AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile :
Vu les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'association Union des propriétaires pour la défense des Arcs (UPDA) a diffusé entre 1993 et 1998 des lettres circulaires adressées aux copropriétaires mettant en cause la gestion du syndic de plusieurs copropriétés, la Société d'administration et de transactions immobilières (SATI) ; qu'estimant que ces lettres constituaient un dénigrement de ses services, la SATI et la société Sogire, qui avait racheté des parts de la SATI, ont assigné, par acte du 26 janvier 1996, l'UPDA et M. X..., président de cette association, en dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour condamner sur ce fondement l'UPDA et M. X... in solidum à payer à la SATI et à la société Sogire une certaine somme à titre de dommages-intérêts, surseoir à statuer sur les conséquences pécuniaires des écrits incriminés et ordonner une expertise, l'arrêt retient que l'UPDA a diffusé un certain nombre de circulaires dans lesquelles elle met en cause la SATI en l'accusant de malversations et d'activités illégales, que M. X..., tantôt sous son propre nom, tantôt conjointement avec l'UPDA, a écrit aux copropriétaires de différentes résidences des Arcs en mettant en cause la régularité de l'activité professionnelle de la SATI ; qu'il relève d'abord une circulaire du 10 avril 1993 faisant mention d'un prochain dépôt de plainte contre X... pour abus de confiance, abus de biens sociaux, recel et complicité, notant que la SATI a commis des "manoeuvres" pour faite entériner des charges, puis une circulaire du 10 août 1993 faisant état de "l'affaire des Arcs" et de l'enquête qui s'en est suivie, ensuite une circulaire du 18 juin 1994 reprochant à la SATI d'avoir outrepassé son rôle de syndic, d'être "vendue" à un organisme de vacances, également des circulaires des 7 janvier et 5 avril 1995 qui prônent le remplacement de la SATI en indiquant que cela conduirait à des économies importantes sur les charges, s'interrogent sur la pérennité de la société, prétendent que "de véritables malversations existent" et que les contrats passés par la SATI avec des fournisseurs "auraient été prétendument conclus à des montants prohibitifs" ; que la décision attaquée mentionne encore une lettre du 21 octobre 1995 adressée par M. X... aux copropriétaires de diverses résidences des Arcs les mettant en garde contre la SATI "compte tenu des malversations (...) détectées" et de la plainte en cours et appelant à une prise de "conscience des risques que (la copropriété) encourt à reconduire la SARL SATI ou un ersatz de la SATI lors de la prochaine assemblée générale" ; qu'après avoir analysé la teneur des circulaires des 28 septembre 1996, 4 novembre 1997 et 5 février 1998, l'arrêt retient que ces propos ont un caractère dénigrant en tentant de présenter la SATI comme incompétente en matière de gestion de copropriété, voire malhonnête en transgressant lois et règlements ainsi qu'en majorant abusivement les frais et charges de copropriété ;
Qu'en statuant ainsi alors que les propos relevés, diffusés auprès de plusieurs copropriétaires de résidences différentes, imputant à la SATI des faits mettant en cause la compétence de la société, son honnêteté et l'accusant de transgresser les lois et règlements, portaient atteinte à la considération de cette société et constituaient donc des diffamations, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que la prescription de trois mois édictée par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, qui n'a pas été interrompue par des actes de poursuite réguliers au regard des dispositions de cette loi, se trouve acquise, de sorte qu'il ne reste rien à juger ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 octobre 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DECLARE l'action prescrite ;
Condamne les sociétés Alfaga SATI et Sogire aux dépens exposés tant devant les juges du fond que devant la Cour de Cassation ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Alfaga SATI, venant aux droits de la société SATI, et de la société Sogire ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille deux.