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15/10/2002 | FRANCE | N°01-84499

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 octobre 2002, 01-84499


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze octobre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire AGOSTINI, les observations de Me COSSA, de la société civile professionnelle COUTARD et MEYER, de Me Le PRADO, de Me VUITTON et de la société civile professionnelle DEFRENOIS et LEVIS, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Jean-Paul
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- la société GENERALI FRANCE ASSURANCE, partie...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze octobre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire AGOSTINI, les observations de Me COSSA, de la société civile professionnelle COUTARD et MEYER, de Me Le PRADO, de Me VUITTON et de la société civile professionnelle DEFRENOIS et LEVIS, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Jean-Paul

- la société LA ZURICH, partie intervenante

- la société GENERALI FRANCE ASSURANCE, partie intervenante,RL contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9ème chambre, en date du 30 mai 2001, qui, pour homicide involontaire et contraventions à la réglementation sur les transports routiers, a condamné le premier à 3 ans d'emprisonnement dont 30 mois avec sursis et sept amendes de 2 000 francs, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires personnel et ampliatif en demande et les mémoires en défense produits ;

Sur le premier moyen de cassation du mémoire personnel proposé par Jean-Paul X..., pris de la violation des articles des articles 111-2, 111-3, 221-6 du Code pénal, 388 et 406 du Code de procédure pénale, 6 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'après s'être déporté sur la gauche, l'ensemble routier conduit par Jean-Paul X... a traversé le muret de séparation d'une autoroute et heurté un véhicule circulant en sens inverse, dont les cinq occupants sont décédés ;

Attendu que, pour déclarer Jean-Paul X... coupable d'homicide involontaire, la cour d'appel relève que l'emploi du temps de ce chauffeur routier au cours des derniers jours, caractérisé par un important dépassement des temps de travail et de conduite et par l'absence de temps de repos indispensables, avait amoindri ses facultés d'attention et altéré ses réflexes ; que les juges en déduisent que ces circonstances sont à elles seules à l'origine directe de l'accident ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que le prévenu a commis une faute en relation directe avec le dommage, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en ce qu'il reprend une exception de nullité de l'ordonnance de renvoi qui n'a pas été soumise aux premiers juges avant toute défense au fond, doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation du mémoire personnel proposé par Jean-Paul X..., pris de la violation des articles des articles 111-2, 111-3, 221-6 du Code pénal, 388 et 406 du Code de procédure pénale, 15-2 du règlement CEE 85-3821 du 20 décembre 1985, 6 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments les contraventions dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche par application de l'article 385 et qui se borne, pour le surplus, à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour la société Générali France Assurance, pris de la violation des articles L. 113-1 et L. 124-3 du Code des assurances, 385-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, infirmant le jugement entrepris en ce qu'il a mis hors de cause la Compagnie Générali France Assurances, a déclaré cet assureur tenu en son obligation de garantie à l'égard des tiers ;

"aux motifs que la Compagnie d'assurances "La Zurich" conteste en ses écritures les dispositions du jugement entrepris en ce que les premiers juges ont estimé "qu'il résulte du contrat d'assurances versé aux débats par Général France que la Compagnie La France n'assurait pas la société SMBO pour les dommages causés et subis par les véhicules conduits par le personnel mis à disposition" ; qu'en conséquence la Compagnie Générali avait été mise hors de cause ; que pour conclure à la confirmation de cette décision Générali expose que la société SMBO avait souscrit auprès de la Compagnie La France, aux droits de laquelle elle intervient, un contrat d' "assurance des responsabilités du chef d'entreprise" lequel ne couvrait pas les dommages occasionnés du fait de la prestation de mise à disposition du personnel notamment les chauffeurs pour lesquels s'opérait, dans ce cas un transfert du lien de subordination au profit de l'entreprise utilisatrice ; qu'enfin et surtout figurait au paragraphe 3 des conditions générales du contrat une clause d'exclusion relative aux dommages provenant d'un fait intentionnel de l'assuré résultant de la violation délibérée des lois et règlements ; qu'il résulte des dispositions de l'article 385-1du Code de procédure pénale que l'exception fondée sur une clause du contrat d'assurance et tendant à mettre l'assureur hors de cause n'est recevable que si elle est de nature à exonérer totalement l'assureur de son obligation à l'égard des tiers ; qu'en l'espèce la clause d'exclusion que fait valoir Générali ne concerne que les rapports entre l'assureur et son assuré ; qu'elle est inopposable aux tiers que sont les parties civiles ; qu'au surplus si l'on doit admettre que la garantie du contrat en cause ne couvre pas les dommages résultant du fait de Jean-Paul X..., chauffeur intérimaire mis à disposition de la société Salvesen, il en va tout autrement des dommages résultant de l'infraction reprochée aux trois autres prévenus et M. et Mme Y... et M. Z..., préposés de la société SMBO ; qu'enfin la clause d'exclusion vise expressément un fait intentionnel de l'assuré alors qu'en l'espèce la prévention vise les dispositions de l'article 221-6 du Code pénal relatif aux atteintes involontaires à la vie, le manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ne constituant que l'une des circonstances du délit ; que surabondamment il importe de souligner qu'au titre des conditions particulières du contrat dit "TOUT SAUF" figurent la garantie des conséquences pécuniaires du fait des personnes travaillant dans l'entreprise (article 1) ainsi que de celles impliquant un véhicule automobile (article 3) ; qu'ainsi ne trouvent pas application les dispositions de l'article 385-1 du Code de procédure pénale ; qu'en

conséquence la Compagnie Général sera déboutée de ses demandes et le jugement déféré infirmé en ce qu'il l'a déclaré hors de cause et en application des articles 388-1 et 388-3 du Code de procédure pénale sera tenue d'assumer son obligation de garantie pour le compte de la SMBO à l'égard des tiers ;

"alors, de première part, que le droit de la victime contre l'assureur de l'auteur du dommage puise sa source et trouve sa mesure dans le contrat d'assurance ; que les exceptions constitutives d'exclusion de garantie étant par principe opposables par l'assureur au tiers lésé, sauf exceptions limitativement définies au rang desquelles ne figurent pas la cause d'exclusion de garantie dont se prévalait en l'espèce la Compagnie Général France Assurances, la cour d'appel ne pouvait décider que cette clause était inopposable aux tiers que sont les parties civiles ;

"alors, de deuxième part, que la cour d'appel a privé sa décision de motifs en affirmant que Chouarfia Y..., gérante de droit non salariée de la société SBO, avait la qualité de préposée de cette société sans préciser de quel élément du dossier découlait l'existence de ce lien de préposition ;

"alors, de troisième part, que le "fait intentionnel" de l'assuré au sens de la police litigieuse désigne le fait ayant été volontairement commis par le dit assuré, peu important la qualification pénale susceptible d'être attachée à son comportement ; que dès lors la cour d'appel s'est contredite en considérant que les prévenus ne pouvaient se voir imputer un fait intentionnel de nature à exclure la garantie de la Compagnie Général France Assurances tout en constatant que ces derniers avaient concouru à la survenance du dommage en manquant volontairement aux obligations de sécurité et de prudence imposées par la loi et les règlements en matière de transports routiers ;

"alors, de quatrième part, que si la police litigieuse prévoyait effectivement la garantie des responsabilités civiles de l'assuré du fait des personnes travaillant pour l'entreprise et des dommages impliquant un véhicule à moteur, ces garanties n'étaient accordées que sous la réserve expresse de différentes exclusions et limitations dont certaines étaient invoquées en l'espèce par la Compagnie Général France Assurances ; que la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants en tirant argument de la stipulation de ces garanties sans avoir égard aux limites et exclusions dont elles étaient assorties" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le gérant et deux salariés de l'entreprise SMBO, société d'intérim à l'origine des missions attribuées à Jean-Paul X..., ont été définitivement déclarés coupables d'homicide involontaire et tenus à réparation des conséquences du délit ;

que la société Générali France Assurance, venant aux droits de l'assureur auprès duquel la société SMBO avait souscrit un contrat d'assurance de responsabilité du chef d'entreprise, a décliné sa garantie ;

qu'elle a été mise hors de cause par les premiers juges ;

Attendu que, pour infirmer le jugement entrepris et dire la société Générali France Assurance tenue à garantie à l'égard des tiers, l'arrêt attaqué retient que les exclusions de garantie alléguées par la demanderesse ne concernent pas les dommages causés par le gérant et les salariés condamnés et qu'elles ne sont donc pas de nature à exonérer totalement l'assureur de son obligation de garantie à l'égard des tiers ;

que les juges ajoutent que la clause d'exclusion relative aux dommages provenant d'un fait intentionnel de l'assuré et résultant de la violation délibérée des lois et des règlements ne s'applique pas au dommage résultant d'une atteinte involontaire à la vie ;

Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel, qui a fait l'exacte application des articles L. 113-1 du Code des assurances et 385-1 du Code de procédure pénale, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour la société La Zurich, pris de la violation des articles 2, 485 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a estimé recevables les constitutions de partie civile (au nombre desquelles celle de la société FM Hammerle Textil Werke GMBH qui était contestée par la Zurich ;

"aux motifs confirmés que "la société FM Hammerle Textil Werke GMBH se constitue partie civile et sollicite la désignation d'un expert aux fins de déterminer le préjudice lié à la perte de ses trois cadres ; que cependant il n'appartient pas au tribunal de pallier à la carence de la société qui n'a versé aux débats aucune pièce à l'appui de sa demande d'expertise ; que le tribunal surseoit à statuer sur la demande de la société Hammerle dans l'attente de justificatifs" ;

"alors que le droit d'exercer l'action civile n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage ; que sur une poursuite pour homicides involontaires, la cour d'appel ne pouvait accueillir la constitution de partie civile de l'employeur des victimes à qui le délit d'homicide n'avait personnellement causé aucun dommage" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, statuant sur la constitution de partie civile de la société Hammerle Textil Werke, employeur de trois des victimes de l'accident, qui sollicitait la désignation d'un expert aux fins de déterminer le préjudice subi du fait du décès de ses cadres, le tribunal a sursis à statuer et ordonné la réouverture des débats pour permettre à la société requérante de justifier de ses prétentions, sur lesquelles les juges d'appel n'ont pas prononcé ;

Attendu qu'en cet état, le moyen, qui manque en fait en ce qu'il allègue que la cour d'appel a accueilli la constitution de partie civile de la société Hammerle Textil Werke, ne peut être admis ;

Sur le second moyen de cassation proposé pour la société La Zurich, pris de la violation des articles 4 de la loi du 5 juillet 1985, 2, 3 et 573 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a confirmé les dispositions civiles du jugement quant au quantum des indemnisations ;

"aux motifs que les prétentions exposées par la Compagnie d'Assurances La Zurich tendant à attribuer une part de responsabilité à feu M. A..., conducteur du véhicule percuté ne saurait être sérieusement soutenue au titre de la Loi du 5 juillet 1985 inapplicable en l'espèce, dès lors qu'en matière pénale la réparation des intérêts civils est exercée dans les conditions prévues aux articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ;

"alors que si la faute de la victime d'un délit d'homicide involontaire n'exonère pas le prévenu de sa responsabilité pénale, elle peut diminuer sa responsabilité civile ; que l'arrêt attaqué ne pouvait, pour des motifs inopérants, refuser de rechercher si, comme le soutenait la Zurich, M. A... n'avait pas commis une faute de nature à diminuer la réparation due à ses ayants-droit" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société La Zurich, assureur du camion conduit par le prévenu Jean-Paul X..., a allégué l'existence d'une faute commise par le conducteur de l'autre véhicule, décédé, et a sollicité un partage de responsabilité ;

Attendu que, pour écarter cette demande, la cour d'appel retient que les faits imputables au prévenu sont seuls à l'origine de l'accident ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

Attendu que, la condamnation prévue par l'article 618-1 du Code de procédure pénale ne pouvant être prononcée que contre l'auteur de l'infraction et au profit de la seule partie civile, la demande faite à ce titre par la société Anglo Elementar Versichering, partie intervenante, n'est pas recevable ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

DECLARE IRRECEVABLE la demande de la Société Anglo Elementar, au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Agostini conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 01-84499
Date de la décision : 15/10/2002
Sens de l'arrêt : Rejet irrecevabilité
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 9ème chambre, 30 mai 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 oct. 2002, pourvoi n°01-84499


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:01.84499
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