AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize octobre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de Me FOUSSARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Lorenzina,
- Y... René-Claude, parties civiles,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'ANGERS, en date du 9 janvier 2002, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée des chefs notamment de faux et usage de faux en écritures publiques, corruption, trafic d'influence et escroquerie, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction et a condamné René-Claude Y... à une amende civile de 1.524 euros ;
Joignant les pourvois, en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
I - Sur le pourvoi formé par Lorenzina X... :
Sur sa recevabilité :
Attendu qu'aucun moyen du mémoire produit ne concerne ce demandeur ; qu'il n'est ainsi justifié d'aucun des griefs que l'article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre de l'instruction en l'absence de recours du ministère public ;
II - Sur le pourvoi formé par René-Claude Y... :
Vu l'article 575, alinéa 2, 6 du Code de procédure pénale ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles des articles 88-1, 91, 177-2, 212, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné René-Claude Y... à une amende civile de 1 524 euros pour constitution de partie civile abusive ;
"aux motifs que les investigations menées n'ont, au surplus, aucunement corroboré la thèse de la collusion entre Didier Leblond et Claude Breton présentée par les parties civiles, dont l'action apparaît particulièrement déplacée ; qu'ainsi, la procédure ouverte sur la constitution de partie civile de René-Claude Y... apparaît avoir été engagée de manière parfaitement abusive, ce qui ne peut que conduire à condamner son auteur à une amende civile de 1 524 euros correspondant au montant de la consignation ;
"alors que, premièrement, seul le juge d'instruction peut, sur réquisitions du procureur de la République et par décision motivée, condamner la partie civile à une amende civile lorsqu'il apparaît que la constitution de partie civile a été abusive ou dilatoire ; qu'aucun texte du Code de procédure pénale ne permet à la chambre de l'instruction, saisie d'un appel par la partie civile à l'encontre de l'ordonnance de non-lieu, de prononcer, en cas de confirmation de cette ordonnance, une amende civile ; qu'au cas d'espèce, pour avoir condamné René-Claude Y... à une amende civile correspondant au montant de la consignation, les juges du fond ont manifestement violé les textes susvisés ;
"et alors que, deuxièmement, s'il fallait considérer que l'article 177-2 du Code de procédure pénale s'applique devant la chambre de l'instruction saisie de l'appel de la partie civile, l'arrêt attaqué n'en serait pas moins sujet à censure ; qu'en effet, aux termes de ces dispositions, la décision prononçant une amende civile ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de vingt jours à compter de la communication à la partie civile et à son avocat, par lettre recommandée ou par télécopie avec récépissé, des réquisitions du procureur de la République ; qu'au cas d'espèce, en statuant comme ils l'ont fait sans constater que les réquisitions du procureur de la République, tendant à ce que René-Claude Y... soit condamné à une amende civile de 10 000 francs, avaient été adressées à ce dernier ou à son conseil, par lettre recommandée ou par télécopie avec récépissé, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés" ;
Vu l'article 177-2 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ce texte, le juge d'instruction peut, lorsqu'il rend une ordonnance de non-lieu à l'issue d'une information ouverte sur constitution de partie civile, prononcer contre la partie civile une amende civile s'il considère que cette constitution de partie civile est abusive ou dilatoire ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite de leur plainte avec constitution de partie civile des chefs de faux et usage en écritures publiques, corruption, trafic d'influence et escroquerie, René-Claude Y... et son épouse Lorenzina X... ont relevé appel de l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ; qu'après avoir confirmé l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l'instruction a, conformément aux réquisitions du procureur général, condamné René-Claude Y... à une amende civile de 1 524 euros en application de l'article 177-2 du Code de procédure pénale ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'amende civile n'avait été ni requise, ni prononcée en première instance, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée du texte suvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
I - Sur le pourvoi formé par Lorenzina X... :
Le DECLARE IRRECEVABLE ;
II - Sur le pourvoi formé par René-Claude Y... :
CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions ayant condamné René-Claude Y... au paiement d'une amende civile de 1 524 euros, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Angers, en date du 9 janvier 2002, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à RENVOI ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Angers, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Chanut conseiller rapporteur, MM. Pibouleau, Challe, Roger, Dulin, Rognon conseillers de la chambre, Mme de la Lance, MM. Soulard, Samuel, Valat, Lemoine, Mmes Menotti, Salmeron conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Launay ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;