La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/12/2002 | FRANCE | N°01-01256

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 03 décembre 2002, 01-01256


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Fernand X... est décédé le 17 août 1955, laissant pour seule héritière son épouse Nadia X..., avec laquelle il s'était marié en février 1952 sous le régime de la communauté de meubles et acquêts ; que Nadia X... s'est remariée en décembre 1957 avec Georges Y..., sous le même régime matrimonial ; qu'elle est décédée le 7 novembre 1982, laissant pour lui succéder son époux, légataire universel de tous ses biens, et sa fille née d'un premier mariage

, Wanda Z..., épouse A... ; que, par acte notarié du 19 mai 1983, Georges Y... a ren...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Fernand X... est décédé le 17 août 1955, laissant pour seule héritière son épouse Nadia X..., avec laquelle il s'était marié en février 1952 sous le régime de la communauté de meubles et acquêts ; que Nadia X... s'est remariée en décembre 1957 avec Georges Y..., sous le même régime matrimonial ; qu'elle est décédée le 7 novembre 1982, laissant pour lui succéder son époux, légataire universel de tous ses biens, et sa fille née d'un premier mariage, Wanda Z..., épouse A... ; que, par acte notarié du 19 mai 1983, Georges Y... a renoncé à ses droits dans la succession de son épouse ainsi qu'aux dispositions testamentaires prises en sa faveur ;

que par acte du 27 février 1984, celui-ci et Wanda A... ont procédé au partage de la communauté ayant existé avec Nadia X... et ont convenu de l'attribution, par moitié indivise chacun, du droit de reproduction et d'édition attaché aux oeuvres de Fernand X... et de l'exercice de ces droits ensemble ; qu'en 1987, Georges Y... s'est remarié avec Mme B... et que les époux ont ensuite adopté le régime de la communauté universelle ; que Wanda A... est décédée le 7 janvier 1997, laissant pour lui succéder ses 3 enfants, et que Georges Y... est décédé le 2 avril 1997, laissant son épouse ; que les consorts A... ont alors assigné Mme veuve Y... pour voir dire qu'ils étaient seuls titulaires du droit moral sur l'oeuvre de Fernand X..., par suite de la renonciation de Georges Y... aux dispositions testamentaires prises en sa faveur par Nadia X..., et du monopole d'exploitation sur l'oeuvre, qui n'aurait pu être transmis à Mme Y... au décès de son mari, celui-ci n'en ayant jamais disposé par suite de l'application immédiate de l'alinéa 1er de l'article 25 de la loi du 11 mars 1957 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Georges Y... n'était pas titulaire du droit moral sur l'oeuvre, sans rechercher s'il ne résultait pas de l'ensemble de son comportement qu'il n'avait pas cru et voulu qu'une telle renonciation ne concerne que les droits patrimoniaux qu'il tenait de sa qualité d'héritier légal et de légataire universel de Nadia X..., sans s'étendre au legs particulier du droit moral, de sorte que la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 784 du Code civil ;

Mais attendu que, par motifs propres, l'arrêt attaqué relève que Georges Y... a renoncé "purement et simplement" tant aux droits auxquels il pouvait prétendre dans la succession de son épouse qu'au bénéfice de "toutes dispositions testamentaires" ; que cette renonciation, qui ne comporte aucune restriction, est complète et non équivoque et qu'elle établit la volonté de l'intéressé de renoncer à être le continuateur de la personne du défunt et à devenir titulaire du droit moral sur son oeuvre, et ce quels que soient les motifs l'ayant inspiré ; que, par motif adopté, il retient que le fait que Georges Y... soit intervenu sa vie durant dans la défense de l'oeuvre du peintre et qu'il ait notamment exercé conjointement avec Wanda A..., après le décès de Nadia X..., les droits d'auteur sur l'oeuvre, sans toutefois revendiquer à un moment quelconque le bénéfice exclusif du droit moral, ne permet pas dans ces conditions de démontrer qu'il se considérait comme l'héritier du droit moral et que la renonciation litigieuse résultait d'une erreur sur l'identité et la substance des droits abandonnés ; d'où il suit que, contrairement à ce qui est soutenu, les juges du fond ont procédé à l'analyse du comportement de Georges Y... et que le moyen ne tend en réalité qu'à remettre en cause leur appréciation souveraine de la volonté de ce dernier ; qu'il ne peut être accueilli ;

Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche :

Vu les articles 2 du Code civil et L. 121-9 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu, selon l'alinéa 1er, du second texte, que, sous tous les régimes matrimoniaux et à peine de nullité de toutes clauses contraires portées au contrat de mariage, le droit de divulguer l'oeuvre, de fixer les conditions de son exploitation et d'en défendre l'intégrité, reste propre à l'époux auteur ou à l'époux à qui de tels droits ont été transmis ; que ces dispositions, issues de l'article 25 de la loi du 11 mars 1957, qui font du monopole d'exploitation un bien propre, sont immédiatement applicables aux oeuvres littéraires et artistiques divulguées après le 11 mars 1958, date d'entrée en vigueur de cette loi ;

Attendu que, pour dire que Georges Y..., et par conséquent sa veuve, unique héritière, n'était pas titulaire du monopole d'exploitation sur l'oeuvre de Fernand X..., l'arrêt attaqué retient, par motif adopté, que la loi du 11 mars 1957 n'ayant pas distingué entre les oeuvres créées avant ou après son entrée en vigueur, le monopole d'exploitation de l'oeuvre de Fernand X..., qui avait été dévolu à sa veuve à son décès, est devenu un bien propre à celle-ci à compter du 12 mars 1958 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'oeuvre avait été entièrement créée en 1955, année du décès de Fernand X..., la cour d'appel a violé les textes susvisés en conférant au second un effet rétroactif ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que Mme Y... n'était pas titulaire du monopole d'exploitation sur l'oeuvre de Fernand X..., l'arrêt rendu le 11 décembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des consorts A... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille deux.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 01-01256
Date de la décision : 03/12/2002
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Droits d'auteur - Monopole d'exploitation - Article 25, alinéa 1er, de la loi du 11 mars 1957 - Application dans le temps .

Les dispositions de l'alinéa 1er de l'article 25 de la loi du 11 mars 1957, qui font du monopole d'exploitation un bien propre à l'époux auteur ou à l'époux à qui les droits ont été transmis, sont immédiatement applicables aux oeuvres littéraires et artistiques divulguées après le 11 mars 1958, date d'entrée en vigueur de cette loi.


Références :

Code civil 2
Code de la propriété intellectuelle L121-9
Loi 57-298 du 11 mars 1957 art. 25

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 décembre 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 03 déc. 2002, pourvoi n°01-01256, Bull. civ. 2002 I N° 294 p. 229
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2002 I N° 294 p. 229

Composition du Tribunal
Président : M. Lemontey .
Avocat général : M. Sainte-Rose.
Rapporteur ?: Mme Catry.
Avocat(s) : la SCP Thomas-Raquin et Benabent, la SCP Piwnica et Molinié.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:01.01256
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award