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26/11/2002 | FRANCE | N°02-82318;99-80294

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 novembre 2002, 02-82318 et suivant


REJET des pourvois formés par :

1° X... Patrick, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Bourges, en date du 4 novembre 1997, qui dans l'information suivie contre lui pour exercice illégal de la pharmacie a infirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction et a ordonné un supplément d'information ;

2° X... Patrick, Y... Alain, contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 7 mars 2002, qui, dans les poursuites suivies contre eux pour exercice illégal de la pharmacie, a prononcé sur les intérêts civil

s.

LA COUR,

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I. Sur ...

REJET des pourvois formés par :

1° X... Patrick, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Bourges, en date du 4 novembre 1997, qui dans l'information suivie contre lui pour exercice illégal de la pharmacie a infirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction et a ordonné un supplément d'information ;

2° X... Patrick, Y... Alain, contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 7 mars 2002, qui, dans les poursuites suivies contre eux pour exercice illégal de la pharmacie, a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I. Sur le pourvoi formé contre l'arrêt de la chambre d'accusation du 4 novembre 1997 :

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

II. Sur les pourvois formés contre l'arrêt de la cour d'appel du 7 mars 2002 :

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 55 de la Constitution, du principe de la primauté du droit communautaire, de la directive 98/79 CE relative aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, des articles 30, 37 et 189 du traité CEE, des articles L. 4211-1 du Code de la santé publique, L. 512-2, L. 512-4 et L. 517 ancien du Code de la santé publique, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné solidairement Patrick X... et Alain Y... à payer au Conseil national de l'ordre des pharmaciens, du chef d'exercice illégal de la pharmacie, la somme de 4 573,47 euros à titre de dommages-intérêts ;

" aux motifs qu'il est constant que les anciens articles L. 512-2 et 4 du Code de la santé publique réservaient aux pharmaciens la vente au détail des "produits et réactifs conditionnés en vue de la vente au public et qui, sans être visés à l'article L. 511 ci-dessus, sont destinés au diagnostic médical ou à celui de la grossesse" ; que par ordonnance du 15 juin 2000, prise sur une loi d'habilitation du 16 décembre 1999, il a été procédé à une refonte du Code de la santé publique, les dispositions des anciens articles L. 512-2 et 4 étant reprises à l'identique par les nouveaux articles L. 4211-1.2° et 4° du même code ; que le 27 octobre 1998 avait été adoptée une directive communautaire 98/79/CE relative aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro ; que le Gouvernement ayant été habilité par une loi d'autorisation du 3 janvier 2001 à "prendre par ordonnances, les dispositions législatives nécessaires à la transposition des directives ou parties de directives suivantes, ainsi que les mesures d'adaptation de la législation liées à cette transposition", une ordonnance du 1er mars 2001 a été prise par le Gouvernement sur le fondement de l'article 38 de la Constitution et de la loi d'habilitation susmentionnée, afin de transposer en droit français la directive communautaire dont s'agit ; que cette ordonnance a modifié l'article L. 4211-1.2° sus-rappelé pour en reprendre cependant la substance dans l'article L. 4211-1.8°, en énonçant que sont réservées aux pharmaciens "la vente au détail et toute dispensation de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, destinés à être utilisés par le public" ; qu'il n'est pas discuté que les tests de grossesse commercialisés sous la marque Hansaplast entrent bien dans la catégorie des dispositifs destinés à des autodiagnostics ; que le moyen tiré de l'illégalité de l'article L. 4211-1-8° du Code de la santé publique est sans fondement dès lors qu'il revient à exiger du juge pénal, seulement tenu dans les termes de l'article 111-5 du Code pénal, un contrôle de la constitutionnalité de la loi d'habilitation, étant rappelé en outre, à supposer le moyen admis, que Patrick X... et Alain Y... sont poursuivis sur la base des anciens textes du Code de la santé publique qui conserveraient alors toute leur valeur juridique ; qu'aucun élément ne permet de dire en quoi cet article serait le résultat de la transposition prétendue non conforme de la directive plutôt que le résultat de "l'adaptation de la législation" ; que les dispositions du Code de la santé publique réservant aux seuls pharmaciens la vente des produits et réactifs destinés au diagnostic de la grossesse s'appliquent sans discrimination tant aux produits nationaux qu'à ceux importés des autres Etats membres ; que cette réglementation échappe dès lors au domaine de l'application de l'article 30 du traité, chaque pays membre conservant le droit de protéger comme il l'entend la santé et l'intérêt de ses concitoyens ; que ne constituant pas une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation, il n'y a pas lieu de rechercher, pour écarter l'exception prise de l'incompatibilité du monopole avec le Traité, si elle est justifiée par des raisons de protection de santé publique ou de défense des consommateurs ;

que le principe de libre circulation affirmée par la directive 98/79/CE n'est pas de nature à remettre en cause le monopole pharmaceutique sur les réactifs destinés au diagnostic de la grossesse ; que l'exception préjudicielle invoquée à titre subsidiaire doit être rejetée, dès lors que l'application de la réglementation européenne ne soulève en l'espèce aucune difficulté sérieuse nécessitant d'en demander l'interprétation à la Cour de justice des Communautés européennes ; que l'élément matériel de l'infraction d'exercice illégal de la pharmacie apparaît en définitive comme parfaitement caractérisé à l'encontre de Patrick X... et Alain Y... ; que s'agissant de l'élément intentionnel, dont l'exigence n'a pas été reprise par le nouvel article L. 4223-1 du Code de la santé publique, mais qui demeure cependant en l'espèce eu égard aux poursuites sur la base des anciens textes et au principe posé par l'article 121-3 du Code pénal, il convient de relever que Patrick X... et Alain Y..., professionnels parfaitement conseillés, ne pouvaient ignorer le risque qu'ils encouraient de se voir poursuivre pour exercice illégal de la pharmacie ; qu'ils ont donc agi sciemment en commercialisant des produits réservés au monopole pharmaceutique, dans un but exclusivement mercantile, au mépris de la santé publique ; que ce comportement constituant une atteinte à la profession de pharmacien, le Conseil national de l'ordre des pharmaciens qui a charge d'en défendre l'intérêt collectif est fondé à obtenir réparation du préjudice direct ou indirect résultant des agissements illégaux de Patrick X... et Alain Y... ;

" alors, d'une part, qu'en vertu de l'article 55 de la Constitution, le Traité qui institue la Communauté européenne a une autorité supérieure à celle des lois ; qu'il en va de même des actes des autorités communautaires pris pour l'application du texte d'incrimination de droit interne lorsqu'il apparaît que ce dernier méconnaît un texte pris pour l'application du Traité ; que la directive 98/79/CE du 27 octobre 1998, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro fixe des exigences spécifiques, nécessaires et suffisantes pour assurer, dans les meilleures conditions de sécurité, la libre circulation des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro et prévoit de façon limitative les restrictions au régime de libre commercialisation sans jamais envisager de monopole des officines pharmaceutiques ; qu'en décidant que les tests de grossesse Hansaplast destinés à des autodiagnostics entrent dans le monopole des pharmaciens, pour en déduire que le délit d'exercice illégal de la pharmacie était constitué à l'encontre de Patrick X... et Alain Y..., cependant que la directive 98/79/CE prévoit la libre commercialisation des tests de grossesse, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

" alors, d'autre part, qu'une réglementation ne peut restreindre le commerce intra-communautaire sans justification d'intérêt général ; qu'en énonçant que les dispositions du Code de la santé publique réservant aux seuls pharmaciens la vente des produits et réactifs destinés au diagnostic de la grossesse s'appliquent sans discrimination tant aux produits nationaux qu'à ceux importés des autres Etats membres et que cette réglementation échappe dès lors au domaine de l'application de l'article 30 du Traité, chaque pays membre conservant le droit de protéger comme il l'entend la santé et l'intérêt de ses concitoyens sans préciser les risques que créerait la libre commercialisation de ces tests de grossesse eu égard à leur mode d'utilisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen " ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 121-3 du Code pénal, L. 4223-1, L. 4211-1, L. 4221-1 du Code de la santé publique, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que, l'arrêt attaqué a condamné solidairement Patrick X... et Alain Y... à payer au Conseil national de l'ordre des pharmaciens, du chef d'exercice illégal de la pharmacie, la somme de 4 573,47 euros à titre de dommages-intérêts ;

" aux motifs que s'agissant de l'élément intentionnel, dont l'exigence n'a pas été reprise par le nouvel article L. 4223-1 du Code de la santé publique, mais qui demeure cependant en l'espèce eu égard aux poursuites sur la base des anciens textes et au principe posé par l'article 121-3 du Code pénal, il convient de relever que Patrick X... et Alain Y..., professionnels parfaitement conseillés, ne pouvaient ignorer le risque qu'ils encouraient de se voir poursuivre pour exercice illégal de la pharmacie ; qu'ils ont donc agi sciemment en commercialisant des produits réservés au monopole pharmaceutique, dans un but exclusivement mercantile, au mépris de la santé publique ;

" alors que le délit d'exercice illégal de la pharmacie exige pour être constitué que le prévenu ait accompli sciemment certains actes ; que l'élément intentionnel doit être entendu strictement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui s'est bornée à affirmer que Patrick X... et Alain Y..., professionnels, parfaitement conseillés, ne pouvaient ignorer le risque qu'ils encouraient de se voir poursuivre pour exercice illégal de la pharmacie, n'a pas suffisamment justifié l'élément intentionnel qu'elle a supposé et non caractérisé ; que par suite la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le magasin Carrefour de Bourges a mis en vente des tests de grossesse de marque Hansaplast commercialisés par la société Beiersdorf ; que, sur plainte avec constitution de partie civile du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, Patrick X..., responsable de la grande surface, et Alain Y..., dirigeant de la société, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour exercice illégal de la pharmacie ;

Attendu que les prévenus ont soutenu que le monopole des pharmaciens sur la commercialisation des tests de grossesse serait contraire à la directive 98/79/CE du 27 octobre 1998 relative aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, laquelle, bien que non transposée en droit interne, est d'effet direct ; qu'ils ont, pour ce motif, été relaxés par les premiers juges ;

Attendu que pour infirmer le jugement entrepris, la cour d'appel, saisie du seul appel de la partie civile, énonce qu'en application de l'article L. 512.2° et 4°, du Code de la santé publique, devenu l'article L. 4211-1.8°, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 1er mars 2001 qui a transposé la directive précitée, la commercialisation des tests de grossesse relève du monopole des pharmaciens ; que les dispositions communautaires invoquées ne remettent pas en cause cette réglementation qui, s'appliquant sans discrimination tant aux produits nationaux qu'aux produits en provenance des autres Etats membres, échappe à l'application de l'article 30 devenu l'article 28 du traité instituant la Communauté européenne ;

Que les juges ajoutent, pour caractériser l'infraction et statuer sur les réparations civiles, que les prévenus ont sciemment commercialisé des produits relevant du monopole pharmaceutique ;

Attendu qu'en cet état et dès lors que, contrairement à ce qui est allégué, la directive 98/79/CE ne comporte pas de dispositions relatives au mode de commercialisation des dispositifs médicaux auxquels elle s'applique, la cour d'appel, qui a fait l'exacte application des textes précités, a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent qu'être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-82318;99-80294
Date de la décision : 26/11/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

COMMUNAUTES EUROPEENNES - Libre circulation des marchandises - Restrictions quantitatives au commerce entre les Etats membres - Mesure d'effet équivalent - Exception - Vente au détail et dispensation de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro destinés à être utilisés par le public - Monopole des pharmaciens.

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Pharmacien - Exercice illégal de la profession - Vente au détail et dispensation de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro destinés à être utilisés par le public - Monopole des pharmaciens - Directive 98/79/CEE du 27 octobre 1998 - Compatibilité

L'article L. 4211-1.8° du Code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 1er mars 2001, qui réserve aux pharmaciens la vente au détail et la dispensation des produits et réactifs destinés à être utilisés par le public pour le diagnostic de la grossesse, ne méconnaît pas la directive 98/79/CE du 27 octobre 1998 relative aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro. S'appliquant sans discrimination tant aux produits nationaux qu'à ceux importés des autres Etats membres, cette réglementation échappe ainsi au domaine d'application de l'article 30 devenu l'article 28 du traité instituant la Communauté européenne. (1).


Références :

Code de la santé publique L4211-1.8° (Ordonnance 2001-198 du 01 mars 2001)
Directive 98/79/CE du 27 octobre 1998
Traité CEE art. 30 devenu art. 28

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, (chambre d'accusation et chambre correctionnelle) 1997-11-04, 2002-03-07

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1996-10-30, Bulletin criminel 1996, n° 380, p. 1110 (rejet) ; Chambre criminelle, 2000-09-05, Bulletin crim 2000, n° 261 (4°), p. 765 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 nov. 2002, pourvoi n°02-82318;99-80294, Bull. crim. criminel 2002 N° 210 p. 775
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2002 N° 210 p. 775

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Cotte
Avocat général : Avocat général : M. Chemithe.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Agostini.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Vier et Barthélemy, la SCP Célice, Blancpain et Soltner.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:02.82318
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