AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu qu'Agnès X..., veuve Y..., est décédée le 19 avril 1994 laissant pour lui succéder sa fille Mme Z... et deux petits-enfants, Mme A... et M. Marc B..., venant par représentation de son fils Claude Y..., prédécédé ; que l'arrêt attaqué a dit que Mme Z... est titulaire dans la succession d'une créance de salaire différé au titre de son activité sur l'exploitation agricole familiale d'octobre 1944 à 1957 et a rejeté la demande des consorts C... tendant à la reconnaissance à leur père prédécédé, qui avait vécu et travaillé sur l'exploitation agricole, d'une créance de salaire différé qui leur sera allouée ;
Sur le premier moyen tel qu'énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe au présent arrêt :
Attendu que les consorts C... n'ont pas soutenu en appel que les avantages en nature dont aurait bénéficié leur tante en étant hébergée chez sa mère se seraient poursuivis au-delà de la période retenue pour l'allocation du salaire différé ; que la cour d'appel n'avait pas à faire une recherche qui ne lui était pas demandée ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
Sur le second moyen :
Vu l'alinéa 1er de l'article L. 321-14 du Code rural ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, que le bénéfice du contrat de travail à salaire différé constitue pour le descendant de l'exploitant agricole un bien propre dont la dévolution, par dérogation aux règles du droit civil et nonobstant toutes conventions matrimoniales, est exclusivement réservée à ses enfants vivants ou représentés ;
Attendu que, pour rejeter la demande des consorts D... tendant à voir dire qu'ils avaient hérité de la créance de salaire différé de leur père, l'arrêt retient que ces derniers estiment ne pas entrer dans le cadre de l'article L. 321-18 du Code rural puisqu'ils avaient respectivement 31 et 18 ans au décès de leur père ;
que ce texte, qui prive du bénéfice du droit à salaire différé du descendant d'un exploitant agricole les enfants et petits-enfants qui n'ont jamais travaillé sur un fonds rural, doit être compris comme renvoyant à l'article L. 321-14 du même Code et non comme il le fait littéralement, à l'article L. 311-16 et que, pour recueillir la créance de salaire différé, les enfants doivent avoir travaillé sur le fonds à moins que, lors du règlement de la créance, ils se trouvent encore soumis à l'obligation scolaire ou poursuivent leurs études dans un établissement agricole ; qu'en l'espèce, les demandeurs n'ont fourni aucun élément établissant qu'ils ont travaillé sur le fonds rural ni qu'ils se sont trouvés au décès de leur père dans une des deux situations précitées ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article L. 321-14 du Code rural n'assortit d'aucune condition la transmission de la créance de salaire différé du descendant prédécédé de l'exploitant à ses enfants, et que les deux autres textes visés au moyen sont relatifs à des situations particulières, qui sont d'une part, concernant l'article L. 321-16 du Code rural, celle du conjoint du descendant prédécédé et d'autre part, pour l'article L. 321-18 du même Code, celle de l'abandon de l'activité agricole par l'ascendant, la cour d'appel a violé le texte susvisé par refus d'application ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de bénéfice, par les consorts C..., du contrat de travail à salaire différé de leur père, l'arrêt rendu le 14 mars 2000, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille deux.