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19/11/2002 | FRANCE | N°01-02546

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 novembre 2002, 01-02546


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 février 2001) que la société Au Lys de France exerçait une activité commerciale de vente de confiserie et chocolaterie sur le domaine public de l'aérogare n° 1 de l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle depuis 1974 ; qu'à la suite de la consultation organisée par l'établissement public Aéroports de Paris (ADP) pour le renouvellement de la concession "confiserie" dans cette aéroga

re, la société Au Lys de France a présenté une offre, le 23 novembre 1994, laquel...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 février 2001) que la société Au Lys de France exerçait une activité commerciale de vente de confiserie et chocolaterie sur le domaine public de l'aérogare n° 1 de l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle depuis 1974 ; qu'à la suite de la consultation organisée par l'établissement public Aéroports de Paris (ADP) pour le renouvellement de la concession "confiserie" dans cette aérogare, la société Au Lys de France a présenté une offre, le 23 novembre 1994, laquelle a été retenue et ses éléments financiers repris dans une convention du 12 mars 1996 fixant au profit de cette société et moyennant le paiement d'une redevance, les conditions d'occupation temporaire du domaine public à compter rétroactivement du 1er janvier 1995 ; que se prévalant de ce que les conditions ayant présidé à l'offre qu'elle avait formulée, et qui avaient été acceptées, n'étaient plus remplies, en ce qu'elles auraient été liées à l'organisation d'une consultation sur l'exploitation des commerces "gastronomie et confiserie" d'une autre aérogare qui finalement n'aurait pas lieu, la société Au Lys de France a demandé par lettre du 9 juillet 1996 à ADP de renégocier

les conditions financières de cette concession ; que des négociations s'en sont suivies entre les parties, qui n'ont pas abouti ; que par décision du 22 janvier 1998, ADP a prononcé la révocation de la convention d'occupation du domaine public ; que parallèlement, une consultation a été lancée en avril 1997 par ADP pour la concession ci-dessus évoquée dans l'aérogare 2, au terme de laquelle la candidature de la société Au Lys de France (pour la présélection) n'a pas été retenue ; que la société Au Lys de France, considérant que ADP s'était rendue coupable de pratiques anti-concurrentielles en fixant des taux de redevances disproportionnées et discriminatoires et en ayant recours à des procédures de sélection critiquables, a saisi le Conseil de la concurrence en faisant valoir que ces pratiques procédaient d'un exercice abusif de la position dominante d'ADP sur le marché pertinent constitué par la fourniture d'emplacements sur le domaine public aéroportuaire pour l'exploitation d'entreprises et de commerces de détail ;

Attendu que la société Au Lys de France fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours à l'encontre de la décision du 20 septembre 2000 du Conseil de la concurrence déclarant sa plainte irrecevable au motif qu'elle nentrait pas dans le champ de la compétence dudit Conseil, alors, selon le moyen, qu'était essentiellement en cause devant le Conseil de la concurrence la méthode de fixation du niveau des redevances afférente à l'occupation du domaine public pour des motifs commerciaux par ADP, dans le cadre de négociation précontractuelle avec le futur titulaire de l'autorisation ; que dans ces conditions, n'étaient pas contestées des décisions de puissance publique relatives à la gestion du domaine public, lesquelles sont en l'espèce constituées par les décisions d'accorder ou non une autorisation contractuelle de présence sur le domaine public ou par la décision de résilier cette autorisation, mais la méthode de négociation fondée sur une proposition de redevance abusive, et l'imposition d'une telle redevance, à peine de ne pas conclure la convention ou encore de la résilier ; que la jurisprudence pertinente du tribunal des conflits distingue bien les décisions administratives qui mettent en cause l'organisation du service public ou la gestion du domaine public, de simples pratiques détachables de l'usage de prérogatives de puissance publique pour la mission de service public ou pour la gestion du domaine public ; qu'il existe bien en effet des actes de gestion du domaine public qui, parce qu'ils constituent l'usage de prérogatives de puissance publique liées à la mise en oeuvre d'une mission de service public ou à la manifestation des pouvoirs régaliens conférés à l'administration, dans l'intérêt public, sur le domaine public, sont des décisions administratives bénéficiant de l'immunité juridictionnelle au regard de la compétence du Conseil de la concurrence et, partant, de la cour d'appel de Paris contrôlant cette autorité administrative indépendante, et des actes de gestion du domaine public qui, parce qu'ils ne traduisent pas l'usage de telles prérogatives de puissance publique pour l'exercice d'une mission de service public ou la gestion du domaine public dans

l'intérêt public, ne bénéficient pas de cette immunité, et, partant, relèvent bien des dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986, spécialement de son article 8, prohibant les abus de position dominante, et entrent dans le champ de compétence du Conseil de la concurrence, tel qu'il résulte de l'article 53 de cette même ordonnance ; qu'en considérant que la demande formée par la société Au Lys de France devant le Conseil de la concurrence constituait des pratiques non détachables de l'appréciation de la légalité d'actes administratifs indissociables de la gestion du domaine public, la cour a méconnu les dispositions de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisé, aujourd'hui codifié à l'article L. 410-1 du Code du commerce, ensemble le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, résultant de l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 Fructidor an III ;

Mais attendu que l'arrêt qui retient que la résiliation par un établissement public d'une convention d'occupation du domaine public à la suite du non paiement de redevances dont le taux est par ailleurs contesté ainsi que le refus opposé à une demande de concession, constituent des décisions par lesquelles une personne publique assure la mission de gestion du domaine public, qui lui est confiée, au moyen de prérogatives de puissance publique, et qui relève que les conditions critiquées de fixation du niveau des redevances d'occupation temporaire du domaine public sont indissociables de la gestion de ce domaine, a statué à bon droit ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Au Lys de France aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande d'Aéroports de Paris et du ministre de l'Economie des Finances et du Budget ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille deux.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 01-02546
Date de la décision : 19/11/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONCURRENCE - Dispositions diverses - Conseil de la concurrence - Compétence d'attribution - Redevances d'occupation précaire du domaine public - Exclusion .

La résiliation par un établissement public d'une convention d'occupation du domaine public et le refus opposé à une demande de concession constituent des décisions par lesquelles une personne publique assure la mission de gestion du domaine public qui lui est confiée au moyen de prérogatives de puissance publique. Ayant constaté que les conditions de fixation du niveau des redevances d'occupation temporaire du domaine public étaient indissociables de la gestion de ce domaine, une cour d'appel a décidé à bon droit que le Conseil de la concurrence n'était pas compétent pour examiner la saisine d'un opérateur dénonçant ces conditions.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 février 2001

A RAPPROCHER : Trib. Confl., 1999-10-18, Bulletin 1999, Trib. Confl., n° 29, p. 31 ; Chambre commerciale, 2000-05-16, Bulletin 2000, IV, n° 99, p. 87 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 19 nov. 2002, pourvoi n°01-02546, Bull. civ. 2002 IV N° 170 p. 194
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2002 IV N° 170 p. 194

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Dumas .
Avocat général : Avocat général : M. Lafortune.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Champalaune.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Lesourd, la SCP Piwnica et Molinié, M. Ricard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:01.02546
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