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30/10/2002 | FRANCE | N°02-80207

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 octobre 2002, 02-80207


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente octobre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Joost,

- Y...
Z... Paul,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnell

e, en date du 28 mars 2001, qui, pour fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, les a ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente octobre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Joost,

- Y...
Z... Paul,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 28 mars 2001, qui, pour fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, les a condamnés, le premier à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et 100 000 francs d'amende, le second à 30 000 francs d'amende, a ordonné l'affichage et la publication de la décision et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs, et le mémoire en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que la société néerlandaise Gogo Tours, qui exploite, depuis le mois de décembre 1994, sur la commune de Mont de Lans (département de l'Isère), un fond de commerce d'hôtel-bar-restaurant-centre de séjour, s'est abstenue de déposer les déclarations périodiques de son chiffre d'affaires assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et les déclarations annuelles de ses résultats soumis à l'impôt sur les sociétés, n'a ouvert aucun des livres et comptes dont la tenue est exigée par les articles 8 et 9 du Code de commerce et a été vainement mise en demeure de satisfaire à ses obligations ;

Attendu que Joost X..., dirigeant de droit de la société, et Paul Y...
Z..., dirigeant de fait de l'établissement secondaire, sont poursuivis pour avoir frauduleusement soustrait la société à l'établissement et au paiement total de la TVA exigible pour la période du 1er décembre 1994 au 31 octobre 1996 et de l'impôt sur les sociétés dû au titre des exercices 1994 et 1995 et pour avoir omis de passer ou faire passer des écritures au livre d'inventaire et au livre-journal ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 4 du protocole n° 7 du 22 novembre 1984 à la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble violation du principe "non bis in idem" ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Joost X... et Paul Y...
Z... coupables d'avoir à Mont de Lans - Deux Alpes, au cours des années 1994, 1995 et 1996, en qualité de dirigeants de droit et de fait de la société de droit néerlandais Gogo Tours exploitant un établissement secondaire stable, volontairement et frauduleusement soustrait la société à l'établissement et au paiement de la TVA et de l'impôt sur les sociétés, en s'abstenant de déposer les déclarations de résultats correspondantes, et d'avoir sciemment omis de passer ou de faire passer au titre des exercices 1994, 1995 et 1996 des écritures au livre d'inventaire et au livre journal ;

"aux motifs que Joost X... et Paul Y...
Z... sont poursuivis pour infractions fiscales se fondant sur le non-paiement de la TVA et de l'impôt sur les sociétés, outre l'irrégularité de tenue des documents comptables ; que ces faits matériels sont distincts de ceux pour lesquels ils ont été poursuivis et condamnés et qui consistaient en l'exécution d'un travail clandestin par l'emploi de travailleurs non déclarés aux organismes sociaux et fiscaux ;

"alors que nul ne peut faire l'objet d'une double condamnation à raison des mêmes faits ; qu'à propos des mêmes faits commis en 1994, 1995 et 1996 (création par la société néerlandaise Gogo Tours d'un établissement secondaire stable en France, aux Deux-Alpes, fonctionnant sans immatriculation au Registre du commerce et des sociétés, sans autonomie comptable et sans déclarations effectuées aux autorités sociales et fiscales), les prévenus ont été, par un arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 7 mai 1997, déclarés coupables d'exercice à but lucratif d'une activité d'exploitation d'un point d'accueil aux Deux-Alpes, sans requérir l'immatriculation obligatoire au Registre du commerce et des sociétés et sans procéder aux déclarations exigées par les organismes de protection sociale et par l'administration Fiscale, et ont fait l'objet d'une condamnation pénale ; qu'en procédant à nouveau, à propos des mêmes faits et du même comportement mais sous une qualification différente, à une déclaration de culpabilité à leur égard, et en leur infligeant une nouvelle condamnation pénale, la cour d'appel a violé les textes et principe susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme qu'avant toute défense au fond, les prévenus ont invoqué l'irrecevabilité des poursuites en soutenant avoir été poursuivis pour les mêmes faits et condamnés par arrêt de la cour d'appel de Grenoble, en date du 7 mai 1997, pour avoir exploité un fond de commerce de bar-restaurant sans requérir son immatriculation au registre du commerce et des sociétés et sans souscrire les déclarations sociales et fiscales afférentes, et pour y avoir employé 5 salariés sans déclaration préalable et sans tenir le registre des entrées et sorties du personnel ;

Attendu que, pour écarter cette exception, les juges retiennent que les faits poursuivis sont distincts et caractérisent les éléments matériels d'infractions différentes ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 et 1743 du Code général des impôts, L. 223-22 du Code de commerce, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Paul Y...
Z... coupable, en sa qualité de dirigeant de fait de l'établissement secondaire stable situé aux Deux-Alpes de la société néerlandaise Gogo Tours, des délits de soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt et d'omission d'écriture dans un livre comptable, et l'a condamné de ces chefs ;

"aux motifs que cet établissement est géré par Paul Y...
Z... ;

"alors que, si la méconnaissance des obligations de déclarations comptables et fiscales, incombant au dirigeant social, peut être imputée au dirigeant de fait, c'est à la condition de caractériser la gestion de fait ; qu'en se bornant à déclarer Paul Y...
Z... coupable d'un tel délit en sa qualité de dirigeant de fait de l'établissement secondaire stable situé aux Deux-Alpes de la société Gogo Tours, sans préciser en quoi Paul Y...
Z..., qui avait précisé aux enquêteurs que les services d'administration de la société se trouvaient aux Pays-Bas, et que son activité, rémunérée par un salaire modeste, consistait en l'accueil des touristes néerlandais auxquels il rendait de menus services (installation d'une cuisine-bar, intervention comme guide), aurait exercé en toute souveraineté et indépendance une activité positive de gestion et de direction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Attendu que, faute d'avoir été proposé devant les juges du fond, le moyen, mélangé de fait, est nouveau et, comme tel, irrecevable ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 et 1743 du Code général des impôts, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables des délits de soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt par omission de déclaration, et d'omission d'écriture dans un livre comptable, à l'occasion de l'exploitation d'un établissement secondaire stable en France, aux Deux-Alpes, et les a condamnés de ce chef ;

"aux motifs qu'il est suffisamment démontré que l'établissement des Deux-Alpes est un établissement stable au sens de l'article 7 de la Convention fiscale franco-néerlandaise du 16 mars 1973 ; qu'en effet cet établissement est ouvert depuis décembre 1994 avec une activité de centre de séjour fonctionnant avec son propre personnel ; que la société Gogo Tours a fait procéder à la rénovation du mobilier de la résidence, ainsi qu'à l'aménagement d'une salle de bar et d'une cuisine, et a pris à son compte les contrats EDF/GDF ;

"alors que le fait, pour une société néerlandaise organisant des séjours touristiques dans le monde entier, d'organiser de façon saisonnière, selon des contrats conclu aux Pays-Bas, des séjours de neige en France pour des ressortissants néerlandais, en louant à la saison, dans la station des Deux alpes, une trentaine d'appartements dont elle prend à sa charge, pendant la location, les contrats EDF/GDF, et où elle se borne à installer une cuisine-bar, ne constitue pas la création en France d'un "établissement secondaire stable" au sens de l'article 7 de la Convention fiscale franco-néerlandaise du 16 mars 1973 ; qu'il s'ensuit que, faute de caractériser l'existence d'un établissement stable en France, et d'établir ainsi l'assujettissement de la société Gogo Tours aux obligations comptables et fiscales françaises, la cour d'appel n'a pas légalement justifié la déclaration de culpabilité du chef de fraude fiscale" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 et 1743 du Code général des Impôts, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Joost X... et Paul Y...
Z... coupables des délits de soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt, par omission de déclaration, et omission d'écriture dans un livre comptable, et les a condamnés de ce chef ;

"aux motifs que, s'il est établi, par la production des bilans de la société Gogo Tours, qu'une comptabilité relative à l'établissement des Deux alpes est intégrée dans la comptabilité globale de l'entreprise, ceci ne démontre pas le défaut d'intention coupable de se soustraire à l'imposition française ; que, dès décembre 1996, Joost X... et Paul Y...
Z... ont eu la possibilité de s'expliquer avec l'administration Fiscale française ;

que, pourtant, force est de constater que, mis en demeure à de nombreuses reprises de régulariser la situation, ils n'en ont rien fait ;

que cette attitude démontre une intention évidente de frauder ;

"alors, d'une part, que le délit de fraude fiscale prévu à l'article 1741 du Code général des Impôts, de même que le délit d'omission de passer les écritures comptables, prévu à l'article 1743 du même Code, exigent tous les deux une intention de frauder que les juges du fond doivent caractériser ; qu'en se bornant à énoncer que les prévenus établissaient certes que l'activité de l'établissement des Deux-Alpes était intégrée dans la comptabilité globale de l'entreprise, mais ne démontraient pas pour autant le défaut d'intention coupable de se soustraire à l'imposition française, sans caractériser cette intention coupable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"alors, d'autre part, que, dans leurs conclusions (page 9), les prévenus expliquaient que la notion d'établissement stable était complexe et incertaine, et qu'ils pensaient en toute bonne foi ne pas être dans l'obligation d'effectuer, concernant le point d'accueil des Deux-Alpes, des déclarations en France ; qu'en retenant une "intention évidente de frauder", sans s'expliquer sur cette argumentation essentielle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"alors, enfin, que les prévenus faisaient encore valoir, dans leurs conclusions (page 10), que le défaut de régularisation immédiate s'expliquait par le fait que, lors du redressement du 2 juillet 1997, l'administration Fiscale avait, à tort, choisi la procédure d'opposition à un contrôle fiscal, qui est une procédure d'évaluation d'office assortie d'une sanction égale à 150% des suppléments de droits, généralement mise en oeuvre en raison du comportement dilatoire ou injurieux du contribuable, alors même qu'ils n'avaient pas refusé de présenter les documents comptables et fiscaux demandés, mais ne pouvaient les présenter à défaut de leur existence même ; qu'en se bornant à déduire la volonté de frauder du défaut de régulariser la situation, sans s'expliquer sur cette argumentation pertinente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables des délits de fraude fiscale et d'omission d'écritures en comptabilité, les juges du second degré, par motifs propres et adoptés, énoncent que le fond de commerce, exploité aux Deux Alpes par la société Gogo Tours, est un établissement stable, ayant nécessité des travaux d'aménagement et de rénovation, fonctionnant, avec un personnel propre, depuis le mois de décembre 1994, pour lequel la société était tenue de déposer des déclarations fiscales en France, par application des articles 5 et 7 de la convention fiscale, signée le 16 mars 1973 entre la France et les Pays-Bas, tendant à éviter les doubles impositions ;

Qu'ils retiennent qu'elle n'a jamais satisfait à ses obligations déclaratives et comptables ;

Qu'ils relèvent qu'au mépris de mises en demeure, les prévenus n'ont pas régularisé cette situation et ajoutent que cette attitude révèle une intention évidente de frauder ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne peuvent qu'être rejetés ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1745 du Code général des Impôts, 111-3 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit que Joost X... et Paul Y...
Z... sont tenus solidairement avec la société Gogo Tours au paiement des impôts fraudés et à celui des pénalités afférentes, en ordonnant la contrainte par corps ;

"alors que les juges doivent spécifier la peine prononcée, ainsi que le montant des pénalités ; qu'en se bornant à condamner les prévenus "au paiement des impôts fraudés et à celui des pénalités afférentes", sans préciser le montant des impôts, ni celui des pénalités afférentes, la cour d'appel a prononcé une sanction indéterminée et violé le principe de légalité des délits et des peines" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'après avoir condamné les prévenus pour fraude fiscale, les juges du fond les ont déclarés solidairement tenus avec la société Gogo Tours, redevable légal des impositions, au paiement des impôts fraudés et des majorations et pénalités afférentes et ont ordonné l'exercice de la contrainte par corps pour le recouvrement des impôts directs, dont l'assiette a motivé les poursuites ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors qu'il n'appartient pas au juge répressif de déterminer le montant des impôts fraudés, des majorations et pénalités, la cour d'appel a fait l'exacte application des dispositions des articles 1745 du Code général des impôts et L. 272 du Livre des procédures fiscales ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-80207
Date de la décision : 30/10/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, 28 mars 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 oct. 2002, pourvoi n°02-80207


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:02.80207
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