AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Jean-Baptiste X..., qui exerçait la profession de chirurgien-dentiste, est décédé en 1960, laissant sa veuve, qui décédera en 1983, et leurs deux filles, Simone et Jeanine épouse Y... ; que cette dernière a assigné sa soeur en partage de la communauté de biens ayant existé entre leurs parents et de la succession de chacun ; que l'arrêt attaqué (Nîmes, 24 mai 2000) a notamment fixé la valeur du cabinet dentaire, exploité par des remplaçants jusqu'à ce que Mme Y... ait achevé ses études dentaires et reprenne le cabinet à son nom fin 1964 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt d'avoir été rendu en violation de l'article 786 du nouveau Code de procédure civile, dès lors qu'il ne résulte pas de ses énonciations que le magistrat qui a tenu seul l'audience pour entendre les plaidoiries, avant d'en rendre compte à la formation de jugement de la Cour, ait obtenu l'accord des avocats pour ce faire ;
Mais attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt que les débats ont eu lieu devant un seul magistrat qui a fait rapport à la formation collégiale ; que ces mentions suffisent à établir qu'il a été satisfait aux exigences de l'article 786 du nouveau Code de procédure civile, faute d'opposition des avocats ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que Mme Y... fait encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de nouvelle expertise et d'avoir fixé la valeur du cabinet dentaire à la somme de 410 000 francs, alors, selon le moyen :
1 / que seul le droit de présentation de la clientèle constitue une valeur patrimoniale ; que Jean-Baptiste X... n'ayant pas exercé son droit de présentation de sa clientèle avant son décès, l'avantage pécuniaire représentant la valeur de cette clientèle ne pouvait entrer dans le cadre du partage successoral, de sorte qu'en retenant la valeur de cette clientèle en 1960, la cour d'appel a violé les articles 826 et 1128 du Code civil ;
2 / qu'en s'abstenant de prendre en considération la déperdition de clientèle entre le décès de Jean-Baptiste X... et la reprise du cabinet, la cour d'appel a encore violé l'article 826 du Code civil ;
Mais attendu, d'abord, que la cession d'une clientèle médicale n'est pas illicite dès lors qu'elle sauvegarde la liberté de choix du patient ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel était fondée à prendre en compte la valeur de la clientèle médicale ; qu'ensuite, ayant relevé qu'au décès de son mari, Mme veuve X... avait fait fonctionner le cabinet avec un remplaçant jusqu'en 1962, date à laquelle sa fille Jeanine avait obtenu son diplôme de dentiste, que de 1962 à 1964, celle-ci avait exploité le cabinet comme remplaçante, jusqu'à ce qu'elle le reprenne à son nom, et que ce mode d'exploitation avait été décidé dans son intérêt exclusif, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, évaluant en réalité l'avantage recueilli par Mme Y..., restituable à l'indivision successorale, a estimé qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte de la baisse de clientèle et de valeur du cabinet dentaire résultant de son exploitation temporaire par un remplaçant ;
D'où il suit que le moyen, non fondé en sa première branche, ne peut être accueilli en la seconde ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Jeanine Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme Simone X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille deux.