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15/10/2002 | FRANCE | N°02-81355

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 octobre 2002, 02-81355


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze octobre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BEAUDONNET, les observations de Me LUC-THALER et de Me BOUTHORS, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Marie-Thérèse, épouse Y...,

- Y... Stéphane,

- Y... Nathalie, parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de

FORT-DE-FRANCE, chambre correctionnelle détachée de CAYENNE, en date du 14 janvier 2002, qui les a débouté...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze octobre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BEAUDONNET, les observations de Me LUC-THALER et de Me BOUTHORS, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Marie-Thérèse, épouse Y...,

- Y... Stéphane,

- Y... Nathalie, parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de FORT-DE-FRANCE, chambre correctionnelle détachée de CAYENNE, en date du 14 janvier 2002, qui les a déboutées de leurs demandes après relaxe de Claude Z..., d'Yves A... et de Michel B... du chef d'homicide involontaire ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 221-6 du nouveau Code pénal dans leur rédaction issue de la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a relaxé Claude C... des fins de la poursuite exercée à son encontre pour homicide involontaire sur la personne de Joël Y... ;

"aux motifs que Claude C... avait, conformément à la réglementation de l'aviation civile, désigné un chef d'exploitation, directeur de l'entreprise locale, ainsi qu'un responsable technique de l'entretien assisté d'une équipe de mécaniciens ; qu'il n'est pas démontré, ni même allégué, que Claude C... ait mené une politique de rentabilité au détriment de la sécurité ; que dès lors, la question qui se pose est de savoir si Claude C... a commis une faute caractérisée qui soit à l'origine de l'avarie et du crash, si l'ont peut écarter d'emblée les billevesées relatives au "climat délétère" qui se serait installé dans l'entreprise guyanaise s'agissant de propos subjectifs à incidence non mesurables, il reste à examiner la question du stockage et des commandes de pièces défectueuses : de ce point de vue il paraît évident que le fonctionnement de Heli-Inter Guyane et l'entretien des appareils serait facilité par un stockage sur place des pièces les plus essentielles à la sécurité et, à défaut, par un système de commande et de livraison accélérée ;

qu'en l'espèce, Heli-Inter Guyane ne disposait pas de butées sphériques en stock et que le retour de commande pourtant qualifiée d'urgente, n'est parvenue à son destinataire qu'au moment de l'accident alors qu'elle aurait été passée dès novembre 1992 ;

que, cependant, ces apparentes fautes de gestion n'ont pas eu d'incidence directe sur l'accident dans la mesure où l'appareil doit être interdit de vol par les mécaniciens qualifiés dès lors qu'une avarie technique est constatée hors du seuil de tolérance ; que, là encore, la responsabilité de Claude C... ne pouvait être retenue que s'il apparaissait que les responsables locaux d'Heli-Inter Guyane avaient des consignes explicites ou implicites de pousser l'utilisation des matériels jusqu'aux limites des seuils de résistance des matériaux ; que rien de tel n'est démontré en l'espèce ; qu'il en résulte qu'aucune faute caractérisée ni aucune violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité ne peut être mise à la charge de Claude C..., qui soit en rapport avec l'accident ;

"alors que, aux termes de l'article 121-3 du Code pénal dans sa rédaction issue de la loi du 10 juillet 2000, les délits non intentionnels prévus par ce texte sont punissables en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement quand une personne physique, sans causer directement le dommage, a créé ou contribué à créer la situation qui a permis sa réalisation ou n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter s'il est établi qu'elle a, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer, qu'en l'espèce où, sans contester les motifs du jugement relatifs à l'absence de délégation de pouvoirs donnée par le prévenu, à la fois PDG de la société-mère d'exploitation d'hélicoptères établie en région parisienne et gérant de sa filiale guyanaise où il se rendait seulement une fois par an, aux salariés de cette dernière société pour que ceux-ci puissent obtenir une livraison rapide des pièces de rechange défectueuses des appareils, la Cour, qui a dû reconnaître l'existence d'apparentes fautes de gestion commises au sein de la société guyanaise résultant de la longueur du délai écoulé entre la commande pourtant expressément qualifiée d'urgente par un mécanicien de cette société et la livraison d'une pièce dont la rupture a causé l'accident mortel dont le pilote de l'hélicoptère a été victime, a violé le texte susvisé en refusant d'en faire application pour entrer en voie de condamnation, sous prétexte qu'il ne serait pas établi que le prévenu ait demandé à ses subordonnés en Guyane de pousser l'exploitation des matériels jusqu'aux limites des seuils de résistance des matériaux ; qu'en effet, en prenant délibérément et consciemment, le risque de poursuivre l'exploitation d'un hélicoptère jusqu'à la rupture d'une pièce essentielle à sa sécurité, sans même tenter d'accélérer la livraison sur place de la pièce de rechange parvenue après l'accident et presque deux mois après avoir été commandée, le représentant légal de cette société a

pris délibérément le risque de l'accident" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 221-6 du nouveau Code pénal dans leur rédaction issue de la loi n° 200-647 du 10 juillet 2000, 459 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a relaxé Yves A... des fins de la poursuite exercée à son encontre pour homicide involontaire sur la personne de Joël Y... ;

"aux motifs qu'une analyse comparable à celle relative à la culpabilité de Claude C... peut être faite en ce qui concerne Yves A..., à cette différence près qu'il est responsable local de cette exploitation commerciale, mieux à même d'assurer au quotidien la gestion des personnels et du matériel avec le double impératif de sécurité et de rentabilité ; qu'au plan de la sécurité des vols, il est constant qu'il ne peut que s'en remettre aux compétences techniques de l'équipe de mécaniciens ; qu'il ne peut lui être reproché en l'espèce de n'avoir pas mis hors service l'appareil dès lors que toutes les visites de sécurité étaient faites et que les autorisations de vol étaient déclinées ; que, s'agissant de la commande des butées sphériques, il ne pouvait s'en inquiéter du point de vue de la sécurité dès lors que les mécaniciens qualifiés estimaient que les boursouflures constatées étaient en deçà du seuil de tolérance fixé par le constructeur ; que, comme pour Claude C..., la responsabilité d'Yves A... ne pouvait être recherchée que s'il apparaissait que, pour des raisons de rentabilité il avait incité les mécaniciens et les pilotes à utiliser les appareils en limite des seuils de résistance ; que ceci n'est nullement démontré ; que directeur local d'exploitation, Yves A... pouvait s'inquiéter davantage du problème de stockage des pièces défectueuses ou de l'inadéquation du système de commande ; que, là encore, cette question se rapporte à une mauvaise gestion induisant une perte d'exploitation en cas d'immobilisation au sol d'un appareil et non à la sécurité qui peut précisément être assurée à tout moment par une immobilisation pour avarie technique ;

"alors que la Cour qui a relevé que le prévenu était le responsable local de la compagnie Heli-Inter Guyane pouvant à ce titre immobiliser les appareils défectueux, a laissé sans réponse le moyen péremptoire des parties civiles, accueilli en première instance et tiré de l'inaction totale de ce prévenu qui avait été avisé de l'avarie constatée sur l'hélicoptère litigieux qu'il avait néanmoins laissé fonctionner pendant près de deux mois alors que lui-même avait été victime d'un accident sur un autre appareil de son employeur, sans s'inquiéter de l'absence de livraison de la pièce de rechange qui avait été commandée par un mécanicien ayant souligné l'urgence du remplacement de la pièce défectueuse eu égard à l'importance des boursouflures qu'il avait constatées" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve de l'infraction reprochée n'était pas rapportée à la charge de Claude C...n et d'Yves A..., en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant les parties civiles de leurs prétentions ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 et 1384 du Code civil, 2, 3, 509, 515 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a débouté les parties civiles de leurs demandes sur les seuls appels d'Yves A... et Claude C..., du ministère public et d'une des parties civiles ;

"aux motifs que du fait de l'appel incident du ministère public, l'intégralité du litige au plan pénal et civil est soumis à l'appréciation de la Cour en ce qui concerne les trois prévenus nonobstant l'absence de recours de Michel B... ; et que du fait de l'infirmation de la décision de première instance et de la relaxe des prévenus, les parties civiles seront déboutées de toutes leurs demandes fins et conclusions ;

"alors que, d'une part, le ministère public ayant à la suite des trois appels formés par les deux prévenus Yves A... et Claude C..., puis par l'une des trois parties civiles, formé successivement trois appels incidents, tous annexés aux trois appels principaux, il en résultait que ces appels incidents étaient limités aux dispositions du jugement concernant les appelants et non sur celles afférentes au troisième prévenu non appelant, en sorte qu'en relaxant Michel B... des fins des fins de la poursuite bien que ce prévenu, condamné pour homicide involontaire en première instance n'ait pas interjeté appel du jugement de condamnation rendu à son encontre, sous prétexte que du fait de l'appel incident du ministère public, l'intégralité du litige était soumis à l'appréciation de la Cour en ce qui concerne les trois prévenus, les juges d'appel ont violé l'article 509 du Code de procédure pénale en ne tenant pas compte des limitations résultant des trois appels incidents successivement interjetés par le ministère public pour statuer sur la culpabilité du prévenu non appelant comme sur celle de ses deux co-prévenus ;

"alors que, d'autre part, en l'absence d'appel de Michel B..., la Cour a violé l'article 509 du Code de procédure pénale en infirmant le chef du jugement qui avait condamné ce prévenu à verser des dommages-intérêts aux parties civiles, au prétexte erroné que l'appel incident du ministère public lui permettait de statuer sur l'intégralité du litige au plan pénal et civil, l'appel du ministère public étant sans effet sur les intérêts civils" ;

Vu l'article 509 du Code de procédure pénale ;

Attendu que, selon ce texte, l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant ;

Attendu que, pour débouter les parties civiles de leurs demandes à l'égard de Michel B..., l'arrêt attaqué énonce que "du fait de l'appel du ministère public, l'intégralité du litige au plan pénal et civil est soumis à l'appréciation de la Cour" ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence d'appel de Michel B..., les dispositions civiles du jugement concernant ce prévenu étaient devenues définitives, la cour d'appel a méconnu le texte et le principe sus-rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de Cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le quatrième moyen de cassation proposé,

CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions ayant débouté les parties civiles de leurs demandes à l'égard de Michel B..., l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Fort-de-France, chambre détachée de Cayenne, en date du 14 janvier 2002, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

CONSTATE que les dispositions civiles du jugement concernant Michel B... sont devenues définitives ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Fort-de-France, chambre détachée de Cayenne, et sa mention en marge où à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Beaudonnet conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-81355
Date de la décision : 15/10/2002
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le premier moyen) APPEL CORRECTIONNEL - Appel du ministère public - Effet sur les intérêts civils (non).

APPEL CORRECTIONNEL - Appel de la partie civile - Interdiction d'aggraver son sort - Portée sur les réparations civiles.


Références :

Code de procédure pénale 509

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France, chambre correctionnelle détachée de CAYENNE, 14 janvier 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 oct. 2002, pourvoi n°02-81355


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:02.81355
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