AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° E 00-13.413 et n° C 01-40.348 ;
Attendu que M. X..., engagé par la société Groupe J le 3 août 1987, en qualité de journaliste a été licencié pour faute grave le 16 janvier 1997 ; qu'il a saisi d'une part, la commission arbitrale des journalistes d'une demande en paiement de l'indemnité de licenciement conformément à l'article L 761-5 du Code du travail et, d'autre part, le conseil de prud'hommes de diverses demandes relatives à la rupture, à l'exclusion de l'indemnité de licenciement ; que la commission arbitrale a, par sentence du 2 juin 1998, estimé que le journaliste ne pouvait se voir reprocher aucune faute et a condamné l'employeur à lui payer l'intégralité du montant de l'indemnité de licenciement ; que la sentence a fait l'objet d'un recours en annulation porté devant la cour d'appel de Paris ; que le conseil de prud'hommes a, par jugement du 4 mai 1998, décidé que M. X... avait commis une faute grave ; que ce jugement a été infirmé par arrêt de la cour d'appel de Versailles en date du 16 novembre 2000 ;
Sur le pourvoi formé contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris :
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 13 janvier 2000) d'avoir rejeté le recours en annulation formé à l'encontre de la sentence arbitrale, alors, selon le moyen, que la commission arbitrale des journalistes est compétente pour réduire l'indemnité due au journaliste congédié "en cas de faute grave ou de faute répétée", d'où il suit qu'excède les termes de sa mission la commission qui, ayant connaissance d'un jugement du conseil de prud'hommes confirmant la faute grave du salarié, se reconnaît malgré tout le droit d'apprécier la nature des fautes reprochées à ce salarié et ne se borne pas à se prononcer sur le montant des indemnités dues au salarié, et que viole les articles L. 761-5 du Code du travail et 1484-3 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel qui ne sanctionne pas cet excès de pouvoir ;
Mais attendu que la commission arbitrale des journalistes, compétente par application de l'article L. 761-5 du Code du travail pour réduire ou supprimer l'indemnité de congédiement en cas de faute grave ou de fautes répétées, doit, pour fixer le quantum ou supprimer cette indemnité, apprécier la gravité ou l'existence des fautes alléguées, sans que la décision de la juridiction prud'homale, statuant sur les autres indemnités réclamées au titre de la rupture du contrat de travail, ne s'impose à elle ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen, que la possibilité laissée au journaliste congédié de saisir le conseil de prud'hommes malgré la compétence de la commission arbitrale imposée par l'article L. 761-5 du Code du travail en cas de faute grave reprochée au journaliste, ladite commission rendant une décision insusceptible d'appel, a pour effet de rompre l'égalité entre les parties dès lors que le jugement du conseil de prud'hommes, en l'espèce défavorable au journaliste congédié, est rendu à charge d'appel et que la décision de la commission, défavorable à l'employeur, ne peut faire l'objet que d'un recours en annulation ne donnant aucun plénitude de juridiction à la juridiction saisie de ce recours, en sorte qu'en refusant de prononcer l'annulation de la procédure suivie par la commission arbitrale, la cour d'appel a violé l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, lequel consacre le principe de l'égalité des armes entre les parties au procès ;
Mais attendu que l'employeur et le journaliste bénéficient des mêmes voies de recours contre, d'une part, la décision prud'homale et, d'autre part, la sentence arbitrale ; que, dès lors, c'est sans violer l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme que la cour d'appel a rejeté le recours en annulation ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi formé contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :
1 / qu'ayant constaté que M. X..., en sa qualité de rédacteur en chef adjoint, avait publié l'annonce dans le numéro 71 du magazine "Animal distribution" d'un article à paraître dans le numéro suivant sous le titre "Comment vendre des produits anti-chaleur" et que cet intitulé n'était pas conforme aux exigences déontologiques de la profession, ne justifie pas légalement sa solution au regard des articles L. 122-8, L. 122-9 et L. 122-14-4 du Code du travail l'arrêt attaqué qui considère que ce comportement du rédacteur en chef adjoint ne constituait ni une faute grave ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement au motif que l'annonce avait été rédigée à l'origine par l'auteur de l'article, un docteur vétérinaire, dans des termes différents mais tout aussi critiquables, motif qui perd totalement de vue le fait essentiel qu'en sa qualité de rédacteur en chef adjoint M. X... devait exercer un contrôle sur les textes à paraître et alerter le cas échéant ses supérieurs hiérarchiques en cas de problème ;
2 / que M. X... s'étant vu rétrograder du poste de rédacteur en chef à celui de rédacteur en chef adjoint avec interdiction d'apporter de lui-même une quelconque modification aux articles du docteur vétérinaire sans l'accord préalable de celui-ci, ne justifie pas légalement sa solution au regard des articles L. 122-8, L. 122-9 et L. 122-14-4 du Code du travail l'arrêt attaqué qui considère que le licenciement de M. X... n'était justifié ni par une faute grave ni même par une cause réelle et sérieuse, sans tenir compte du fait que le licenciement était en particulier motivé par la circonstance que M. X... avait expressément enfreint ladite interdiction en modifiant de son propre chef l'intitulé de l'article du docteur vétérinaire, quelque critiquable qu'ait pu également être l'intitulé originairement choisi par ce dernier ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé qu'en modifiant, en sa qualité de rédacteur en chef adjoint, le titre d'un article initialement prévu : "Conseils pour vendre des produits anti-chaleur" en "Comment vendre des produits anti-chaleur", il n'avait pas modifié ce titre dans un sens défavorable ; qu'elle a pu en déduire que le salarié n'avait pas commis de faute grave et décider, qu'aucun autre grief n'ayant été énoncé dans la lettre de rupture, le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Groupe J aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Groupe J à payer à M. X... la somme de 2 200 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf octobre deux mille deux.