AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1793 du Code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 17 janvier 2000), que la société d'Habitations à loyers modérés de la Guadeloupe (la société HLM), maître de l'ouvrage, a, par quatre marchés à forfait, chargé la société Soget, depuis lors en liquidation judiciaire, de la construction d'immeubles ; qu'alléguant n'avoir pas été réglée du solde du prix de ces marchés, la société Soget a assigné le maître de l'ouvrage en paiement des intérêts moratoires et, pour le chantier de la Résidence du Vieux Bourg, des charges supplémentaires ; que la société HLM a, par voie reconventionnelle, demandé la compensation de la dette de pénalité contractuelle avec celle du coût de la réparation des désordres affectant les travaux exécutés par la société Soget notamment au titre de ces opérations de construction ;
Attendu que, pour accueillir la demande de la société Soget au titre des charges supplémentaires, l'arrêt retient qu'il est démontré l'existence de multiples circonstances importantes qui ont bouleversé les conditions du marché et les prix fixés en décembre 1978, notamment la création de la caisse de chômage en mars 1980 entraînant des charges nouvelles, les grèves de 1979 aboutissant à l'allocation d'une gratification de fin d'année, la circulaire du 2 septembre 1980 modifiant la prime de transport et imposant une pause casse croûte ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les circonstances imprévisibles ne sont pas de nature à entraîner la modification du caractère forfaitaire du contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 1291 du Code civil ;
Attendu que lorsque deux dettes sont connexes, le juge ne peut écarter la demande de compensation au motif que l'une d'entre elles ne réunit pas les conditions de liquidité et d'exigibilité ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de la société de HLM en fixation de créance et en compensation, l'arrêt retient que l'existence non contestée de recours auprès des assureurs en responsabilité décennale prive la créance de cette société, qui peut de ce fait recevoir une double indemnisation des désordres, du caractère d'exigibilité nécessaire au fondement de la compensation ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la société de HLM demandait la compensation entre une dette envers la société Soget au titre des intérêts moratoires relatifs à quatre chantiers et une créance résultant, pour partie, du coût de reprise des malfaçons née de l'exécution de trois de ces mêmes chantiers, la cour d'appel, qui ne pouvait écarter la demande de compensation judiciaire entre des dettes dont elle relevait ainsi la connexité, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 janvier 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;
Condamne M. X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. X..., ès qualités, à payer à la société HLM de la Guadeloupe la somme de 1 900 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X..., ès qualités ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille deux.