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15/10/2002 | FRANCE | N°99-12767

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 octobre 2002, 99-12767


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société atlantique d'isolants thermiques expansés chimiquement (SAITEC) a refusé, le 3 juin 1993, la livraison d'une citerne d'isocyanate faite par son fournisseur, la société ICI France (ICI), en raison d'un défaut de conformité du produit livré ; qu'à sa demande, un expert a été désigné en référé le 9 août 1993 ; que parallèlement, la société ICI a assigné la société SAITEC en vue d'obtenir sa

condamnation à lui verser la somme en principal de 9 247 147 francs plus les intérêts,...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société atlantique d'isolants thermiques expansés chimiquement (SAITEC) a refusé, le 3 juin 1993, la livraison d'une citerne d'isocyanate faite par son fournisseur, la société ICI France (ICI), en raison d'un défaut de conformité du produit livré ; qu'à sa demande, un expert a été désigné en référé le 9 août 1993 ; que parallèlement, la société ICI a assigné la société SAITEC en vue d'obtenir sa condamnation à lui verser la somme en principal de 9 247 147 francs plus les intérêts, montant des factures échues correspondant à des livraisons d'isocyanate effectuées, depuis le 6 janvier 1993 ; que la société SAITEC a demandé, à titre reconventionnel, de déduire de la créance de la société ICI la somme de 3 821 730 francs et de lui allouer la somme de 10 000 000 francs à titre de dommages-intérêts ; que la société SAITEC ayant été mise en redressement judiciaire le 11 janvier 1994, un plan de continuation a été arrêté le 3 août 1995 ; que la société ICI a déclaré sa créance, puis a mis en cause dans l'instance en cours, l'administrateur judiciaire et le représentant des créanciers ;

Sur le second moyen, pris en ses cinq branches :

Attendu que la société SAITEC et M. X... agissant en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan font grief à l'arrêt d'avoir dit n'y avoir lieu à complément d'expertise et d'avoir fixé à 9 247 147 francs la créance de la société ICI et à 1 257 600 francs celle de la société SAITEC, alors, selon le moyen :

1 / qu'en écartant la demande de "complément d'expertise" présentée par la société SAITEC, au motif inopérant qu'elle aurait été "impossible à réaliser aujourd'hui cinq ans après les faits", sans s'expliquer sur "les résultats d'une analyse comparative versée aux débats" par la Société SAITEC et tendant à démontrer "labsence dhomogénéité des livraisons effectuées", "linstabilité dans la composition des lots litigieux livrés par la société ICI en 1993 et l'impossibilité pour la société SAITEC dobtenir une mousse de qualité acceptable" "entre février et juin 1993",ce dont elle "ne pouvait sapercevoir quaprès le refroidissement des blocs, cest-à-dire une dizaine de jours après leur fabrication", la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ;

2 / que dans ses conclusions d'appel, la société SAITEC soutenait s'être "trouvée dans l'incapacité de produire une mousse de qualité acceptable, lintégralité des coulées réalisées à compter du 26 février 1993 présentant, soit des trous dair, soit du scorching, soit du splitting et que les réclamations adressées à lépoque à la société ICI demeurant vaines, (elle) lui adressait un télex le 3 juin 1993", de sorte que son "préjudice direct" devait être réparé par la réduction de sa dette à concurrence des factures de livraison du " 19.02.93 " au "11.06.93" ;

que ceci était corroboré par le rapport d'expertise judiciaire, d'où il résultait que les premiers " désordres" étaient apparus le "30 juillet 1987" et qui rappelait "l'existence de nombreux incidents ayant ponctué les relations des parties et ayant fréquemment été lobjet de réclamations financières de la part de la société SAITEC" ; que dès lors, en se bornant à statuer sur les seules livraisons des "21 et 27 mai 1993", sans s'expliquer sur ce qui précède, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ;

3 / qu'au surplus, qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel "que M. Y... a certes fourni ces explications à partir de la seule livraison du 3 juin refusée, mais qu'il a pu à juste titre les appliquer aux deux lots des 21 et 27 mai 1993 alors que les trois livraisons étaient intervenues à quelques jours dintervalle, qu elles provenaient toutes trois de la même usine anglaise peu habituée à la fabrication du Suprasec 85 (ceci pouvant d'ailleurs expliquer les difficultés rencontrées)" ; qu'il s'en évinçait que, comme pour les "livraisons des 21 et 27 mai 1993", la SAITEC était en droit d'obtenir réparation du préjudice consécutif à la livraison du 3 juin 1993 ;

que dès lors, en omettant de réduire la dette de la SAITEC du montant des factures correspondant à cette livraison, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ;

4 / que le préjudice doit être intégralement réparé ; que dès lors, en allouant à la société SAITEC à titre de dommages-intérêts une somme globale de 500 000 francs, en réparation des préjudices subis du fait "quelle a dû acquérir les autres composants de la mousse en pure perte et qu elle se trouve contrainte de détruire une mousse invendable", après avoir déduit de la dette de la société SAITEC envers la société ICI une somme de "750 600 francs" au titre du "montant total des factures correspondant aux produits litigieux", la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice et les articles 1147 et 1149 du Code civil ;

5 / que le préjudice doit être intégralement réparé ; que dès lors, en allouant à la société SAITEC à titre de dommages-intérêts une somme globale de 500 000 francs, en réparation des préjudices subis du fait "qu elle a dû acquérir les autres composants de la mousse en pure perte et quelle se trouve contrainte de détruire une mousse invendable" et ce, au titre des seules "livraisons des 21 et 27 mai 1993", sans indemniser le préjudice résultant du gain manqué sur les ventes n'ayant pu être réalisées du fait de la défectuosité des produits livrés, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice et les articles 1147 et 1149 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel a considéré dans l'exercice de son pouvoir souverain que le complément d'expertise était impossible à réaliser cinq ans après les faits dès lors que les échantillons à analyser ne présentaient aucune garantie d'avoir été conservés dans des conditions satisfaisantes pour permettre des constatations fiables et qu'il était inutile dans la mesure où l'expert avait tiré de son examen des échantillons, les conclusions nécessaires à la solution du litige ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que l'expert n'ayant relevé aucune anomalie du produit livré en provenance des Pays-Bas susceptible d'expliquer les désordres constatés, la demande de la société SAITEC concernant les mousses fabriquées avec ce produit devait être rejetée tandis que la société ICI était responsable des désordres affectant les mousses fabriquées avec l'isocyanate en provenance de Grande-Bretagne qui avait fait l'objet des livraisons des 21 et 27 mai 1993 et qui était très réactif, ce qui entraînait des désordres ; que l'arrêt retient encore que la livraison de l'isocyanate en provenance de Grande-Bretagne du 3 juin 1993 avait été refusée et fait ainsi ressortir qu'aucun préjudice résultant de désordres dans la fabrication de mousses ne pouvait être invoqué ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations d'où il résultait que seuls les désordres provenant des livraisons des 21 et 27 mai 1993 devaient être réparés, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en troisième lieu, qu'après avoir relevé que les désordres causés par les livraisons du produit des 21 et 27 mai 1993 avaient empêché la commercialisation de la mousse fabriquée avec ce produit, que les autres composants de la mousse avaient été acquis en pure perte et que la mousse invendable avait dû être détruite, la cour d'appel a évalué l'ensemble des préjudices comprenant, d'un côté la déduction de la dette de la société SAITEC, du montant des factures correspondant aux produits litigieux, de l'autre des dommages-intérêts dont elle a fixé le montant ; que la cour d'appel qui a réparé intégralement le préjudice a ainsi légalement justifié sa décision ;

Attendu, en quatrième lieu, que le jugement n'ayant pas retenu une indemnisation pour la perte d'une marge de 45% en raison de l'absence de vente à un client durant deux ans, il ne résulte ni de l'arrêt, ni des conclusions d'appel que la société SAITEC ait critiqué ces dispositions en invoquant l'existence d'un manque à gagner ; que le moyen mélangé de fait et de droit est nouveau ;

D'où il suit qu'irrecevable en sa dernière branche, le moyen manque en fait en sa seconde branche et n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 48 et 74, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985 devenus les articles L. 621-41 et L. 621-76, alinéa 1er, du Code de commerce ;

Attendu que pour condamner, après compensation, la société SAITEC à payer à la société ICI, la somme de 7 989 547 francs avec les intérêts au taux légal du 23 août 1993 au 11 janvier 1994, l'arrêt retient que la société SAITEC est redevenue maître de ses affaires ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'instance en cours ne pouvait tendre, au regard de la société SAITEC, qu'à la constatation de la créance de la société ICI antérieure au jugement d'ouverture du redressement judiciaire et à la fixation de son montant et que le règlement de cette créance était soumis au plan de continuation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour de Cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement dans sa disposition qui, par compensation, condamne la société SAITEC à payer à la société ICI France la somme de 7 989 547 francs avec intérêts au taux légal du 23 août 1993 au 11 janvier 1994, l'arrêt rendu le 26 novembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Après compensation, fixe la créance de la société ICI France au passif du redressement judiciaire de la société SAITEC à la somme de 7 989 547 francs augmentée des intérêts au taux légal du 23 août 1993 au 11 janvier 1994 ;

Condamne la société SAITEC aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du quinze octobre deux mille deux.

1593


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 99-12767
Date de la décision : 15/10/2002
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles (12e chambre civile, 1re section), 26 novembre 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 oct. 2002, pourvoi n°99-12767


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:99.12767
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