AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Riom, 6 janvier 1999), que la société Ost développement a confié à la société Artoros la commercialisation de certains de ses produits dans différents secteurs pour une durée de trois ans renouvelable par tacite reconduction, avec engagement de réaliser un chiffre minimum de ventes ; que faute d'atteindre ce résultat, il pouvait être mis fin au contrat avec préavis de six mois ; que le contrat pouvait, en outre, être résilié de plein droit en cas de manquement grave, après mise en demeure restée sans effet à l'expiration d'un délai de deux mois ; que la société Ost développement ayant mis fin au contrat avec préavis de six mois, la société Artoros a indiqué à quelques clients que ses relations avec la société Ost développement allaient prendre fin et leur a proposé des produits concurrents ; que la société Ost développement a alors mis fin immédiatement au préavis en cours ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Artoros reproche à l'arrêt d'avoir dit la société Ost développement bien fondée en son opposition à l'injonction de payer à la société Artoros la somme de 19 674 francs en principal à titre de commissions sur les ventes réalisées dans son secteur d'agent commercial, alors, selon le moyen :
1 / qu'à défaut de stipulation contraire, lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique, l'agent commercial a droit à commission pour toute opération conclue même sans son intervention, pendant la durée du contrat, avec une personne appartenant à ce secteur ; qu'en déduisant l'absence de droit à commission de la société Artoros sur toutes les ventes conclues dans le secteur qui lui est attribué du fait que le contrat ne lui conférait pas un droit d'exclusivité sur ce secteur, la cour d'appel a violé l'article 6 de la loi du 25 juin 1991 ;
2 / qu'en se bornant, pour apprécier le droit à commission de la société Artoros sur toutes les opérations conclues dans le secteur dont elle était chargée, à rechercher si elle jouissait d'un droit d'exclusivité sur ce secteur, sans constater que le contrat comportait des stipulations contraires à l'article 6 de la loi du 25 juin 1991, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de cet article 6 et de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que le contrat d'agence commerciale en cause précise que les commissions seront déterminées "pour la prestation de service effectuée pour le compte de Ost développement" ; qu'il retient encore qu'une lettre du mandant du 22 juillet 1997, non critiquée par la société Artoros, confirme que les commissions n'étaient dues que pour les ventes suivies par l'agent ; qu'en l'état de ces constatations faisant ressortir que le contrat prévoyait des dispositions contraires à l'article 6 ci-dessus invoqué, la cour d'appel, qui a fait la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ;
que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la société Artoros reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant au paiement par la société Ost développement d'une indemnité au titre de la rupture du contrat d'agent commercial, alors, selon le moyen :
1 / que la société Artoros avait droit à commission sur l'ensemble des opérations conclues même sans son intervention avec des clients appartenant au secteur dont elle était chargée ; que la cour d'appel a constaté que l'objectif de chiffre d'affaires aurait été atteint si toutes les opérations conclues dans son secteur avaient été prises en compte, de sorte que la société Ost développement n'aurait pas alors été en droit de rompre le contrat ; que la cassation à intervenir sur la base du premier moyen ci-dessus implique que la cour d'appel, en refusant toute indemnité au motif que la rupture était justifiée, a violé l'article 1134 du Code civil ;
2 / que l'article 7 du contrat prévoyait d'une part : "Si la société Artoros... n'atteignait pas le chiffre d'affaires prévu... la société Ost développement aurait droit de mettre fin au contrat en respectant le préavis de six mois" et d'autre part, "En cas de manquement grave aux dispositions du présent contrat et après mise en demeure... restée sans effet à l'expiration d'un délai de deux mois, le présent contrat sera résilié de plein droit si bon semble à la partie ayant notifié la mise en demeure" ;
qu'ainsi, même pendant la période de préavis de six mois à compter de la résiliation notifiée en vertu de l'article 7-2 pour non réalisation des objectifs, la rupture pour faute grave ne pouvait être prononcée qu'après mise en demeure restée sans effet durant deux mois ; qu'en décidant que la société Ost développement pouvait, en cas de manquement grave, mettre prématurément fin au préavis sans avoir respecté la formalité de mise en demeure prévue par l'article 7-3, la cour d'appel a violé le contrat par refus d'application de l'article 1134 du Code civil ;
3 / que dans le cas où le mandant prend l'initiative de cesser ses relations avec l'agent commercial, il doit lui verser une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; que cette indemnité n'est exclue que si cette cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ; qu'en refusant tout droit à indemnité de rupture à la société Artoros au seul motif qu'elle aurait commis une faute grave durant la période de préavis, et donc sans avoir constaté l'existence d'une faute grave ayant provoqué la cessation du contrat, la cour d'appel a violé les articles 12 et 13 de la loi du 25 juin 1991 ;
Mais attendu, en premier lieu, que le rejet du premier moyen entraîne par voie de conséquence le rejet de la première branche du second moyen ;
Attendu, en second lieu, que loin de refuser tout droit à indemnité au motif que l'agent aurait commis une faute grave durant la période de préavis, l'arrêt retient que la cessation du contrat a été provoquée par la faute grave de l'insuffisance du chiffre d'affaires imputable au seul agent et que les fautes graves subséquentes ont justifié l'interruption du préavis, la rupture étant déjà intervenue, de sorte que l'article 7-3 du contrat n'était plus applicable ; qu'ainsi la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Artoros aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du vingt-neuf octobre deux mille deux.