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16/10/2002 | FRANCE | N°01-86203

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 octobre 2002, 01-86203


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize octobre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGER, les observations de Me BOUTHORS et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Eléonore Nouara, épouse Y...,

- Y... Edgard,

contre l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de PARIS, en date du 26 juin 2001, q

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize octobre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGER, les observations de Me BOUTHORS et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Eléonore Nouara, épouse Y...,

- Y... Edgard,

contre l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de PARIS, en date du 26 juin 2001, qui a autorisé l'administration des Impôts, à effectuer des visites et saisies de documents en vue de rechercher la preuve d'une fraude fiscale ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 16 B du Livre des procédures fiscales, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé l'administration fiscale à procéder à une perquisition hors l'ouverture d'une information pénale et en l'absence de flagrance ;

1 ) "alors que, d'une part, suivant l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de son domicile et il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales ; qu'une perquisition fiscale destinée, suivant l'article L. 16 du Livre des procédures fiscales, à réunir les éléments de preuve d'une fraude supposée en dehors de toute procédure de vérification et sans ouverture d'une information judiciaire n'est pas une mesure nécessaire au sens de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde ;

2 ) "alors que, d'autre part, toute personne a droit, suivant l'article 6 de la Convention de sauvegarde, à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal (...) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; que la seule possibilité pour le contribuable ayant d'ores et déjà fait l'objet d'une perquisition fiscale autorisée par ordonnance civile, de se pourvoir en cassation contre ladite ordonnance, est insuffisante au regard des droits garantis par l'article 6 précité ; que le justiciable doit en effet disposer d'une voie de droit lui permettant sans délai de faire valoir des moyens tendant soit à s'opposer à la perquisition, soit à faire concrètement vérifier la légalité et la régularité de celle-ci ;

qu'ainsi, la voie de recours ouverte par l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales à l'encontre de la seule ordonnance autorisant la perquisition est insuffisante au regard des garanties définies par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde ensemble son article 13" ;

Attendu que les dispositions de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ne contreviennent pas à celles des articles 6, 8 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors, d'une part, que le droit à un procès équitable est garanti tant par l'intervention du juge qui vérifie le bien-fondé de la requête de l'administration des Impôts, que par le contrôle effectué par la Cour de Cassation devant laquelle est exercé un recours effectif, d'autre part, que ces dispositions assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle et des nécessités de la lutte contre la fraude fiscale ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 66 de la Constitution, L. 16 B du Livre des procédures fiscales, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que le président du tribunal de grande instance a autorisé une visite domiciliaire dans le cadre d'ordonnances identiques rédigées par l'Administration et présentées le même jour auprès de trois juridictions différentes ;

"aux motifs que la requête est justifiée et que la preuve des agissements frauduleux présumés peut, compte tenu des procédés mis en place, être apportée par la mise en oeuvre du droit de visite et de saisie prévue à l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

"alors que la fiction d'un contrôle du juge déduit de la signature d'une ordonnance rédigée par l'Administration ne réalise pas l'objectif fondamental d'un contrôle propre et effectif du juge dans la délivrance d'une autorisation de visite domiciliaire" ;

Attendu que les motifs et le dispositif de l'ordonnance sont réputés avoir été établis par le juge qui l'a rendue et signée ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 66 de la Constitution, L. 16 B du Livre des procédures fiscales, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que le président du tribunal de grande instance a autorisé une visite domiciliaire dans le cadre d'ordonnances identiques rédigées par l'Administration et présentées le même jour auprès de trois juridictions différentes ;

"aux motifs que la requête est justifiée et que la preuve des agissements frauduleux présumés peut, compte tenu des procédés mis en place, être apportée par la mise en oeuvre du droit de visite et de saisie prévue à l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

"alors que, les dispositions de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ne sont pas applicables au contribuable faisant l'objet d'une procédure de vérification fiscale en cours ;

qu'en faisant cependant application desdites dispositions tout en relevant qu'une vérification fiscale était en cours à l'encontre de la société Optical Center, l'ordonnance attaquée est irrégulière" ;

Attendu que, la procédure tendant à la répression des fraudes fiscales étant distincte de celles tendant à l'établissement et au paiement des impôts dus par le contribuable, il n'est pas interdit à l'Administration de solliciter l'application de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales au cours d'une vérification fiscale ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 66 de la Constitution, L. 16 B du Livre des procédures fiscales, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que le président du tribunal de grande instance a autorisé une visite domiciliaire dans le cadre d'ordonnances identiques rédigées par l'Administration et présentées le même jour auprès de trois juridictions différentes ;

"aux motifs que la requête est justifiée et que la preuve des agissements frauduleux présumés peut, compte tenu des procédés mis en place, être apportée par la mise en oeuvre du droit de visite et de saisie prévue à l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

1 ) "alors que, d'une part, en produisant des documents tronqués (pièce 3-16 : 12 feuillets produits quant l'original en comporte 16 ; pièce 3-30 : 8 feuillets produits alors que l'original en comporte 9) et en omettant de produire l'ensemble des documents indiqués dans sa requête (les pièces 2-2 et 5-2 portent la mention "non attribuée"), l'Administration n'a pas permis au juge délégué d'exercer son office ;

2 ) "alors que, d'autre part, une autorisation ne peut être délivrée sur la foi notamment d'une pièce manifestement illicite ; que tel est le cas de la pièce 8-1 annexée à la requête, faisant état d'une dénonciation anonyme recueillie par les services sur la nature des liens entre les sociétés visitées ; qu'en cet état, l'autorisation délivrée est nulle" ;

Attendu, d'une part, que l'Administration est en droit de ne communiquer au juge que les pièces qu'elle estime pertinentes et qu'il n'est pas démontré que la production des pièces invoquées par la première branche du moyen aurait été de nature à remettre en cause l'appréciation du magistrat sur les présomptions de fraude fiscale ;

Attendu, d'autre part, que le juge peut faire état d'une déclaration anonyme faite oralement aux agents de l'administration fiscale, dès lors que celle-ci est soumise au moyen d'un document établi et signé par les agents de l'Administration, et qu'elle est, comme en l'espèce, corroborée par d'autres éléments d'information que l'ordonnance décrit et analyse ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Roger conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 01-86203
Date de la décision : 16/10/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris, 26 juin 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 oct. 2002, pourvoi n°01-86203


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:01.86203
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