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26/11/2002 | FRANCE | N°00-20400

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 novembre 2002, 00-20400


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Versailles, 8 juin 2000), que la Banque française de crédit coopératif (la banque) a consenti à la société Entreprise générale de déménagement X... père et fils (la société) plusieurs concours financiers ; que MM. Pierre et Philippe X..., respectivement président du conseil d'administration et directeur général de la société, se sont chacun portés cautions solidaires de leur remboursement à concurrence de

1 000 000 francs ; que la société ayant été mise en liquidation judiciaire, la banqu...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Versailles, 8 juin 2000), que la Banque française de crédit coopératif (la banque) a consenti à la société Entreprise générale de déménagement X... père et fils (la société) plusieurs concours financiers ; que MM. Pierre et Philippe X..., respectivement président du conseil d'administration et directeur général de la société, se sont chacun portés cautions solidaires de leur remboursement à concurrence de 1 000 000 francs ; que la société ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné les cautions en exécution de leurs engagements ; que Mme Denise X..., épouse de M. Philippe X..., est intervenue volontairement devant la cour d'appel ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :

Attendu que la banque soutient que le pourvoi formé par M. et Mme Philippe X... est irrecevable, en application de l'article 152 de la loi du 25 janvier 1985, dès lors que, M. et Mme Philippe X... ont été mis en liquidation judiciaire par jugement du 23 mai 2000 et qu'ils ont formé, seuls, le pourvoi sans que le liquidateur judiciaire intervienne à la procédure devant la Cour de Cassation ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 102 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 621-105 du Code de commerce, que lorsque la matière est de la compétence du tribunal qui a ouvert la procédure collective, la décision du juge-commissaire admettant ou rejetant la créance peut faire l'objet d'un recours devant la cour d'appel de la part du débiteur, fût-il dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens ; qu'ainsi lorsqu'était en cours, à la date du jugement d'ouverture, une instance tendant à sa condamnation au paiement d'une somme d'argent pour une cause antérieure à ce jugement, le débiteur a, dans ce cas également, le droit propre d'exercer les voies de recours prévues par la loi contre la décision statuant sur l'existence et le montant de la créance ; que le pourvoi est donc recevable ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. et Mme Philippe X... reprochent à l'arrêt d'avoir condamné solidairement M. Philippe X... avec M. Pierre X... à payer à la banque la somme de 1 000 000 francs avec intérêts capitalisés, alors, selon le moyen, que dans ses conclusions du 25 avril 2000, M. X... concluait expressément à la nullité des actes de cautionnement motifs pris notamment de ce que les actes ont été signés en blanc, les autres mentions étant rajoutées ultérieurement ; qu'en prétendant dès lors que M. X... n'avait pas conclu à la nullité de l'acte de caution, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que M. X... a, dans ses conclusions, soutenu, d'un côté, que "la faute de la banque est caractérisée à tous les niveaux et que la caution est donc nulle" et, demandé, d'un autre côté, la condamnation de la banque au paiement de dommages-intérêts et la compensation de ces sommes avec celles dues par lui au titre de son engagement ; qu'ainsi, tenue d'interpréter ces écritures qui n'étaient ni claires ni précises, la cour d'appel, qui ne les a pas dénaturées, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. et Mme Philippe X... font encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen, que M. X... avait fait valoir qu'en vertu des statuts de la société du même nom, les prêts, crédits et avances devaient être autorisés par le conseil d'administration et que la délibération de ce conseil à cette fin n'avait jamais existé ; qu'il soulignait que la banque elle-même avait fait valoir qu'il n'est pas démontré que le conseil d'administration n'ait pas donné cette autorisation, ce qui impliquait qu'elle devait l'être ; qu'en déclarant dès lors qu'il importait peu que cette délibération n'ait pas été justifiée par la banque, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que dès lors que la banque demandait l'application des dispositions de l'article 113 de la loi du 24 juillet 1966, devenu l'article L. 225-56 du Code de commerce, la cour d'appel, tenue de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui étaient applicables, s'est bornée, en faisant application des dispositions précitées, à donner leur exacte qualification aux faits et actes qui se trouvaient dans le débat ; que le moyen est sans fondement ;

Sur le troisième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. et Mme Philippe X... font encore grief à l'arrêt d'avoir condamné solidairement M. Philippe X... avec M. Y...
X... à payer à la banque la somme de 1 000 000 francs avec intérêts capitalisés et d'avoir rejeté les demandes de M. Philippe X... contre la banque, alors, selon le moyen :

1 / que le fait de demander un crédit à la banque n'est pas de nature à exclure toute faute de cette dernière dans l'octroi du crédit ;

qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a, par des motifs inopérants, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

2 / que la cour d'appel a constaté que la banque avait rompu les relations contractuelles sans préavis ; qu'en considérant que ce comportement n'était pas fautif aux motifs inopérants que la banque avait sollicité des documents comptables et avait enjoint à la société de suivre certaines modalités fixées en commun, sans constater que la banque avait avisé la société qu'à défaut elle romprait les relations contractuelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

3 / que dans ses conclusions d'appel, M. X... faisait valoir qu'au début de l'année 1995, le découvert s'établissait à 1 800 000 francs tandis que le 21 septembre précédent, des incidents de paiement étaient déjà intervenus ainsi que le refus de paiement d'effets de commerce, ce qui démontrait déjà l'état de cessation des paiements ;

qu'il ajoutait que le 7 février 1995, la banque demandait à la société de ramener le découvert au niveau de l'autorisation, à peine de rejet mais que la banque, loin de révoquer son concours a laissé le découvert s'installer et augmenter et que le 20 mars alors que le découvert avait atteint à ce jour 1 742 799 francs pour une autorisation de 200 000 francs, la banque avait demandé aux cautions de porter leur engagement de 500 000 francs à 1 000 000 francs ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions précises de nature à établir la faute de la banque, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient, répondant par là même aux conclusions invoquées par la troisième branche, que les cautions dirigeantes d'une société ne peuvent faire grief à une banque ou à un établissement de crédit d'avoir consenti à cette société les crédits qu'ils ont eux-mêmes sollicités ; qu'ainsi, dès lors que M. X... n'alléguait ni ne démontrait que, par suite de circonstances exceptionnelles, il ignorait la situation de la société, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que la rupture des relations contractuelles intervenue sans préavis était la conséquence du refus de la société d'accéder aux demandes de la banque qui, déplorant avoir constaté de multiples dysfonctionnements dans la mobilisation des créances Dailly, l'avait invitée, mais vainement, ainsi qu'il ressort d'un courrier du 21 août 1995, à se conformer aux "modalités de suivi fixées en commun", et lui avait enjoint, également en vain, de produire avant la fin du mois de juillet 1995 les documents comptables qu'elle lui réclamait depuis plusieurs mois, arrêtés au 31 décembre 1994, ainsi qu'un état de la balance clients et des prévisions de trésorerie, indispensables à l'examen des lignes de concours "court terme" et à l'étude d'un crédit de consolidation avec garantie hypothécaire, dont l'entreprise avait manifesté le besoin ; qu'en l'état de ces constatations, dont il se déduisait que la banque était fondée à considérer le comportement du bénéficiaire du crédit comme gravement répréhensible, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le quatrième moyen :

Attendu que M. et Mme Philippe X... font enfin grief à l'arrêt d'avoir condamné Mme X... au paiement d'une somme de 10 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, alors, selon le moyen, que l'acte juridique par lequel une personne s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention écrite de sa main de la somme en toutes lettres et en chiffres ; qu'en estimant que Mme X... s'était portée caution, motifs pris de ce qu'elle avait apposé la mention "bon pour consentement", la cour d'appel a violé l'article 1326 du Code civil ;

Mais attendu que Mme X... ayant été condamnée aux dépens d'appel, sa condamnation au paiement de frais non répétibles est justifiée de ce seul fait par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que le moyen inopérant est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. et Mme X... à payer à la Banque française de crédit coopératif la somme globale de 1 800 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille deux.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 00-20400
Date de la décision : 26/11/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 15 janvier 1985) - Redressement et liquidation judiciaires - Effets - Dessaisissement du débiteur - Portée - Limites - Exercice des voies de recours contre les décisions relatives aux déclarations de créance.

BANQUE - Responsabilité - Ouverture de crédit - Rupture non fautive - Constatations suffisantes - Caution dirigeant social reprochant à une banque l'octroi de crédit par elle sollicité - Grief non fondé.


Références :

Code civil 1134
Code de commerce L621-105
Loi 85-98 du 25 janvier 1985

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles (16e chambre civile), 08 juin 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 nov. 2002, pourvoi n°00-20400


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:00.20400
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