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26/11/2002 | FRANCE | N°02-80347

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 novembre 2002, 02-80347


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six novembre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GAILLY et les observations de Me BROUCHOT, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- l'ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET RIVIERES, DITE TRUITE, OMBRE, SAUMON, (TOS), partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI

, 6ème chambre, en date du 20 septembre 2001, qui n'a pas entièrement fait droit à ses dema...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six novembre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GAILLY et les observations de Me BROUCHOT, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- l'ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET RIVIERES, DITE TRUITE, OMBRE, SAUMON, (TOS), partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 20 septembre 2001, qui n'a pas entièrement fait droit à ses demandes après relaxe partielle de Bernard X... du chef d'infractions au Code de l'environnement ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 151 à 155 et 463 du Code de procédure pénale, du principe de la contradiction, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a statué en se fondant sur un rapport d'expertise argué de nullité en raison du déroulement de l'expertise dans des conditions méconnaissant les exigences de la contradiction ;

"aux motifs que l'association TOS et la Fédération départementale des associations agréées de pêche et de pisciculture du Pas-de-Calais critiquent le rapport d'expertise pour conclure à son absence de valeur probante en ce qui concerne la Fédération départementale des associations agréées de pêche et de pisciculture et à sa nullité en ce qui concerne l'association TOS au motif que l'expert n'a pas respecté l'obligation qui lui avait été impartie par l'ordonnance le missionnant de déposer préalablement un pré-rapport avant la clôture de ses opérations, carence qui n'a pas permis aux parties d'avoir une discussion contradictoire sur les éléments techniques du dossier ; que les dispositions du nouveau Code de procédure civile (notamment l'article 160 dudit Code) qui imposent le respect de la contradiction en matière d'expertise civile n'ont pas leur pendant en matière de procédure pénale eu égard à la spécificité de la procédure ; que le moyen tiré d'une violation des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme (article 6) qui, selon une partie civile, imposeraient au regard de la nécessité d'un procès équitable, d'assurer la contradiction à tous niveaux y compris pendant le cours de la mesure d'expertise pénale ne saurait en tout état de cause prospérer en l'espèce puisqu'il n'est pas invoqué par la partie qui doit se défendre sur l'accusation pénale ;

"alors que la partie civile a qualité pour invoquer le droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial qui décidera notamment de ses droits en matière civile, qu'il en résulte que la partie civile est recevable et fondée à se prévaloir des exigences de la contradiction lors de la mise en oeuvre d'un complément d'information par le Juge du fond ; qu'en décidant cependant que seule la partie qui doit se défendre sur l'accusation pénale a qualité pour invoquer un tel droit à l'exclusion de la partie civile, les règles de la procédure civile n'étant pas applicables, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation de I'expertise ordonnée par eux, les juges d'appel retiennent que le dépôt d'un pré-rapport, inclus dans la mission de l'expert et non réalisé par lui, n'est pas imposé par le Code de procédure pénale, que les dispositions de l'article 167 du même code ne sont pas applicables à l'expertise ordonnée par la juridiction de jugement et que, n'étant pas la partie devant se défendre sur l'accusation pénale, la partie civile ne pouvait invoquer la violation des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme imposant, au regard de la nécessité d'un procès équitable, d'assurer la contradiction pendant le cours d'une mesure d'expertise ;

Attendu qu'en cet état, si c'est à tort que les juges ont estimé que la partie civile ne pouvait invoquer une violation de l'article 6 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors que la partie civile a eu connaissance du rapport de l'expert et a pu en discuter les conclusions à l'audience ;

D'où il suit que le moyen doit être rejeté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 432-3, L. 432-4 du Code de l'environnement, L. 232-3 et L. 232-4 du Code rural ancien, 2 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la relaxe de Bernard X... du chef d'installation ou d'aménagement d'ouvrage ainsi que d'exécution de travaux dans le lit d'un cours d'eau de nature à détruire les frayères, les zones de croissance ou les zones d'alimentation ou de réserve de nourriture de la faune piscicole et d'avoir ainsi limité à la somme de 5 000 francs les dommages et intérêts octroyés aux associations FDAAPP du Pas-de-Calais et TOS ;

"aux motifs qu'en ce qui concerne la troisième infraction, à savoir l'exécution de travaux dans le lit de la rivière étant de nature à détruire les frayères les zones d'alimentation ou de réserves de nourriture de la faute piscicole, le jugement avait relevé qu'il résultait des termes même du procès-verbal que la destruction matérielle des frayères n'avaient pas été matériellement constatée ;

que l'expertise réalisée a conclu également à l'absence d'élément concernant la destruction des frayères ; que par ailleurs la prévention n'est pas adaptée à la situation du prévenu qui a un ouvrage existant qu'il peut faire fonctionner conformément à sa destination en vertu de son droit d'eau sans demander d'autorisation supplémentaire sous la réserve de respecter les articles L. 232--3 et L. 232-6 dont l'application aux données de l'espèce a d'ores et déjà été examinée ; que dès lors la relaxe prononcée de ce chef sera confirmée ;

"alors que le fait pour l'exploitant d'un barrage de fermer toutes les vannes y compris les vannes du bras de dérivation, à l'exception de la vanne au niveau de la turbine entraîne des conséquences de nature à détruire des frayères sans autorisation ;

qu'en décidant cependant, en l'état des constatations de l'arrêt, que la situation du prévenu qui a un ouvrage existant qu'il peut faire fonctionner conformément à sa destination en vertu de son droit d'eau sans demander d'autorisation supplémentaire et qu'en conséquence la relaxe doit être ordonnée, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que Bernard X... a été poursuivi pour avoir, sans autorisation, réalisé, dans un cours d'eau classé en première catégorie piscicole, un aménagement d'ouvrage de nature à déduire les frayères, les zones de croissance ou les zones d'alimentation ou de réserve de nourriture de la faune piscicole, fait prévu par l'article L. 232-3 du Code rural, devenu L. 432-3 du Code de l'environnement ;

Attendu que, pour le renvoyer des fins de la poursuite et rejeter les demandes de la partie civile de ce chef, l'arrêt retient que le fait de fermer des vannes d'un barrage existant ne nécessite aucune autorisation ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le deuxième moyen, pris de la violation des articles L. 432-1, L. 432-5, L. 432-8 du Code de l'environnement, L. 232-1, L. 232-5 et L. 232-8 du Code rural ancien, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la relaxe de Bernard X... du chef de défaut de dispositif maintenant dans le lit d'un cours d'eau un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces qui peuplent les eaux ;

"aux motifs que la première infraction qui est reprochée à Bernard X... est celle d'avoir à Tollent le 19 décembre 1996 exploité un ouvrage construit dans le lit d'un cours d'eau ne comportant pas de dispositif maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la libre circulation et la reproduction des espèces qui peuplent les eaux au moment de l'installation de l'ouvrage, sous le visa de l'article L. 232-1 du Code rural ; que le procès-verbal ne reprenait pas cette infraction ; qu'il convient d'indiquer par ailleurs que l'article L. 232-1 n'énonce sous des modalités très précises dans ses trois premiers alinéas la règle du maintien du débit minimal (à savoir un débit qui ne doit pas être inférieur au dixième du module du cours d'eau au droit de l'ouvrage en principe) que pour les ouvrages à construire et non pour les ouvrages existants au 30 juin 1994, à savoir pour les ouvrages existant à l'entrée en vigueur de la loi du 29 juin 1994 ; que pour les ouvrages existant à cette date et tel est bien le cas du barrage du moulin d'Anconnay à Tollent, les dispositions de cet article ne sont pas applicables de plano mais uniquement par réduction progressive de l'écart par rapport à la situation actuelle, l'alinéa 6 énonçant les modalités de cette réduction ; que la prévention ne reprochant au prévenu la violation des dispositions générales concernant l'ouvrage à construire sans l'adapter à sa situation de propriétaire d'un ouvrage existant au 30 juin 1994 et les énonciations du procès-verbal ne permettant pas de conclure que cette situation spécifique a été envisagée, il convient d'entrer par réformation sur ce point du jugement entrepris par voie de relaxe pour cette infraction ;

"alors que tout ouvrage existant au 30 juin 1984 dans le lit d'un cours d'eau doit comporter des dispositifs maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces qui peuplent les eaux, ainsi que, le cas échéant, des dispositifs empêchant la pénétration du poisson dans les canaux d'amenée et de fuite ; que ce débit minimal ne doit pas être inférieur au 10ème du module du cours d'eau au droit de l'ouvrage correspondant au débit moyen inter-annuel évalué à partir des informations disponibles portant sur une période minimale de cinq années ou au débit à l'amont immédiat de l'ouvrage si celui-ci est inférieur ; qu'à compter du 30 juin 1987, ce débit minimal, sauf impossibilité technique inhérente à la conception de ces ouvrages, ne peut être inférieur au quart des valeurs ainsi fixées ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que les gardes du Conseil Supérieur de la Pêche ont constaté le 19 décembre 1996 la fermeture de toutes les vannes du barrage d'Anconnay à Tollent à l'exception de la vanne de la turbine et des vannes du bras de dérivation droit, précisant que la fermeture brutale des vannes du barrage avait entraîné des conséquences dans les frayères du fait de leur mise hors d'eau et qu'elles avaient en outre été de nature à occasionner la mort des poissons tels que les chabots qui se cachent sous les pierres ; que pour écarter la culpabilité de Bernard X..., exploitant du barrage, la cour d'appel a systématiquement appliqué le critère erroné de l'existence de l'ouvrage au 30 juin 1984, sans caractériser que l'ouvrage préexistant au 30 juin 1984 aurait donné lieu à la réduction progressive de l'écart entre les prescriptions légales et la situation à cette date pour parvenir au 30 juin 1987 à un débit minimal au moins égal au quart de la valeur fixée par la loi et de nature à garantir en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces ;

qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés" ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour renvoyer Bernard X... des fins de la poursuite du chef d'exploitation d'un ouvrage construit dans le lit d'un cours d'eau ne comportant pas de dispositif maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la libre circulation et la reproduction des espèces peuplant les eaux, fait prévu par l'article L. 232-5 du Code rural, devenu L. 432-5 du Code de l'environnement, l'arrêt retient que l'ouvrage exploité par le prévenu a été construit avant le 30 juin 1984 et que "la prévention et les énonciations du procès-verbal ne permettent pas de conclure que cette situation spécifique a été envisagée" ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, par un motif inopérant, sans rechercher si le débit minimal de l'ouvrage a été mis en conformité avec les dispositions du sixième alinéa de l'article précité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 20 septembre 2001, mais en ses seules dispositions civiles relatives à l'infraction prévue par l'article L. 232-5 du Code rural, devenu L. 432-5 du Code de l'environnement, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Gailly conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-80347
Date de la décision : 26/11/2002
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, 20 septembre 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 nov. 2002, pourvoi n°02-80347


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:02.80347
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