine la plus forte encourue par Philippe X... s'élevait, en application de l'article 64 de l'ancien Code pénal, à quarante années de réclusion criminelle, en fixant ainsi le maximum légal de la peine la plus sévère, pour en déduire que le montant cumulé de peines prononcées à l'encontre de Philippe X..., de trente-neuf ans, ne dépassait pas ce maximum et que la confusion des peines pouvait ne pas être prononcée, la chambre de l'instruction a violé le texte précité ;
"alors, d'autre part, que lorsque les juges disposent d'une faculté discrétionnaire, ils ne sauraient cependant, s'ils donnent des motifs à leur décision, fonder celle-ci sur des affirmations de fait ou de droit inexactes ; qu'en l'espèce, en retenant un maximum légal bien supérieur au maximum légal prévu par l'échelle des peines exposée à l'article 131-1 du Code pénal, la chambre de l'instruction a fondé sa décision sur une circonstance essentielle inexacte qui n'a pu manquer d'influencer sa décision et a ainsi privé sa décision de base légale" ;
Vu les articles 132-2,132-4 et 132-5 du Code pénal ;
Attendu que, selon ces textes, lorsqu'à l'occasion de poursuites séparées, la personne poursuivie a été reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, les peines privatives de liberté successivement prononcées ne peuvent s'exécuter cumulativement que dans la limite du maximum légal le plus élevé ; que, lorsque la réclusion criminelle à perpétuité, encourue pour l'une ou plusieurs des infractions en concours, n'a pas été prononcée, le maximum légal était, avant le 1er mars 1994, fixé à vingt ans de réclusion criminelle ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Philippe X... a été condamné :
1 ) le 7 avril 1994, par la cour d'assises de l'Hérault, à 12 ans de réclusion criminelle pour des faits de vol avec arme en récidive commis le 8 décembre et le 23 janvier 1990 ;
2 ) le 13 novembre 1996, par la Cour d'assises du Vaucluse, à 12 ans de réclusion criminelle pour des faits de vol avec arme et infractions à la législation sur les armes et les munitions commis le 11 décembre 1989, le 2 janvier et courant janvier 1990 et le 6 mars 1990 ;
3 ) le 10 novembre 1999, par la cour d'assises de l'Aube, à 15 ans de réclusion criminelle pour, notamment, des faits de vol avec arme en récidive commis du 11 au 14 septembre 1992, le 22 septembre 1992, les 1er, 9 et 30 octobre 1992 et le 4 novembre 1992 ;
Attendu que, sur la requête de Philippe X... demandant la confusion de ces peines, l'arrêt attaqué lui en a refusé le bénéfice pour les motifs reproduits au moyen ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que les infractions étaient en concours et que les peines privatives de liberté ne pouvaient, par leur cumul, excéder 20 ans, l'article 56 ancien du Code pénal étant inapplicable en l'espèce où la réclusion criminelle à perpétuité était encourue, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de Cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims, en date du 15 novembre 2001 ;
DIT que les trois peines ci-dessus énumérées, prononcées contre Philippe X..., sont confondues de plein droit dans la limite de 20 ans ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Arnould conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;